Dossier : la situation dans les territoires palestiniens occupés

12/08/2014 23:43
Dossier: la situation dans les territoires palestiniens occupés
Introduction en vidéo
 

Histoire et actualité du conflit israélo-palestinien

Partie intégrante de ce dossier sur la Palestine, cet article est aussi un chapitre introductif. Il commencera par un bref rappel sur l’origine et l’histoire du conflit ; il évoquera ensuite les principaux domaines dans lesquels il se concrétise aujourd’hui et, finalement les principaux enjeux et défis d’aujourd’hui et de demain.

Michel Legrand

Plusieurs facteurs ont conjugué leurs effets pour donner naissance au conflit israélo-palestinien, dont la création de l’État d’Israël et la naqba (catastrophe) palestinienne ont constitué un moment crucial.

1. Aux origines du conflit

À la fin du 19e siècle, l’Europe termine la période de la mise en place des États Nations et amorce une nouvelle phase de colonialismes. C’est aussi le moment où apparaissent et se développent en Europe occidentale et en Russie es formes modernes de l’antisémitisme, c’est-à-dire le passage d’un antijudaïsme principalement religieux à un antisémitisme racial et ethnique. Les pogroms (massacres organisés contre une communauté ethnique ou religieuse) de Russie et l’affaire Dreyfus en France en constitueront deux moments particulièrement dramatiques.
C’est dans ce climat et nourri par lui que Théodore Herzl écrit un livre, État des Juifs, qui sera à la base du sionisme, mouvement appelant à la création d’un foyer national pour les Juifs, et de l’Agence juive mondiale appelée à mettre en œuvre ce foyer national.
L’idée de ce foyer national va trouver un moyen de se concrétiser grâce à l’appui des Britanniques. En effet, après avoir promis aux arabes de toute la région la création d’une grande nation arabe, les Anglais renieront leur promesse et favoriseront l’établissement des juifs en Palestine : par la Déclaration Balfour en 1917, la Grande-Bretagne, qui a reçu le mandat sur la Palestine après la chute de l’Empire Ottoman, promet aux dirigeants sionistes l’établissement en Palestine d’un foyer national pour les Juifs, à condition de ne pas nuire aux populations non juives qui y vient à ce moment (voir encadré). Ce revirement correspondait mieux en effet aux inté-rêts des Britanniques dans la région, qui cherchent à contrebalancer et contrer les prétentions des Français, l’autre grand pays qui a bénéficié du partage du décédé empire ottoman.
Étant donné la résistance progressive des populations arabes locales à ce qu’elles vivent comme un envahissement, le mouvement sioniste va alors organiser des milices juives (Irgoun, Hagana, Stern, embryons de la future armée israélienne) pour soutenir et accompagner la colonisation des territoires de la Palestine qui ira croissant jusqu’à la IIe Guerre mondiale suite à la montée de l’antisémitisme un peu partout en Europe et surtout du nazisme dans l’Allemagne de Hitler. Au cours de cette période, la Grande-Bretagne soufflera le chaud et froid, mais globalement accompagnera et soutiendra le mouvement sioniste et ses milices et réprimera de plus en plus durement la résistance arabe.
Le judéocide perpétré par les Nazis au cours de la IIe Guerre Mondiale va alors constituer un élément circonstanciel mais déterminant de la suite de l’histoire. D’une part, les rescapés du judéocide, qui se voient refuser l’entrée aux Etats-Unis et dans de nombreux pays européens, se tourneront vers la Palestine  pour aller y rejoindre et aggrandir les populations juives déjà établies sur le territoire. D’autre part, les populations arabes vont s’opposer de plus en plus à cet empiétement sur leur territoire et organiser leur résistance. Déjà dans les années 1936-1939, cette résistance prit la forme de la „Grande révolte palestinienne, menée à la fois contre l’autorité britannique et la colonisation sioniste :
ce fut l’événement fondateur du mouvement national palestinien, qui sera réprimé très durement par les Anglais. Les affrontements avec les milices juives, transformées entretemps en véritable armée, vont alors se généraliser après la IIe Guerre mondiale, en 1946. Dépassée par les événements, la Grande-Bretagne remettra son mandat à la Société des Nations. Pour sortir de l’impasse, l’ONU récemment créée vote alors en 1947 le partage de la Palestine : 55% sont donnés aux Juifs et 43% sont laissés aux Palestiniens ; à ce moment, les Juifs possédaient 6% des terres et représentaient 33% de la  population. Cette décision de l’ONU débouche en 1948 sur la décision par
Israël de proclamer son indépendance et le refus des Arabes et des Palestiniens en particulier d’accepter ce partage. Ces deux éléments seront à l’origine de la 1e guerre israélo-arabe. Le conflit se solde par l’exode (expulsion/fuite) de quelque 750 000 Palestiniens (les „réfugiés“) et par la mainmise d’Israël sur 78% du territoire. L’ONU vote (résolution 194) le droit des réfugiés Palestiniens au retour ou à des compensations.

2. Le drame des réfugiés palestiniens

Au 1er janvier 2010, il y avait plus de 4 760 000 réfugiés palestiniens recensés par l’ONU. Si l’on y ajoute les palestiniens déplacés au Proche-Orient et dans e monde, leur nombre dépasse les 7 000 000, soit la plus grande communauté de réfugiés au monde. Le destin des réfugiés palestiniens constitue l’un des enjeux et l’un des défis majeurs de toute solution juste au conflit israélo-palestinien. L’un de ces défis réside dans la reconnaissance par toutes les parties au conflit, et d’abord par Israël, du tort qui a été infligé aux Palestiniens en 1948 puis en 1967 : l’expulsion annoncée et programmée de 750 000 d’entre eux entre 1947 et 1949 (dès avant la 1e guerre israélo-arabe) puis de 250 000 en 1967.
                                      Zoom
    Déclaration Balfour 1917
[…] Sa Majesté envisage favorable ment l‘établissement en Palestine d‘un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays.
Rappelons que, outre la Déclaration universelle des Droits de l’homme, de nombreuses résolutions de l’ONU affirment et réaffirment à de nombreuses reprises la nécessité de résoudre le problème des réfugiés palestiniens, à commencer par la reconnaissance et le respect pleins et entiers de leur droit au retour, à mettre en œuvre aujourd’hui cependant selon les modalités à négocier.
Sans nous y attarder ici, rappelons que les conditions de vie des Palestiens dans les camps sont extrêmement dures et violent de nombreux Droits de l’homme. C’est le cas dans les Territoires palestiniens, mais davantage encore dans plusieurs pays arabes voisins, parti culièrement en Jordanie et au Liban.
Les enjeux en résumé : Aucun des plans de paix envisagés par les parties n’est parvenu jusqu’ici à une solution satisfaisante et juste de la question des réfugiés palestiniens. La question est complexe ; d’un côté, nier le droit inaliénable des Palestiniens au retour constituerait une injustice historique et, de l’autre, un retour massif représenterait pour les Israéliens le risque de leur minorisation au sein de leur propre territoire.
Les défis en résumé : pour les palestiniens : que soit reconnu par l‘État d’Israël le droit des réfugiés au retour — et donc l’injustice fondamentale de leur expulsion en 1948 et 1967 — et que soient trouvés des compromis acceptables sur la mise en œuvre de ce droit. Pour les Israéliens : que soient rencontrées leurs craintes de devenir des minoritaires : : des droits égaux pour tous les habitants —sous peine d’être un État d’apartheid, sinon un État raciste. Alors que l‘État d’Israël ouvre sans restriction ce qu’il appelle le „droit au retour“ (en Eretz Israël, terre d’Israël) à tous les Juifs du monde entier, il s’oppose énergiquement au droit au retour des réfugiés palestiniens.

À l’heure actuelle, le nombre de colons dépassent les 500.000, dont plus de 200.000 à Jérusalem-Est.

