AU NOM DU SOUVENIR : Prisons Françaises ou l’enfer des damnés

05/07/2014 00:46
 
AU NOM DU SOUVENIR : 
Prisons Françaises ou l’enfer des damnés

 

L’histoire de la colonisation aura malgré les années qui nous séparent de ce passé douloureux, resté vivace, pour ceux qui ont connu l’enfer des prisons Françaises, pour continuer même aujourd’hui de hanter les esprits meurtris de ces hommes qui ont subi les affres des geôles et camps de concentration. Pour les survivants de cet enfer, les effets sont toujours présents pour faire irruption dans leurs vies, marqués par l’endurance d’un calvaire qui demeure irréversible, par les séjours passés et qui ne se sont pas encore estompés, quarante huit ans après. Pour ces hommes qui ont eu le courage de supporter un tel cauchemar et de sortir de cet enfer vivant, qui aura laissé des traces encore visibles ne peuvent oublier une telle épreuve, ou l’effacer, et à la veille de la fête de l'indépendance ils se rappellent : "Nous ne pouvons oublier, toutes les horreurs que nous avons subi, cela nous hante à chaque instant de notre existence, le passé est toujours là présent avec ses brutalités, ses tortures, ses longues nuits sans sommeils, avec les affres de la baignoire, le gégène qui a laissé ses marques aux endroits les plus intimes et les plus sensibles du corps, Voire des supplices insupportables sans parler de méthodes nazis utilisées pour nous faire craquer et que je ne pourrais jamais par respect vous décrire" , nous dira S. Mohamed un rescapé du camp de la mort de Sidi Ali. Et d'ajouter, nous nous en sommes sortis vivant, grâce à dieu, mais par contre il y a qui ne sont jamais revenus et des centaines et des centaines ont disparu, d'autres ont été abattus, comme des animaux, il était rare d'échapper à ce camp qui était la destination du sans retour, et moi à ce jour je me demande comment se fait il que je suis encore vivant". Poser la question, à ces rescapés de l’enfer des camps de la mort, c’est comme si on les obliger à revivre cette expérience douloureuse, dans les moindres détails pour le remarquer aussitôt, car le fait de raconter ou d’évoquer ces moments pénibles, assombrit les visages et ravive les souvenirs et la détresse de ces âmes torturées dont on a des difficultés à délier les langues. Les stigmates encore discernables ne laissent aucun doute sur le ravage causé pour le remarquer telle une image fantomatique représentée par une silhouette personnifiée et qui ne s'est jamais reconstruite depuis. La France n’aura pas déroger à la règle, célèbre déjà de par le passé carcérale inhumain à partir d’annales judiciaires expédientes, même pour ses citoyens, d’ou la fameuse affaire de Dreyfus qui fut jeté aux oubliettes dans un bagne, sur une île ou il fera l’expérience de l’injustice raciste, telle qu’elle a été employée vis-à-vis des Algériens durant plus d’un siècle de présence en Algérie. La France s’emploiera à asservir un peuple, pour arriver à ses fins elle construira des prisons et des bagnes à l’image de sa réputation carcérale que l’hystérographie Française relate dans ses annales. Elle poursuivra son œuvre réplique de ses prisons Françaises, par un système carcéral unique au monde et des plus ignominieux, illustré par ses prisons forteresses et son bagne tel que l’île du diable dans son instauration légendaire, hérité du temps pour servir d’exemple et que la logique humaine réprouve. L’histoire le retiendra, comme un point noir, qui ternira, à jamais l’image de ce pays des droits de l’homme, des libertés et de l’égalité. L’histoire de cette entité civilisée, s’est fourvoyée dans les actes et les atrocités, contre l'Algérien l’avilissant de manière à l’humilier. Revivre ce cauchemar qu’auront connu les hommes et le fait d’y penser demande du courage à des effigies d'un autre temps et de la maîtrise de l’esprit pour entendre ces survivants des prisons Françaises est irréel et difficile à imaginer. C’est un vécu qui appel à un passé morbide, mais honore cette endurance et ce combat dans une période spécifique et sacrée pour ces hommes privés de liberté et au nom du sacrifice. "Il fallait lutter pour survivre à toutes les tortures, qui reviennent en permanence, selon une stratégie appliquée par les tortionnaires qui ne laissait rien au hasard, dans ce milieu carcéral, ou l’on subissait l’humiliation pour nous rabaisser, mais malgré cela il fallait résister, nous dira l'ex détenu à la prison d'Oran, le Moudjhahed Naït Hadj Mohamed. C’est dans cette perspective, que l’on peut se demander ce que l’on pouvait espérer de la politique qu’exerçait l’administration coloniale, dans les prisons. C'était le temps de la répression féroce, ou l’on voyait défiler les musulmans par millier, devant les tribunaux militaires, suivie des condamnations arbitraires dont un nombre très important, ne cessait de s’élever au fil de 132 années de colonisation, déportations, travaux forcés, condamnation à mort, perpétuité. Barberousse, El Harrach, Port Gazelle, le