atma Tazoughert…L’autre reine méconnue des Aurès

29/03/2017 16:13

 

Fatma Tazoughert…L’autre reine méconnue des Aurès

Qui marcha sur les traces de la reine Dihya des siècles plus tard sur cette même terre de Berbérie aux multiples gorges escarpées ? Unique femme dit-on qui a su régner justement, après Kahéna….Dihya ou Démia avec majesté sur les Aurès et perpétué le matriarcat, rendant grâce à la femme et la hissant au rang de guerrière intrépide. Qui était donc cette femme qu’honorent les « Rahabas » chanteurs chaouis exclusivement virils ? Les contes aussi la disent cette femme à la chevelure flamboyante ayant vécue plus de cent ans.

Fatma Tazoughert ( Rousse ou rouquine en berbère ) était née en 1544 dans la montagne de Hitaouine à Merouana ( Batna) dans les Aurès Inférieures. Les chants chaouis préserver oralement glorifient aujourd’hui encore cette femme qui est passé d’un siècle à un autre grâce à eux :

« Tazoughert Reine des Aurès

L’aphrodite, l’autre déesse

Se baigne dans le lit envoûté de Tifouress

Dans un insolite corsage liquide faiseur

De l’historique copulation »

L’histoire ne dit pas d’où lui vient le royaume à la belle rousse. Était-elle la femme d’un roi devenue reine après son veuvage ? Avait-elle hérité le royaume de son père ?

L’écrivain Nadhir Sbaâ la présente modestement dans son écrit L’histoire des Aurès et les hommes ainsi :  Fatma «la rousse», (1544-1641) prêtresse et reine, réussit sous son règne, non seulement à unir plusieurs groupes berbéro-arabes, mais à perpétuer le matriarcat en désignant uniquement des femmes au sein du conseil des sages.» Plus loin, il fait connaître l’ascendance et la descendance de cette reine et écrit : «Descendante d’Imouren (général berbère, lieutenant de Tarek B’nou Ziyad, fondateur de l’Andalousie), trisaieule de Bouthaâlaweth, l’inventeur du canon léger en bois de chêne (1908), de Hména Zéqun, fabricant des tromblons et fusils à clous…»

L’auteur de cet écrit n’omet pas de signaler qu’elle récitait le Coran par cœur, qu’elle entretenait des relations commerciales avec des chrétiens et des juifs et qu’elle montait les tapis, les burnous (Ajridi) et les chevaux avec habileté, grâce et adresse. «Unique femme, dit-on, des siècles après la Kahina, qui ait régné avec majorité sur les Aurès et perpétué le matriarcat, on la retrouve partout dans les chansons des «Rahabas» et les contes». Aimante pour ceux qui lui obéissent et sans coeur pour ceux qui n’obtempèrent pas à ses ordres, cette reine, pour exalter le respect de la discipline, sacrifia ses deux frères. L’écrivain et homme de lettres Nadhir Sbaâ rapporte : «Elle fit exécuter son frère Zoltan et poussa à l’exil Sellam son cadet, qui contestèrent certaines de ses décisions». Poursuivant sa description morale et son sens de l’organisation, il la peint ainsi : «Guerrière redoutable, elle avait un remarquable sens de l’organisation et du commandement à la tête de ses troupes [...]. Elle restait libre tout en dirigeant la multitude et avait un incontestable ascendant sur le grand Aurès, jusqu’aux confins de M’sila, au sud-ouest et Tébessa au nord-est». Ses caractères distincts, sa forte personnalité et son instruction avaient fait d’elle, comme écrit Nadhir Sbaâ, une femme «crainte, prêtresse admirée, jouissant d’un grand prestige grâce à sa culture ancestrale». Fatma Tazoughert jouissait d’une belle fortune qu’elle avait héritée de sa mère et qui se dessine dans la phytothérapie : Notre écrivain et homme de recherche rappelle : «Sa mère – Adhfella – l’avait initiée à la sélection des plantes et aux soins à prodiguer aux malades et blessés». Procréatrice, il dit d’elle : «Elle savait être une bonne mère (elle eut, dit-on, dix-sept enfants), juste maîtresse envers des esclaves quand les circonstances l’exigeaient».

En témoignage de vénération à son ascendante Fatma Tazoughert, Lalla Khoukha Boudjenit (1904-1963), poétesse chawie méconnue et artiste de renom, lui rend hommage à sa manière :

«Hommage à vous, Fatma Tazoughert

Hommage à vous, Maîtresse de la fécondité

Hommage à vous, reine des cieux et des terres».

Elle ira jusqu’à lui affirmer sous la foi du serment en lui promettant : «Dans nos cœurs, nous avons gravé votre nom magique pour l’éternité». Le ver est trop chargé d’attachement et d’amour à son égard : l’amour et le respect indéfectibles, que lui portent ses descendants, est manifeste.

Beaucoup de poèmes et de contes l’ont chantée et ont vanté ses mérites et ses exploits. De ce jardin, nous vous avons cueilli quelques-uns de ces poèmes, en chaoui, qui l’adulaient tels que :

«Soussem Idhbirène, Atmila, Limam n’wedhar, Fatima Tazoughert Tessaradh gouamane Techtahen Dhassequit eness.» La traduction faite par Nadhir Sbaâ est :

«Taisez-vous tourterelles colombes/Chênes, oliviers, cèdres et pins/Les cascades d’eaux vives se figent/Dans une expiation extase/Tazoughert Reine des Aurès/L’aphrodite, l’autre déesse/Se baigne dans le lit envoûté des Tifouress/Dans un insolite copsage liquide faiseur/De l’historique copulation »

Ou encore :

Taziri N’your

Lahwa Nwedhrar

Iness Lalla Fatma

Regda Nirer

Traduction toujours faite par le même auteur : Douceur de lune/Brise des montagnes/Dites à Fatma la rousse/De sortir égayer/Les silences des nuits.

Malgré les affres du temps et grâce à la mémoire de la population et aux poèmes, son souvenir s’est immortalisé et a pu voyager à travers le temps. Ainsi, ses héritiers pérennisent et sauvent de l’oubli cette figure nationale et emblématique en lui tissant contes et poèmes.