3. La colonisation de la Palestine

Les „colonies“ sont des implantations israéliennes dans les Territoires palestiniens. L’établissement des colonies par Israël en Territoires Occupés, y compris à Jérusalem Est, viole les principaux textes du droit international (notamment la IVe Convention de Genève, les Accords d’Oslo etc.) et également l’Art.13 de la Déclaration universelle des Droits de l’homme. Elles constituent l’un des dispositifs-clés de l’extension territoriale israélienne et de l’occupation.
Les colonies sont habitées exclusivement par des juifs israéliens : soit par des colons „idéologiques“, qui prétendent que toute la terre de la Palestine historique appartient aux Juifs et qu’il faut donc se l’approprier, soit par des colons „économiques“ qui s’installent dans les colonies pour bénéficier des avantages financiers octroyés par le gouvernement israélien. Une frange radicale des colons, protégée par l’armée israélienne, se livre à des exactions quotidiennes telles que le saccage des récoltes, la destruction des terres agricoles, de puits et d’oliviers, des pillages de magasins etc. Des faits plus graves font état de ratonnades contre des paysans pouvant aller jusqu’au meurtre (34 Palestiniens tués par des colons entre 2000 et 2004).
Le réseau de „routes de contournement“ - réservées aux colons israéliens - et les colonies qu’elles relient entre elles et au territoire d’Israël divisent aujourd’hui la Cisjordanie en plus de 200 îlots non reliés entre eux. Il constitue, avec les barrages (check points) un autre dispositif-clé de la stratégie israélienne. En effet, ce réseau empêche toute viabilité économique, sociale, politique et culturelle des Territoires palestiniens occupés (TPO). Quand on y ajoute les centaines de barrages imposés par Israël, on comprend mieux que les colonies sont la clé de voûte de la politique israé-lienne d’occupation et de colonisation des territoires palestiniens.
À l’heure actuelle, le nombre de colons dépassent les 500.000, dont plus de 200.000 à Jérusalem-Est, et le nombre de colonies tourne autour de 150, dont plus de 120 en Cisjordanie et une vingtaine à et autour de JérusalemEst. Plusieurs constituent de véritables villes de plus de 30 000 habitants.Au-delà des faits, incontestables, il convient de ne pas oublier que la colonisation des Territoires palestiniens et la judaïsation de Jérusalem sont au cœur de la dynamique d’extension croissante et la plus grande possible du territoire israélien, qui rapproche l’État d’Israël du rêve du Grand Israël – l’Israël de la mer au Jourdain. Il s’agit d’un projet, maintes fois répété par les dirigeants du mouvement sioniste jusqu’à ce jour.

4. Le Mur-barrière

Depuis 2002, le „Mur-barrière“ construit par Israël à plus de 80% à l’intérieur des TPO représente un autre dispositif-clé de la stratégie israélienne. Il prend deux formes : un mur de béton de 8 à 12m de haut avec divers systèmes d‘observation (caméras et tours de guet et de tir tous les 200m) et une zone de sécurité plus ou moins large selon les endroits (le Mur de Berlin avait 3,6 m de haut), et une clôture électronique de 3m de haut, entourée d’une zone de 50 à 100 mètres de large, comportant des fossés, des barbelés, des chemins de service ainsi que divers systèmes d’observation.Le gouvernement israélien a justifié sa construction par des raisons de sécurité, particulièrement la volonté d’empêcher les attentats en Israël. En réalité, la carte du mur indique clairement que l’une de ses premières fonctions est de protéger les nombreuses colonies israéliennes, toutes illégales, construites dans les TPO. Par ailleurs, il détruit des milliers de maisons, de serres, de puits, de terres agricoles, il annexe les terres palestiniennes, surtout les plus fertiles et les plus arrosées, il sépare des
villes et des villages palestiniens entre eux et crée en Cisjordanie 3 grandes enclaves séparées les unes des autres, il restreint la liberté de mouvement des Palestiniens, il enferme souvent ces derniers dans des enclaves isolées, il détériore l’environnement écologique et psychologique, il marginalise la population arabe à Jérusalem-est. À travers ces processus, il rend très difficile toute
vie sociale, économique, éducative, culturelle, politique et familiale, il rend difficile sinon impossible la création d’un État palestinien viable et empêche Jérusalem-Est de devenir la capitale de cet État.
La construction du Mur et ses diverses conséquences ont été clairement dénoncées et condamnées par la Cour internationale de justice de La Haye (9 juillet 2004) et par la résolution de l’ONU qui s’en est suivie (résolution ES 10/15 du 20 juillet 2004, votée par 150 voix pour 6 contre et 10 abstentions). Depuis lors, la construction du Mur continue imperturbablement, les responsables israéliens ayant signifié leur totale fin de non recevoir à la décision de l’ONU.

5. Quelques autres dimensions de l’occupation et de la colonisation

Pour s’approprier les terres, construire le mur et les colonies, aménager les routes de ontournement, construire diverses infrastructures et services, les forces israéliennes démolissent quotidiennement des habitations et d’autres bâtiments palestiniens, rasent des champs, détruisent des infrastructures, des canalisations, etc. Les maisons sont détruites pour diverses raisons : pour raisons militaires (plus de 5 300 entre 2004 et 2010, dont environ 3 500 à Gaza pendant l’Opération Plomb durci), parce qu’elles auraient été construites „sans permis“ selon les autorités israéliennes (plus de 3 500 entre 1999 et 2010, sans compter Jérusalem-Est) ou en encore en guise de „punition collective“ („crime de guerre“ selon la 4e Convention de Genève – 664 de 2001 à 2004). De 2000 à 2004, environ 2 370 maisons ont été détruites à Gaza. Rappelons que les destructions et les dépossessions sont contraires aux Droits de l’Homme et entraînent de lourdes conséquences pour la population civile. Selon la IVe Convention de Genève (art. 53 et 147), elles sont interdites et considérées „crimes de guerre“.
De toutes les méthodes qu’utilise Israël pour briser la résistance palestinienne à l’occupation, l’emprisonnement est la plus courante, la moins visible et la plus souvent oubliée quand on parle du conflit. L’enfermement est l’un des piliers de l’occupation, une arme de déstructuration de la société palestinienne. Selon le rapport de l’ONU de 2008 et d’ONGs israéliennes de défense des Droits de l’homme, de 10 à 11.000 Palestiniens sont détenus dans les prisons israéliennes (dont 376 enfants, 118 femmes, 44 membres du conseil national palestinien) ; presque tous sont incarcérés en Israël, au mépris dela 4e Convention de Genève, art. 49, qui interdit le transfert des détenus vers le territoire de la puissance occupante ; environ 800 personnes sont frappées „d’internement administratif“, sans inculpation ni jugement (détention pour 6 mois sans motif d’accusation, sans jugement, qui peut être prolongé de 6 mois en 6 mois). Outre que les conditions de vie des Palestiniens dans les prisons israéliennes sont des plus déplorables, la torture et les humiliations y sont pratiques courantes (voir Amnesty International, B’Tselem…). 

6. Gaza, blocus et destruction

Gaza est un territoire est de 360km2 (1/7 du Luxembourg) où vivent 1,5 million de Palestiniens (4.000 hab./km2), soit trois fois la population du Luxembourg.Depuis 1967, Gaza subit l’occupation israélienne comme la Cisjordanie. Des colonies israéliennes (8.000 colons) y étaient installées depuis les années 1970, utilisant 80% des faibles ressources de ce territoire en eau ainsi que les meilleures terres. Malgré le départ des colons de Gaza en 2005, Israël gardera le contrôle total des frontières terrestres, maritimes et aériennes, tout ce qui entre ou sort de l’enclave : Gaza devient une prison à ciel fermé.
Après les élections palestiniennes de janvier 2006 et le refus par les Etats-Unis et l’Europe de reconnaître la victoire électorale du Hamas en Palestine, mais aussi le gouvernement d’unité nationale péniblement constitué, le Hamas prend le pouvoir sur Gaza et en assure la gestion. Nulle part on n’a mentionné que ce „coup d’état du Hamas“ résultait lui-même d’une tentative de Mohammed Dahlan (dirigeant du Fatah) de prendre début 2007 le contrôle de Gaza 
(avec La colonie israélienne Har Homa, en face de Bethléem, en 2007.l’aide d’armes et de formation militaire américaines), tentative qui fut rapidement déjouée par le Hamas (Voir www.medea.be/index.html?doc=1689).Gaza a été déclaré „entité hostile“ par estime que l’armée israélienne s’est rendue coupable, dans cette opération, de „crimes de guerre“, sinon même de „crimes contre l’humanité“. Le rapport estime que des groupes palestiniens se sont eux aussi rendus coupables de tels „crimes“, bien que dans une moindre proportion. Avec difficulté, ce rapport a été entériné par la Commission des Droits de l’homme de l’ONU, mais attend, pour son entérinement par l’ONU elle-même, des rapports particuliers d’Israël et du Hamas. Quoi qu’il ensoit, Israël a refusé les conclusions du rapport, le siège de Gaza se poursuit et sa reconstruction se fait attendre, Israël empêchant les matériaux nécessaires d’entrer à Gaza. De multiples initiativesde la société civile cherchent à briser le blocus, vu l’inefficacité des instances internationales à faire cesser ce blocus.

7.Jérusalem, capitale confisquée

Lors du partage de la Palestine en 1947 en un territoire de 55% pour Israël et un territoire de 45% pour les Palestiniens, Jérusalem reçoit le statut de corpsu separatum, entité séparée, avec un régime juridique international spécial sous l’administration de l’ONU. Ce corpus separatum comprend la municipalité de Jérsualem, mais aussi plusieurs villes et villages environnants, dont la ville de Bethléem. En 1980, la Knesset (parlement israélien) vote une loi déclarant Jérusalem capitale éternelle et indivisible d’Israël. Le Conseil de Séccurité de l’ONU a condamné cette confiscation dans sa résolution 478. Jusqu’aujourd’hui, aucune ambassade étrangère n’a son siège à Jérusalem.
Aussi longtemps que le conflit n’aura pas été résolu, Tel Aviv restera la capitale de facto d’Israël, l’ONU et d’autres organisations internationales ne reconnaissant à ce jour aucune capitale à Israël.
Jérusalem connaît les mêmes formes d’occupation et de colonisation que le reste de la Cisjordanie et Gaza, mais à un ryhtme accéléré et selon un projet Les déstructions lors de l‘opération „Plomb durci“ ont été massives. israélien clairement avouré : le Mur, de nombreuses colonies fortement peuplées
sur le territoire de Jérusalem-Est et les territoires palestiniens environnants, qui forment plusieurs ceintures autour de Jérusalem et coupent le reste de Jérusalem-Est du nord et du sud de la Cisjordanie, les check points les plus sévères et les plus sophistiqués (dont Kalandya pour l’accès à Ramallah et au nord de la Cisjordanie, les démolitions de maison et les interdictions de bâtir ...).
 