Dahra avec ses camps de la mort de Sidi Ali, Point Zéro, Ouled Maala, Oued Rhiou, Bettioua , Ouargla et d’autres disséminés à travers le pays, pour rappeler aussi non pas seulement ceux implantés sur le territoire Algérien, mais aussi les camps de Ouagadougou et du Burkina Faso.", Conclura t-il. Les survivants de ces prisons coloniales ne peuvent nous laisser indifférent lorsque l’on entend leurs récits qui reflètent une réalité vécue, par les nombreux témoignages qui corroborent ce qui nous a déjà été rapporté dans leurs ensembles. Les séquelles pour ceux que nous avons rencontré et qui, tenaillés par le souvenir douloureux, et qui sont apparentes et vivaces par moment, pour ressurgir de ces méandres du passé, pour ces victimes de cet enfer et qui y ont survécu avec courage, aimeraient bien oublier. En écoutant ces témoignages, on a l’impression de vivre l’évènement, pour se retrouver au rythme de l’éternel recommencement, de ces dates que se sont figées pour ces ex détenus au fil des années, dans la ressemblance des jours qui apportaient leurs contingents de malheurs, et d’humiliations. L’Algérien vivait a la cadence des déportations et des emprisonnements, mais déterminé à poursuivre pendant la détention cette lutte qu’il s’était fixée maintenant ses revendications politiques, malgré l’enfer des prisons par conviction du combat même dans l’isolement carcéral et était considéré comme un pariât dans son propre pays, aux yeux du pouvoir colonial. "C’est dans l’imagination que l’on essayait de s’évader le temps de souffler ou de rêver, me dira S. Affif ex détenu, car c’est tous ce que l’on avait pour nous consoler, penser à sa famille et surtout à la patrie, c’est ce qui nous donnait le courage et la force de continuer, sans cela on ne pouvait survivre, à un tel enfer". "Compter les jours, les nuits, et les heures nous paraissaient interminables, supporter les atrocités, les tortures par le geôlier qui a votre garde". "Subir les méfaits et les vicissitudes d’un séjour qui n’en finit pas, dans l’attente incertaine d’une libération ou d’une exécution, qui tardait à venir, nous dira B. Abdelkader très marqué par le séjour passé dans le camp de Sidi Ali". "Torture morale était le quotidien pour déceler les séquelles même aujourd’hui, aucune description ne pourrait reproduire l’enfer de ces prisons Françaises même dans leur aspect le plus sinistre, pour se demander à qui on avait à faire était ce une gente ou des êtres maléfiques pour faire subir un tel traitement à des êtres humains", s'exclamera un autre M.Tahar un quinquagénaire abattu et très marqué, par les atrocités. "C’était les atrocités dans leurs paroxysmes haineux, pour tout ce qui est arabe, vous n’imaginerais jamais les méthodes diaboliques employées contre l’arabe et la répression qui sévissait dans les prisons, persécutions endurances, corvées de bois pour certains qui l'on ne reverra plus, c'était notre lot quotidien, ajoutera t-il". "Certaines de ces prisons étaient conçues pour y entrer et ne plus ressortir, à l’exemple des camps de la mort de Sidi Ali dans la région du Dahra, nous fera savoir El Hadj D. Sadek". "Tant d’Algériens ne rentreront jamais, d’autres seront l’objet d’exactions coloniales inimaginables, dont personne ne fait mention même l’histoire aura négligé cette page historique, ajoutera-t-il". Nombreuses sont les prisons qui figurent au second plan, de l’histoire de la nation, d’autres ne seront jamais évoquées parce que l’on a voulu qu’il en soit ainsi, cependant il restera toujours une certaine mémoire pour se les rappeler. L’Algérie dans son histoire retiendra ce passage transitoire de ces hommes qui seront passés par cet enfer indescriptible. Tout cela répond à cette présence d’esprit de l’Algérien et du rejet de toute colonisation dans le passé comme le présent, Il faut puiser dans les mémoires vivantes, pendant qu'il est temps et extirper les témoignages des quelques survivants, qui ont le devoir d’orienter les recherches d’une époque qui semble lointaine, mais proche dans le temps. Ne pas négliger les carences qui nous privent des grands moments de notre histoire, gardons nous aussi de tout schéma qui pourrait surseoir à la restitution élémentaire des faits. Les prisons, les travaux forcés et l’exil seront le prix à payer pour des milliers d’algériens, qui n’en sortiront de cet enfer carcéral colonial, que grâce à leur courage mais traumatisés et marqués pour la vie restante, ce qui fait de ce combat mené par ces damnés encore vivants un symbole qui aura renforcé la lutte par la résistance à l'intérieur de l'enfer carcéral colonial. La réputation des prisons Françaises, a traversé les siècles est un fait reconnu dans l’histoire universelle. Pendant la colonisation elle serait devenue pire, à savoir la copie conforme d'un camp nazis et des bagnes d’outre Atlantique qui ont défrayé la chronique aux 18 ème et 19 ème siècles pour être considérés comme inhumains.

 

Benyahia Aek

Dimanche 4 Juillet 2010 - 00:01