Population civile du sud d’Israël lors d'attaques de roquettes

 

8. Les enjeux et défis actuels
En fait, ces huit enjeux et défis peuvent se résumer et se concrétiser dans la mise en place et la reconnaissance par tous d’un véritable État palestinien : viable, continu, réellement indépendant, souverain et jouissant de tous les droits reconnus internationalement à tout État de droit, y compris le contrôle sur toutes ses frontières (terrestres, aériennes et maritimes).
En dehors de cette perspective, trois alternatives seulement existent, dont les conséquences seront douloureuses pour chacun des protagonistes : un État binational (deux peuples coexistant au sein d’un seul État – une Palestine sous formes de bantoustans enclavés (éventuellement reliés entre eux par des ponts et des tunnels, c’est-à-dire une „Palestine des catacombes“), qu’on lui reconnaisse ou non le statut d’État – une Palestine de „réserves“ à la manière des réserves indiennes en Amérique du Nord. Certaines de ces perspectives sont plus vraisemblables que d’autres. Toujoursest-il que la 1e perspective, celle d’un État palestinien viable, continu, indépendant et souverain, s’éloigne de jour en jour suite aux faits accomplis sur le terrain, qui laissent actuellement aux Palestiniens entre 8% et 10%.
La colonisation en Cisjordanie

„Quel est l’avenir qu’Israël prépare ?“ La question est posée par un jeune activiste du Comité Israélien Contre les Démolitions de Maisons (ICAHD). Tout de suite il se met préciser que „ça n’a jamais été explicite“ mais que, pourtant, il y a une cohérence dans les politiques et que tout va dans un même sens : „Il y a un plan.“

Il voulait d’abord que les colonies qui étaient souvent isolées les unes des autres soient rattachées entre eux afin de créer un bloc. Après cette étape, les blocs devraient êtres reliés entre eux pour constituer un système de connexion. Ce réseau, de par sa continuité israélienne qu’il créait, allait occuper une grande partie des territoires palestiniens et casser, avec la continuité des territoires palestiniens, la viabilité d’un Etat palestinien.
d’ infrastructures contrôle leur vie au quotidienne. Trop complexes et sophistiqués pour êtres saisis par l’œil non averti, ces éléments, qui veulent discipliner les vies et les réalités de toute une population, se dissimulent sous la façade d’une administration tout simple.
La colonisation en est peut-être la réalisation la plus concrète et la plus visible. Plus de 200 colonies ont été construites dans les POT. Israël, en tant que pays du peuple juif, fait appel aux juifs de toutes les origines. Par exemple, depuis 1990, 100.000 immigrants russes sont arrivés en terre sainte. Pour dissimuler le processus pourtant évident de la colonisation et afin de justifier les nouvelles colonies, on les vend comme des extensions des colonies dé jà Partout, sur les sommets des collines, jaillissent des colonies, qui trônent au-dessus des vallées où se trouvent les villages palestiniens et qui, fidèle au plan de Sharon, font souvent front sur de nombreux kilomètres. Ils menacent sérieusement un Etat palestinien cohérent, comme les blocs constitutifs de la „Grande Jérusalem“. À cause de leur visibilité et de leur gravité, ils intimident autant que les tours de garde qui longent les routes.
S’ajoute depuis 2002 le fameux mur. Présenté comme barrière de séparation entre deux peuples, le mur annexe de facto 25-45% de la Cisjordanie. Son circuit trace des mouvements extraordinaires afin d’inclure les majeures colonies et la Grande Jérusalem. Le mur affecte les vies de centaines de milliers de Palestiniens qui se retrouvent enclavés et isolés et qui sont souvent séparés de leurs terres agricoles. 
Tout est fait pour empêcher tout essai de développement autonome et garder les Palestiniens dans un état de dépendance. Comme le système des permis qui permet à Israël de contrôler les mouvements des Palestiniens. L’administration civile ayant divisé la Cisjordanie en huit zones de sécurité, les Palestiniens ont besoin de permis pour pouvoir bouger d’une zone à une autre. Les restrictions administratives vont même jusqu’à empiéter sur la vie privée : les Palestiniens ont même besoin de permis pour faire pousser des légumes dans leurs jardins.
Israël cache son agenda politique derrière une façade de mesures techniques, qui visent le morcellement des territoires palestiniens. Or, la mise en enclave des POT est une politique clairement affichée par différents stratèges et politiciens israéliens. En résulte déjà maintenant un bout de fromage Emmental“ selon les termes de Michel Warchawski, journaliste et militant israélien de la paix.

L’aide aux territoires palestiniens occupés : nécessaire mais pas sans problèmes

L’association israélo-palestinienne Alternative Information Centre (AIC), basée à Jérusalem, a publié en 2008 une analyse de l’aide extérieur au Territoire Palestinien Occupé (TPO), l’évolution de l’aide de la période avant le processus d’Oslo jusqu’aujourd’hui, la motivation des différents bailleurs de fonds et les problèmes liés à cette aide. L’article suivant se base sur le document de l’AIC.

Julie Smit

________________

L‘AIC considère que la communauté internationale a une dette morale envers le peuple palestinien, à cause de son approbation de la création de l‘Etat d‘Israël en 1948 et parce qu’elle a manqué de prendre des mesures contre Israël pour son occupation illégale des territoires palestiniens et pour ses nombreuses violations du droit international. Dans son analyse, l’AIC distingue trois types d‘aide: l’aide géné-rale (comme l’aide publique accordée par les Etats-Unis à Israël), l‘aide humanitaire et l‘aide au développement. Au fil des ans, la concentration de l‘aide a varié entre l’aide humanitaire et l‘aide au développement en fonction de la situation actuelle en Palestine.

La période avant le processus d’Oslo (1967 - 1993) 

Pendant cette période, l’accent était mis avant tout sur l’aide humanitaire. L‘acteur principal était l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le ProcheOrient (UNRWA), qui avait le mandat de maintenir les camps de réfugiés pour les réfugiés palestiniens expulsés de leurs terres en 1948. L‘UNRWA a dû limiter ses activités strictement à l‘aide humanitaire parce que le lancement de projets visant des solutions permanentes pour les réfugiés palestiniens aurait pu compromettre l’atteinte du droit des réfugiés à retourner à leurs foyers et leurs terres.

Les processus d‘Oslo (1994 - 2000) 

La vague d‘optimisme et l‘espoir qu‘un Etat Palestinien souverain était en passe de devenir une réalité, a occasionné une augmentation considérable de l‘aide au développement destinée à contribuer à la création d’une société et d’une économie palestinienne autonome après la fin de l’occupation. Au cours de la période du processus d‘Oslo, la communauté internationale a affecté cinq fois plus de fonds à l‘aide au développement qu’à l‘aide humanitaire. En dehors des projets de développement économique et d’infrastructure, les donateurs ont également financé la création de l‘Autorité palestinienne avec l‘intention d‘aider le peuple palestinien Distribution de nourriture à Gaza par la Islamic Relief USA. à se préparer d’une manière optimale à l‘autonomie.

En outre, l’Etat d’Israël a pu tirer avantage de l’aide destinée au OLP parce que le Protocole signé par Israël et l‘OLP en 1994 sur les relations économiques, régissant entre autres l‘aide extérieure, stipule que toutes les aides provenant de l’étranger doivent passer par la douane israélienne, ce qui a donné à Israël la possibilité de percevoir des taxes sur l‘aide entrante. Le Protocole a également donné aux Palestiniens le droit d‘entrer en Israël pour chercher du travail, un droit qui n‘a jamais été accordé, ce qui a augmenté de plus la dépendance de l‘OPT envers l‘aide étrangère.

La seconde Intifada (2001 - 2006) 

Le déclenchement de la seconde Intifada en 2000 et la réponse de l‘armée israélienne (la construction de la barrière de séparation, la destruction des maisons, les bouclages et les couvre-feux, le déracinement d’arbres et de cultures) ont eu un impact désastreux sur l‘économie palestinienne. Entre 2000 et 2002 le PIB par habitant a chuté de plus de 40%. Face à cette crise, les bailleurs de fonds ont réorienté leurs efforts de l‘aide au développement à l‘aide humanitaire (soit un taux de 7:1 en faveur de l‘aide humanitaire) afin d‘éviter des famines et un effondrement complet de la société palestinienne. Il s’agissait de la distribution de la nourriture et des médicaments dans les zones assiégées par les forces israéliennes et de l’assistance à ceux qui avaient perdu leurs foyers, en espérant qu’une reprise du développement soit possible après la crise.
La motivation politique derrière l‘aide à la Palestine est devenue particulièrement évidente après la victoire électorale du Parti du Hamas sur le Fatah en 2006. Israël et les États-Unis ont imposé un boycott économique à l‘Autorité palestinienne, ce qui a rendu difficile aux bailleurs d’envoyer de l‘argent aux organisations soupçonnées d’être affiliées au Hamas. De nombreux projets ont été fermés et des projets de construction sont restés inachevés. La crise humanitaire qui en est découlée a fait en sorte que le nombre de Palestiniens vivant sous le seuil de la pauvreté dans les TPO est passé de 36% en 2006 étrangers, tout en minimisant l‘impact de l‘occupation, même si l’occupation
continue à avoir un impact extrêmement négatif et freine le développement en Cisjordanie. Cette approche néolibérale de Fayyad est critiquée par de nombreux Palestiniens.à 74,9% à la fin de l‘année 2007. En 2007, afin de tenter d’éviter une famine, l‘UNRWA a augmenté son budget pour l‘aide alimentaire directe à 54% (avant le deuxième Intifada, seulement 10% du budget a été affecté à l‘aide alimentaire).
La période après 2006
La scission politique des Palestiniens en 2008 avec la formation d’un gouvernement par Fatah en Cisjordanie et d’un gouvernement dirigé par le Hamas dans la bande de Gaza, a eu un impact considérable sur la situation de l’aide. Gaza se trouve pratiquement en état de siège et est plus dépendante que tout autre région du monde de l‘aide humanitaire internationale; seulement les produits et matériels essentiels peuvent entrer, l‘économie est plus ou moins au point mort. En Cisjordanie, par contre, la situation est devenu plus stable dans une certaine mesure. L‘administration Fayyad a mis en place des politiques visant le développement économique. Le Plan palestinien pour réforme et développement 2008 – 2010, qui constitue la base de la stratégie de Fayyad, met l’accent sur l‘ouverture de l‘économie palestinienne aux investissements étrangers, tout en minimisant l‘impact de l‘occupation, même si l’occupation continue à avoir un impact extrêmement négatif et freine le développement en Cisjordanie. Cette approche néolibérale de Fayyad est critiquée par de nombreux Palestiniens.
L‘inconvénient de l‘aide à la Palestine
L‘aide extérieure, en rendant la situation du peuple palestinien plus tolérable, a également tendance à masquer le véritable impact de l‘occupation, de la rendre plus acceptable et de saper le rôle de l‘Autorité palestinienne. Tout cela contribue à renforcer le statu quo. Pour illustrer le problème, l’AIC cite l’exemple d‘une ONG travaillant avec l‘Autorité palestinienne sur un projet éducatif. Si à un moment donné, les élèves ne sont plus capables d‘atteindre leur école à cause des restrictions sur
résolu, mais la cause première, l‘atteinte à la liberté de circulation des personnes, n‘a pas été abordée. En outre, ce type d‘activité de la part des ONG est illégale, car la Cour internationale de Justice sur l‘illégalité de la barrière de séparation a jugé en 2004 que „tous les États sont dans l‘obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par la construction de la barrière de séparation“.
L’attitude d‘Israël envers l‘aide aux TPO est ambivalente: d‘une part, elle est considéré cohérente avec les intérêts d‘Israël, mais en même temps les autorités israéliennes imposent des obstacles considérables sur les activités d‘aide en limitant la libre circulation des personnes et l‘accès aux matériaux nécessaires et retenue à la source visas. En outre, les travailleurs humanitaires sont menacés dans leur travail quotidien par des attaques de l‘armée et des colons, ainsi que des conflits violents entre des factions palestiniennes et des attaques palestiniennes contre des travailleurs humanitaires.
Des montants extrêmement importants d‘aide extérieure n‘ont pas réussi à apporter un vrai développement au peuple Palestinien. Il est devenu clair qu’un tel développement ne peut avoir lieu sans que la situation politique soit résolue d’une manière satisfaisante pour toutes les parties, c’est-à-dire la fin de l‘occupation et la réconciliation interne palestinienne.
La résistance palestinienne
La résistance palestinienne a pris, au cours de son histoire, de multiples formes. Elle a aussi évolué. Elle s’est progressivement organisée dans des mouvements et des partis, et s’est donnée en 1964 un cadre d’ensemble dans l’OLP – Organisation de libération de la Palestine. En 1988, l’OLP est reconnue par l’ONU et l’OLP et l’État d’Israël se reconnaissent mutuellement.
Michel Legrand
______________
Outre la résistance armée classique, les mouvements palestiniens ont aussi à certaines périodes recouru aux attentatsuicides et à d’autres formes d’action terroriste au sens strict, condamnables par le Droit international et réprouvés par la morale.
Aujourd’hui, trois principales formes de résistance sont exercées par les Palestiniens. Si les attentats-suicides ont cessé depuis 2005, des groupes armés tirent encore depuis Gaza des roquettes ou des qassams (le plus souvent de fabrication artisanale) sur les populations des villes israéliennes du sud.
Mais surtout, des centaines d’organisations palestiniennes résistent quotidiennement, le plus souvent de manière pacifique et non violente, à l’occupation, à la construction du Mur, à la destruction des maisons, à l’arrachage des oliviers… Pour ces actions légitimes, ils sont arrêtés, emprisonnés arbitrairement et même torturés, y compris des femmes et des enfants.
L’une des dernières formes d’action en date consiste dans la campagne Boycott-Désinvestissement-Sanctions (B-D-S) appelée en 2005 par plus de 150 organisations palestiniennes. Elle est mise en œuvre de plus en plus largement en Europe, aux E-U et dans le reste du monde. Elle progresse un peu partout, y compris en Israël et y compris par un nombre croissant d’organisations juives progressistes. Mais elle se heurte aussi à des tentatives de criminalisation (citations devant les tribunaux, particulièrement en France, sur base d’accusation d’incitation à la haine raciale). Certaines condamnations ont eu lieu, d’autres jugements ont débouché sur le non-lieu, d’autres sont en cours.
Il faut ajouter une autre forme de résistance, rarement signalée, jamais soulignée : la résistance des responsables palestiniens, y compris de l’Autorité palestinienne, aux multiples pressions exercées sur eux de l’extérieur en vue de leur faire renoncer à des droits fondamentaux et inaliénables ou de leur faire accepter des compromis indignes. Les derniers en date sont l’exigence formulée par Israël que les Palestiniens, non seulement reconnaissent l’existence d’Israël (ce qu’ils ont fait depuis 1988 et refait à diverses reprises), mais aussi qu’ils reconnaissent Israël comme État juif et démocratique – qui équivaudrait à une reconnaissance des discriminations opérées en Israël à l’égard des Palestiniens d’Israël, d’une part, à renoncer au droit au retour, d’autre part.
L’autre chantage auquel il est difficile de se soustraire est celui qui vient des Etats-Unis pressant les Palestiniens de retourner à la table des négociations, en échange d’un nouveau gel de 90 jours des actions israéliennes de colonisation.
Or, le gel antérieur a été peu effectif sur le terrain et n’a pas concerné Jérusalem-Est ; le gel envisagé ne concernerait pas Jérusalem et, last but non least, les E-U offriraient aux Israéliens en échange de leur acceptation 24 avions F-25, leur promesse de ne plus exiger ultérieurement un tel gel de colonisations et, encore mieux, leur promesse de bloquer le rapport Goldstone et toute résolution de l’ONU à l’encontre d’Israël !
Les résistances dans le monde
L’impunité dont jouit Israël et l’inaction pratique des instances politiques et diplomatiques à son égard ont amené la société civile à jouer son rôle, à prendre ses responsabilités et à exercer son droit et son devoir à la résistance.
Depuis le début du conflit, des organisations et des institutions, dans le monde entier, y compris en Israël, ont soutenu l’objectif d’une paix juste au Proche-Orient, décliné de manière multiple selon les options de chacune.
                                                                                                                                                 Zoom

La résistance au colonialisme, à des régimes racistes, à l’occupation armée étrangère est un droit econnu par le Droit international (résolution 42/159 (1987) des NU ; résolution 2621 de la Charte des NU). Ce droit s’applique à la résistance des Palestiniens et à la résistance de milliers d’organisations en Palestine ou ailleurs, qui luttent pour une paix juste au Proche-Orient.

Leurs actions sont allées et vont encore de la simple sympathie, à des manifestations hebdomadaires devant des ambassades israéliennes, à de grandes manifestations en réponse à des événements particulièrement graves (guerre contre le Liban, guerre contre Gaza, etc.), soutien financier direct, soutien à des projets de développement en Palestine, appel au boycott de produits israéliens ou d’événements sportifs ou culturels auxquels participe Israël, appel au désinvestissement de/dans certaines entreprises qui coopèrent directement à l’occupation et à la colonisation (Caterpillar, Dexia, Ahava, Agrexco, Sodastream/Soda-Club, et bien d’autres), les marches de la liberté pour Gaza,
les flottilles de la liberté pour Gaza, les nombreuses missions en Palestine-Israël et, enfin, les actions de pression politique incitant les élus nationaux et européens ainsi que l’Union européenne et les États européens à passer des discours aux actes, entre autres par des pressions plus directes sur Israël, sinon des sanctions à l’encontre d’un État qui bafoue régulièrement le Droit international et ses propres engagements internationaux, tout en restant impuni depuis des décennies.
De leur côté, de très nombreuses organisations israéliennes agissent de manière professionnelle et s’engagent résolument pour la défense des droits des Palestiniens et pour une autre société israélienne. Plusieurs d’entre elles travaillent avec leurs homologues palestiniennes. En Europe et aux EtatsUnis, des organisations juives progressistes agissent au plan national, européen et mondial dans le même sens. Toutes ces organisations prennent des risques énormes, qui croissent de jour en jour,face à une répression croissante de la part de l’État d’Israël. Ce dernier est en train de criminaliser diverses formes d’action : l’évocation de la naqba, l’appel à ou la participation au boycott, le fait de publier des informations (témoignages, statistiques, rapports) dites „mettre en danger la sécurité“ du pays sinon même son existence.
Le Tribunal Russell sur la Palestine représente l’une des dernières initiatives structurées de la société civile en vue de faire valoir le Droit partout là où les instances politiques et diplomatiques manquent à leur mission (voir le site : www.russelltribunalonpalestine.org/). Sa 1e session s’est tenue à Barcelone en mars 2010 et concernait les manquements et les complicités éventuels de l’Union européenne dans la poursuite de l’occupation et de la colonisation israélienne. La 2e session vient de se terminer à Londres, les 20-22 novembre 2010, qui concernait les responsabilités et les complicités éventuelles d’entreprises israéliennes et d’entreprises multinationales. La 3e session se tiendra en Afrique du Sud et examinera si et dans quelle mesure l‘État d’Israël est coupable du crime d’apartheid. Enfin, la 4e session, qui se tiendra aux Etats-Unis, à proximité de l’ONU, s’interrogera sur les responsabilités et complicités éventuelles de l’ONU. Les conclusions des deux premières sessions peuvent être consultées sur le site du Tribunal.

Stéphane Hessel

Un citoyen sans frontières parle du conflit israélo-palestinien

Stéphane Hessel, né à  Berlin en 1917 de parents allemands juifs, a survecu aux camps de concentration et fut un des pionniers de l‘ONU, où il a notamment participé à la rédaction de la Déclaration des droits de l‘Homme. Le 22. septembre 2010, il a donné une conférence à l‘Abbaye de Neumünster sur le thème „Israël-Palestine au regard des Droits de l’homme et du Droit international“. Cet article est une transcription de ses propos.

Stéphane Hessel

_________________
Le conflit israélo-palestinien ne nous laisse pas insensibles dans cette région qui est celle des trois grandes religions monothéistes. Il y a maintenant 62 ans que les Juifs ont reçu 55% de la Palestine pour y créer leur Etat. Et vivre en paix avec leurs voisins arabes. Au cours des différentes guerres qui ont émaillé ces dernières décennies, force est de constater que ce rapprochement ne s’est pas fait.
Il faut rappeler que les Nations Unies en 1948 ont fait un partage de cette terre dont les Britanniques avaient la responsabilité d’amener les 2 communautés, juive et palestinienne, à posséder chacune un état indépendant et souverain.
 Israël a accepté ce partage mais a ensuite profité du fait que les Etats arabes, au lieu d’accepter ce partage ont essayé d’envahir Israël, pour mener des actions militaires afin d’assurer la sécurité de l’Etat d’Israël ; la plus violente de celles-ci fut la guerre des Six Jours en 1967. A l’issue de celle-ci, les Nations Unies ont accepté que 78% de la Palestine mandataire revienne à Israël, et que Jérusalem soit la capitale des 2 Etats (Jérusalem Ouest pour Israël et Jérusalem Est pour la Palestine).
Les  résolutions de l’ONU relatives à ce conflit ne sont pas appliquées par Israël qui poursuit inexorablement l’annexion des terres palestiniennes, qui y installe des colonies de peuplement, qui rend la vie des Palestiniens très difficile par tous les empêchements de circuler librement : routes interdites aux Palestiniens, check points, routes barrées, système de permis complexe etc. La vie économique, sociale, politique, l’éducation, la santé ... sont rendues extrêmement difficiles, voire impossibles. Les Droits de l’homme et les Conventions de Genève sont aussi bafoués quotidiennement et sur une large échelle dans une totale impunité et ce, aux yeux du monde entier. Les bombardements, les assassinats ciblés, les arrestations arbitraires et le blocus inhumain de la Bande de Gaza complètent ce noir tableau.
Le droit international est violé, non seulement et systématiquement par l’Etat d’Israël, mais aussi par les partenaires d’Israël qui ne se mobilisent pas pour que ces violations du droit international cessent.
Nous sommes tous des Etats membres des Nations Unies, signataires de la Charte des Nations Unies, signataires des différents Pactes et Conventions, et lorsque ces pactes et cette Charte sont violés par l’un des Etats membres des Nations Unies – et Israël en est un - , il incombe aux autres d’intervenir pour que cet Etat cesse d’agir en ce sens.
S’il n’y a pas une action menée conjointement par tous les pays démocratiques membres des Nations Unies, pour obtenir que l’Etat d’Israël ouvre, non pas des négociations sans véritable contenu, mais un véritable accord possible avec ses voisins palestiniens, il est évident que la situation dans ces pays et dans ces territoires sera de moins en moins supportable pour ceux qui y vivent et de moins en moins acceptable pour la communauté internationale. Quelques raisons d’espérer se trouvent dans la baisse de la réputation d’Israël au cours des dernières années (offensives contre Gaza et contre la flottille) et dans le fait que la société civile se mobilise davantage dans de nombreux pays pour faire respecter le droit et la justice. Le rapport Goldstone a clairement indiqué que l’opération „plomb durci“ contre Gaza avait conduit à des „crimes de guerre“ sinon à des „crimes contre l’humanité“.
Les alliés d’Israël, parmi lesquels nous figurons, doivent se rendre compte que le gouvernement actuel de ce pays n’est plus acceptable dans sa façon de se comporter vis à vis des voisins palestiniens et que la solution de ce conflit serait aussi avantageuse pour les Israé-liens que pour les Palestiniens, pour toute la région et pour le monde. Les formes de pression que nous utilisons pour que des négociations aboutissent n’impliquent pas une sympathie a priori pour les Palestiniens ni une hostilité a priori contre l’Etat d’Israël : il s’agit de rappeler qu’il existe un droit international fondé sur des textes qui sont devenus des règles de conduite des Etats modernes, qu’il est indispensable de les respecter et qu’aucun Etat ne peut se placer au-dessus de ce droit.
Le Tribunal Russell sur la Palestine, un tribunal de citoyens, se propose de faire connaître toutes les violations que l’on peut reprocher aux uns et aux autres ; la 1ère session de Barcelone a examiné les manquements de l’Union Europé-enne dans le respect de ses engagements et les conclusions ont été mises à la disposition de tous les gouvernements européens de l’Union, de la Commission et de tous ceux que cela pouvait intéresser.  La 2ème session de Londres s’attachera à analyser les responsabilités des grandes entreprises concernées dans ce conflit. Deux autres sessions suivront en 2011 sur l’apartheid et sur les responsabilités des Nations Unies elles-mêmes.
Une grande mobilisation est en train de se mettre en place : la campagne Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (B-D-S) à l’égard d’Israël pour qu’il accepte enfin de respecter le Droit international et les Conventions qu’il a signées et ratifiées. Rappelons que ces actions ne se font pas „contre“ Israël mais dans la perspective d’un Israël rénové et intelligent.
Dans une très longue vie, on apprend que les problèmes qui paraissaient insolubles un jour ont été finalement résolus. Ainsi en fut-il de l’Union Soviétique du temps de Monsieur Brejnev, des diverses colonisations, de l’apartheid en l’Afrique du Sud ...

______________

Stéphane Hessel est ancien diplomate et auteur de nombreux ouvrages. Cet article est une transcription des propos de Stéphane Hessel, tenus le 22 novembre à l‘Abbaye de Neumünster à Luxembourg.

______________

                                       Zoom

                                       Stéphane Hessel

Stéphane Hessel est né à  Berlin en 1917 de parents allemands juifs (Franz Hessel et Helen Grund, qui seront immortalisés par le film de Truffaut “Jules et Jim”). Son père est écrivain et le couple fréquente les milieux intellectuels et artistiques entre la France et l´Allemagne jusqu’à l’éclatement de la 1ère guerre mondiale.
À l’âge de 7 ans, S.H. vient s’établir en France avec sa mère pendant que le reste de sa famille continue de vivre en Allemagne. Déjà, il se sent franco-allemand. Après son bac, il part à Londres (London School of Economics) puis revient à Paris suivre ses études à Sciences Po et ensuite Normale supérieure. C’est au même moment le Front populaire, la guerre civile en Espagne, la veille de la 2ème  guerre mondiale, tandis que les 3 pôles politiques s’articulent autour du communisme, du fascisme et de la démocratie.
À 20 ans, S.H. est naturalisé français. Après la déclaration de guerre, le 3 sept 1939, l’aspirant Hessel se retrouve près du front allemand en Sarre. Première capture par les Allemands, suivie d’une première évasion. Indigné par la lâcheté de l’armistice, il va rejoindre le Général de Gaulle à  Londres et travaille dans les services de renseignements de la résistance. En 1944, il est chargé d’une mission d´espionnage pour préparer le débarquement. Arrêté par la gestapo, torturé, il est transféré au camp de Bouchenwald. Evasion manquée, camp de Dora et troisième évasion réussie cette fois, avant une exécution probable, lors du transfert vers Bergen-Belsen, alors que lesalliés approchaient.
Après 1945, il choisit la carrière diplomatique et fait partie des pionniers de l‘ONU. Il participe à  la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l´homme de 1948. À cette époque, il suit de près le plan de partage de la Palestine par l’ONU.
En poste au Vietnam, en Algérie, plus tard  chef de la délégation française auprès de la conférence mondiale des Nations Unies pour les Droits de l’homme, il est profondément onusien, prône le renforcement et une réforme de l’institution, pour lesquels il milite au sein du Collegium international éthique, politique et scientifique, fondé par Milan Kucan et Michel Rocard et dont il fait toujours partie.
Démocrate convaincu, acteur de programmes de développement, de coopé-ration, d´éducation, fédéraliste européen, engagé politiquement dans la ligne de Mendès France, il sert de médiateur au Burundi, dans le drame des sans papiers en France, et participe à la création du Tribunal Russell pour la Palestine, dont il est président d’honneur. C’est un philosophe devenu diplomate, tourné vers l’organisation multilatérale de la planète. A 93 ans, S.H. est un citoyen du monde qui a traversé le XX° siècle en s’impliquant dans les grands défis et qui au XXI° siècle continue cette quête d’équité et de respect du droit international, avec une énergie admirable. S.H. est marié et père de 2 enfants. Il a publié plusieurs ouvrages : Danse avec le siècle (autobiographie) Seuil, 1997 ; Dix pas dans le nouveau siècle, Seuil, 2002 ; Ô ma mémoire : la poésie, ma nécessité (88 poèmes commentés), Seuil, 2006 - rééd. 2010 ; Citoyen sans frontières, conversations avec Jean-Michel Helvig, Fayard.

Michel Warchawski

„Le processus de paix n‘existe pas.“

Michel Warchawski est pacifiste israélien, président du mouvement israélo-palestinien Centre d’information alternative et parrain du Tribunal Russell sur la Palestine. Le 22 novembre 2010, il parlait des enjeux et des défis actuels du conflit israélo-palestinien au CarréRotondes à Luxembourg-ville.

Voir la : Conférence–débat avec Michel WARCHAWSKI

Pacifiste israélien, président du mouvement israélo-palestinien Centre d’information alternative, parrain du Tribunal Russell sur la Palestine.

Le lundi 22 novembre à 20h00 au Carré Rotondes (1, rue de l’Aciérie Luxembourg-Hollerich.
 
 
Voir aussi cette vidéo sur le même sujet :
 
Débat à l'Université de Genève sujet ''Contre les crimes de guerre de l'armée israélienne, pour la levée du blocus à Gaza, l'engagement est nécessaire.'' Avec Stéphane Hessel (Ambassadeur de France, ancien résistant et déporté, membre fondateur du TRP Tribunal Russel pour la Palestine) et Michel Warschawski (anti-colonialiste israélien, membre de l'AIC Alternative Information Center Jérusalem). Modération Benito Perez du journal ''Le Courrier''.
Organisation: Collectif Urgence Palestine - Genève et Comité national suisse d'appui au Tribunal Russell sur la Palestine.

Débat avec Stéphane Hessel et Michel Warschawski - 1/2   

Débat avec Stéphane Hessel et Michel Warschawski - 2/2

 

 

Marc Keup

___________

Dès le début de la conférence, Michel Warchawski ne cachait pas sa désillusion face à un eventuel accord entre Israéliens et Palestiniens: „Le processus de paix est virtuel, c‘est une mystification! Il y a des négociations, mais il n‘y a pas de processus de paix!“ Il juge les nouvelles tentatives du Président américain Obama sans chances d‘aboutir: „C‘est un marché de dupes et tout le monde le sait. Actuellement, il n‘y a aucune perspective.“ De vraies chances pour une paix durable n‘auraient uniquement existées pendant les quelques mois qui ont précédé l‘assassinat de Yitzhak Rabin en 1995.
Par contre, ce qui est bien réel, c‘est la colonisation israélienne en Cisjordanie, qui selon Michel Warchawski suit un plan initié par l‘ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon. Il s‘agirait de repousser peu à peu les frontières orientales de Israël vers l‘Est, similaire à la conquête de l‘Ouest au Etats-Unis du 19ème siècle. Selon les dires de Sharon, il serait bien trop tôt pour définir les frontières, illustré par cette petite phrase qui lui est attribuée: „Les frontières d‘Israël sont là où notre charrue tracera ses derniers sillons!“ Le processus de colonisation aurait comme but de créer des enclaves palestiniennes qui persistent dans le temps. Selon Warchawski, l‘objectif des Israéliens n‘est pas d‘avoir un Etat aussi grand que possible, mais un Etat juif aussi grand que possible, l‘élément central étant l‘exclusion des populations arabes. Ces enclaves palestiniennes sont et seront reliées par des ponts et des tunnels, ce qui fait que dès lors, il faut vaut mieux parler de „un Etat sur l‘autre“ que de parler de „un Etat à côté de l‘autre“.
La campagne BDS Devant le manque de perspectives dans le processus de paix et la passivité de la communauté internationale, Michel Warchawski appelle à la lutte civile en soutenant la campagne BDS (Boycotte, désinvestissement, sanctions), qu‘il compare à la lutte contre l‘apartheid. Il s‘agit de boycotter les produits en provenance des territoires occupés, d‘appeler les individus et les entreprises de retirer leurs capitaux de la région, ainsi que d‘appeler la communauté internationale à mettre en place des sanctions contre un Etat, qui selon Warchawski ne respecte pas le droit international. Cette campagne appelle également à un boycott culturel, acadé-mique et sportif d‘Israël, tout en respectant le principe qu‘il ne faut pas punir les individus, mais les institutions. „Nous, israéliens progressistes, ont besoin de cette pression de l‘étranger“, lança Michel Warchawski, „pour expliquer à notre population que notre politique à l‘encontre des palestiniens à un coût!“.
Marc Keup est membre de l‘ASTM. 
___________________________ 

Véronique de Kayser

L’Union européenne et le conflit israélopalestinien : responsabilités et perspectives

Véronique de Keyser est membre du parti socialiste belge et députée européenne. Elle intervient constamment pour le respect du droit international dans les territoires palestiniens occupés et s’engage activement pour la levée du blocus de Gaza. Le 21 octobre 2010 elle a donné une conférence à l‘Abbaye Neumünster sur la responsabilité de l‘Union européenne dans le conflit. Voici une transcription de ses propos tenus à cette occasion.

Véronique de Kayser

____________________________

La réalité en Israël-Palestine est loin d’être enthousiasmante. Néanmoins, quand on analyse le paysage général, je pense que nous, parlementaires et vous, société civile, nous avons un rôle à jouer dans cette drôle de pièce.
Les institutions de l‘UE ne prennent pas leurs responsabilitésAujourd’hui les nouvelles négociations de paix se présentent comme un round de plus qui a capoté, à peine commencé, sur le problème de la colonisation. Effectivement, Israël a mis fin au moratoire sur les colonies et celles-ci reprennent de plus belle.
Le fait qu’Israël propose un moratoire de 60 jours si les Palestiniens reconnaissent l’Etat d’Israël en tant qu’état juif signifie clairement qu’il n’y aurait plus de droit au retour pour les réfugiés palestiniens. Ce serait aussi une épuration ethnique par l’état d’Israël qui a une minorité arabe de 20 %. Donc, c’est impossible.
Dans ces négociations, l’UE a été particulièrement absente. Pourtant, même si les institutions européennes ont des voix discordantes, il y a des espaces de liberté pour l’action.
Dans la déclaration du Conseil de l’UE de décembre 2009, tout est dit : le refus de la colonisation, le rappel que les colonies sont illégales, le fait que Jérusalem doit être la capitale dse deux états, la levée du blocus de Gaza, etc. Cette L’Union européenne et le conflit israélopalestinien : responsabilités et perspectivesVéronique de Keyser est membre du parti socialiste belge et députée européenne. Elle intervient constamment pour le respect du droit international dans les territoires palestiniens occupés et s’engage activement pour la levée du blocus de Gaza. Le 21 octobre 2010 elle a donné une conférence à l‘Abbaye Neumünster sur la responsabilité de l‘Union européenne dans le conflit. Voici une transcription de ses propos tenus à cette occasion.
Véronique de Kayser position est celle du droit international; reste la question de savoir comment l’appliquer. Mais à la question posée par le Tribunal Russell: „Que comptezvous faire ?“, la réponse est: „Il n’est pas dans l’intention de l’Union Européenne d’exercer des pressions sur Israël!“.
Au contraire, on propose des incitants positifs à son égard („upgrading“), sous prétexte que cela, Israël l’entendra – alors que les précédents n’ont jamais rien fait avancer.
Ceux qui vont régulièrement en Israël et dans les territoires occupés constatent une marche à reculons: le mur s’accroît, les colonies se multiplient, on fait tomber quelques checkpoint de ci de là, mais, globalement, la situation devient de plus en plus terrible; l’étau se resserre. La politique de l’UE
consiste en une politique de droit mais jamais assortie de sanctions, même pas de pressions. Les discordances majeures au sein de „l’intergouvernemental“ en sont la cause. Le Conseil et la Commission ne font que suivre.
L’UE donne son l’argent: un demimilliard d’euros par an pour les territoires occupés, mais qui ne parvient pas, en tout cas, à Gaza où un et demi million de Palestiniens vivent actuellement en dessous du seuil de pauvreté et sans aucune ressource. Donc, un demi-milliard d’euros pour combler en permanence un trou qui est sans cesse creusé et approfondi par l’occupation et par l’impossibilité de développer une vie économique.
Il existe des marges de liberté : il faut les trouver et les utiliser !Le Parlement européen, avec certains
députés porteurs des stratégies de leurs gouvernement, a des marges de liberté plus grandes que celles du Conseil.
Depuis l’opération „plomb durci“ sur Gaza de décembre 2008, (1.400 morts du côté palestiniens et 15 du côté israé-lien), quelque chose a changé.
Certains d’entre nous sont allés à Gaza depuis longtemps. On a connu le Gaza avec les check-points, le Gaza  d’après le retrait des Israéliens, le Gaza du premier blocus et puis le Gaza du blocus terrible qui a suivi la guerre fratricide de juin 2007 entre Fatah et Hamas.
La situation est devenue tellement intolérable que, au retour de Gaza, j’ai interpellé Tzipi Livni (fin novembre 2008): „Madame, que comptez-vous faire pour Gaza ?“. Sa réponse, 15 jours avant l’offensive, a été : „une intervention militaire!“ Elle n’a pas pu ne pas transmettre cette information au Conseil ni à la présidence française et, pourtant, au même moment, le Conseil a voté un incitant positif („l’upgrading“ c’est-à-dire la revalorisation du statut d’Israël par rapport à l’Union Européenne), alors même qu’on lui annonçait l’opération militaire sur Gaza. La réponse de Nicolas Sarkozy à la même question a été : „Nous pensons que c’est la meilleure manière d’avoir une influence sur les Israéliens“.
Quatre à cinq jours plus tard, débutait l’opération „Plomb durci“, une véritable boucherie (j’y étais à ce moment-là). J’ai pu en sortir parce que je suis belge, que j’ai un passeport européen, mais, en me
retournant, je voyais tomber les bombes de l’endroit d’où je venais alors que les autres étaient coincés dans cette souricière et qu’il n’y avait aucun moyen de se cacher. „Mais, qu’est-ce qu’on est en train de faire là-bas! Comment peut-on bombarder des gens enfermés dans une souricière, des enfants qu’on a mis à l’abri dans des écoles!“. C’était une vision effrayante. Et que l’Union Européenne n’ait pas bougé, c’était trop !
A ce moment-là, il s’est passé quelque chose de significatif. Les décisions du Conseil comportaient deux volets : d‘une part un volet politique (Israël était considéré comme un quasiEtat de l’UE; participation à certaines réunions avec les ministres, discussions bilatérales à très haut niveau avec les chefs des gouvernements, consultation sur les décisions concernant le Moen Orient...) et d’autre part, un volet économique (participation au  programme sur les nouvelles technologies entre autres).
Mais depuis décembre 2008 et janvier 2009, le dossier sur le „upgrading“ a pu être bloqué et n’est pas passé en plénière. Jusqu’à quand ?
Le Traité de Lisbonne entré en vigueur donne au Parlement européen de nouvelles prérogatives dont celle de donner son assentiment à tout accord commercial nouveau qui doit passer par la Commission du commerce international du Parlement. A ce niveau aussi, une action peut être menée. Les pressions sont importantes, mais Monsieur Pottering, après sa mission à Gaza, a formé un groupe de travail „Moyen Orient“ au Parlement (délégations palestinienne, israélienne, des représentants de la commission des affaires étrangères, de la commission du développement, du comité des droits de l’homme etc). Il mène une sorte de pilotage, dégage une convergence des intérêts qui permet, désormais, de se tenir au courant, de rester état d’alerte permanent, de lancer des initiatives, d’assurer le suivi du rapport Goldstone, de rester sur la brèche. Cela résulte de la motivation de quelques-uns qui sont allés sur place.
Ceci montre l’importance de se rendre compte sur place pour vérifier les faits, rectifier et dégonfler les informations mensongères.
Les espaces de liberté se créent grâce à un travail sans relâche et sans désespoir. Les choses les plus désespérantes, finalement, vous motivent le plus car l’indignation est fondée, même si nous nous battons dans des conditions difficiles, avec une pression incroyable, avec des campagnes de presse et de haine inimaginables. J’ai des campagnes de mails et de menaces contre moi en permanence, des demandes pour me faire démissionner.
La société civile et ses campagnesLa société civile a un rôle prépondérant à jouer aussi, avec et malgré les pressions et diffamations qu’elle subit.
Ainsi, une campagne a été menée contre le rehaussement des privilèges d’Israël au moment où, en décembre 2008, le Conseil avait décidé ce rehaussement, et où les Parlementaires UE devaient se prononcer sur l’accord commercial : il y a eu une alerte dans toute l’Europe parmi les associations s’occupant de la Palestine. Le Parlement européen, les députés et le président ont été noyés de mails disant „Quelle honte de demander cet accord commercial en pleine opération Gaza ! Ce n’est pas possible!“. Cette campagne a eu une grande influence et le Parlement UE a pu bloquer le rehaussement en arguant entre autres que l’opinion publique ne le comprendrait jamais.Depuis 2005, une autre campagne a vu le jour : B-D-S (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), qui est extrêmement importante et tout à fait appropriée. Si nous, les parlementaires, nous ne pouvons obtenir des sanctions, nous pouvons vous demander de le faire ! 
Cette campagne se réalise dans un climat pénible, sinon répressif contre celles et ceux qui se permettent de critiquer un gouvernement israélien dont il faut tout de même rappeler qu’il est de droite et extrême droite! Critiquer Israël est considéré comme attitude antisioniste et même antisémite. Qui plus est, nous ne sommes pas seulement „taxés“, nous sommes aussi poursuivis, mes amis et moi, pour antisémitisme.
En Israël, il existe actuellement un projet de loi contre le boycott des produits israéliens et des produits fabriqués dans les colonies qui serait illégal : tout appel au boycott, que ce soit de la part d’un Israélien, d’un étranger ou d’un gouvernement étranger, va se voir criminalisé et sanctionné. L’une des sanctions consisterait, pour les étrangers, à leur interdire l’entrée en Israël pendant 10 ans.
En France, des procès sont intentés actuellement pour cause d’antisémitisme ou de haine raciale à l’encontre de ceux qui ont appelé au boycott. L’air devient irrespirable: que ce soit à l’occasion de ces procès ou dans des campagnes haineuses via la presse journaux ou par mail, le but consiste à éteindre les voix différentes et que les gens se taisent.
Ce que fait aujourd’hui la société civile, elle qui n’a pas de couverture diplomatique, est tout à fait admirable.
J’ai vu avec plaisir la signature de Michel Rocard au bas des lettres qui circulent aujourd’hui en France en soutien à la campagne BDS et à ceux qui la mettent en oeuvre.
Une des menaces les plus grandes qui pèsent sur nous actuellement, c’est la menace de la censure et le risque de l’autocensure, c’est-à-dire l’obligation de peser continuellement chacun de ses mots, sinon même de ne pas agir, parler, écrire, réagir. Personnellement, je refuse de le faire et je pense que le jour où nous nous tairons, nous aurons vraiment perdu le combat.
Qu’on ne puisse plus faire appel au droit sans être taxé d’antisémitisme, est intolérable. Je n’ai jamais ressenti à ce point l’idée qu’on veut nous faire taire, vous la société civile et nous les députés.
Il faut continuer cette campagne. Elle porte déjà ses fruits. Il y a déjà des entreprises qui se retirent des colonies et qui  passent en Cisjordanie. Cette campagne est un peu le pendant de ce que nous cherchons à faire, au Parlement européen, quand nous nous „asseyons“ sur les accords commerciaux favorisant Israël pour les geler en disant : „Pas tant que la colonisation se poursuivra, pas tant que l’occupation sera aussi meurtrière qu’elle l’est, etc.“

Le refus des résultats des élections palestiniennes

La fracture palestinienne entre Fatah et Hamas nous met dans le désarroi. Elle est profonde et très préoccupante car elle affaiblit les capacités palestiniennes de négociation et rend la position palestinienne intenable. En 2006, j’ai été nommée chef de la mission de 300 personnes chargés d’observer les élections palestiniennes.
Pour l’Union européenne, c’est vraiment beaucoup. En réalité, nous avons assisté à un processus électoral parmi les plus démocratiques jamais vécus. Jimmy Carter qui dirigeait la délégation américaine a dit exactement la même chose. Sans revenir sur l’histoire du mouvement Hamas qu’Israël a largement contribué à mettre en route, il faut rappeler que, lorsque le Hamas a décidé de se présenter aux élections, c’est après des négociations en 2005 en Égypte avec toutes les factions palestiniennes. Il y était entendu que, contre cette adhésion aux élections, le Hamas pourrait entrer dans les structures de pourparlers de paix. 
„C’est là que j’en ai beaucoup voulu à l’Union européenne et que celle-ci a perdu son honneur: pour ne pas avoir réagi durement après l’opération Plomb durci.“
Dès la victoire électorale du Hamas, les États-Unis coupent les vivres aux Palestiniens et pratiquent des sanctions à leur égard. Les Européens vont mettre trois mois pour décider la même chose le lendemain de Pâques 2006 sans en avoir averti le Parlement européen. Peu après, Israël franchit une ligne rouge (il en franchira d’autres par la suite) avec la guerre terrible contre le Liban, accompagnée de destructions épouvantables. Or, ici, seulement des condamnations clairsemées et mesurées de certains États et aucune sanction! Lors d’une rencontre avec Ehud Olmert et Tzipi Livni sur la possibilité d’un gouvernement d’union nationale avec le Hamas, la réaction a été de soutenir Mahmoud Abbas avec de l’argent et des armes pour sa garde personnelle.
Contrairement à toute attente, sur base du Document des prisonniers (préparé par Marwan Barghouti et des représentants du Hamas en prison), un gouvernement d’unité nationale voit le jour au printemps 2007, comprenant le Fatah, le Hamas et des indépendants, presque sur base des conditions du Quartet. Le Hamas propose une trêve de très longue durée ainsi que la reconnaissance du droit à l’existence d’Israël et nous avons pensé, au Parlement européen, que le moment était venu pour faire la paix. Au même moment, l’initiative du Plan de paix arabe propose aussi la sécurité pour Israël au sein du monde arabe pour autant qu’il accepte une paix incluant le droit au retour des réfugiés sur une base négociée. La réflexion a été qu’il fallait reprendre l’initiative de paix arabe et parier sur ce gouvernement d’unité nationale presque arrivé aux conditions du Quartet… C’est là que j’en ai beaucoup voulu à l’Union européenne et que celle-ci a perdu son honneur: pour ne pas avoir réagi durement après l’opération Plomb durci et pour n’avoir pas reconnu ni soutenu ce gouvernement d’unité nationale comportant des partenaires avec lesquels on pouvait travailler. Le Hamas n’a donc pas eu ce à quoi il aspirait depuis longtemps: une reconnaissance au niveau international.
La tension s’est donc accrue entre les deux partis et aucun allégement n’a été apporté au blocus de Gaza. Les parlementaires responsables du MoyenOrient avaient estimé depuis longtemps déjà qu’il fallait dialoguer avec le Hamas et rencontrer ses responsables, sous peine de déboucher sur rien et de ne rien solutionner à terme. On a choisi l’option inverse. Certains aujourd’hui reconnaissent l’erreur, mais on traîne avec cette affaire et ses graves conséquences depuis 2007. Si la réconciliation entre les partis et notre dialogue avec le Hamas semblent encore difficiles aujourd’hui et risquent d’attendre encore, l’un et l’autre restent des conditions décisives d’une paix durable.
Véronique de Keyser est membre du parti socialiste belge et députée europé-enne. Ce texte est une transcription des propos qu‘elle a tenus lors d‘une conférence, le 21 octobre 2010 à l‘Abbaye de Affiches électorales du Hamas. Neumünster à Luxembourg.

Mission de l‘ASTM

Construire des partenariats en Palestine

Du 14 au 24 septembre, deux membres de l’ASTM ont voyagé en Palestine pour visiter son ancien partenaire et d’autres organisations, en vue d’établir un nouveau partenariat pour les années à venir. Après que notre partenaire de longue date, la RWDS (Rural Women’s Development Society), ait connu des problèmes internes considérables en 2009, nous avions décidé de suspendre les financements à l’association, en attendant de pouvoir juger de la situation sur le terrain.

Nikolai Shillinglaw

__________________

Il n’y a que deux points d’entrée en Cisjordanie, qui sont tous les deux contrôlés par l’armée israélienne. Il s’agit du passage du pont Allenby, entre le Jourdan et la Cisjordanie, ainsi que de l’aéroport Ben Gourion, qui est utilisé par le plus grand nombre de visiteurs. Régulièrement, des visiteurs se voient refuser l’entrée s’ils sont jugés anti-israéliens et soutenir la cause palestinienne, vaut presque à être mis dans cette catégorie.
Pour cette raison, ainsi que pour minimiser le risque d’un interrogatoire de la part des services de sécurité israéliens, de nombreux ONG choisissent de se faire passer pour de simples touristes.
En Cisjordanie, les membres de l’ASTM ont rencontré toute une série d’organisations intéressantes, aussi bien du côté palestinien que du côté israélien.
Parmi eux, il y en avait qui étaient très politisées, tel le Alternative Information Centre, une organisation israélopalestinienne qui se bat pour les droits humains et politiques des Palestiniens,
ainsi que pour une paix juste entre les deux peuples. L’ASTM entend entretenir les liens avec cette organisation dans les prochaines années.
Plusieurs réunions et des visites sur le terrain ont été effectuées avec RWDS, le partenaire de l’ASTM de longue date dont les bureaux sont situés à Ramallah, et qui gère plus de 80 „clubs de femmes“en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. L’objectif principal de RWDS est d’encourager les femmes à participer à la vie publique à travers des formations sur les droits des femmes, tout en améliorant les compétences de celles qui sont candidates à une élection ou qui siègent dans un conseil municipal. D’ailleurs, nous  avions la possibilité de nous échanger avec des femmes qui sont élues et qui nous ont fait part de leurs expériences.
Il est parlant pour la vie palestinienne, que les membres d’une organisation de cette taille qui travaille pour le renforcement des femmes rurales, n’aient jamais rencontrés leurs collègues dans la bande de Gaza, dû à l’interdiction de voyager entre les deux territoires, imposée par les forces d’occupation.
De même, il est très difficile pour des étrangers d’entrer à Gaza, ce qui fait que nous avons uniquement pu visiter les „clubs de femmes“ en Cisjordanie.
Néanmoins nous avions l’occasion de voir que la direction de l’association est relancée sur un nouvel élan. Ils semblent avoir surmonté leurs problèmes internes de 2009 avec une équipe agrandie et un budget plus large et plus stable que les années précédentes. Étant donné cette évolution positive, l’ASTM espère pouvoir reprendre le financement d’un projet de RWDS, qui consiste à former leurs collaborateurs de terrain. Pour le moment, nous attendons plus de détails.
Au début de son existence, la Nablus Association For Social And Community Development a travaillé dans le camp de réfugiés Askar, aux abords de Naplouse. Aujourd’hui l’organisation s’occupe de développer le potentiel des enfants, comblant ainsi un vide laissé par l’autorité palestinienne et les programmes de l’ONU qui sont endiminution. Nous avons été présenté à un groupement de femmes qui veulent, ensemble avec l’organisation, mettre en place une coopérative dans la vallée du Jourdain (Al-Ghor en arabe) près da la ville de Naplouse, pour améliorer la production agricole et le marketing des produits. Si le projet est un succès, cela leur permettrait de gagner leur vie et d’éviter d’aller travailler dans les colonies israéliennes qui les entourent, ce qui reste pour de nombreux Palestiniens la seule possibilité de trouver un travail. L’ASTM a reçu une proposition de projet de leur part et va l’examiner avec beaucoup d’intérêt.
Nous avons encore rencontré de nombreuses autres organisations. B’Tselem est une formidable organisation israélienne de défense des droits de l’Homme, qui documente les abus de l’occupation, suit en justice les responsables là où ils peuvent et informe le publique et les décideurs politiques en Israël. Depuis peu, B’Tselem a également ouvert un bureau à Washington et l’ASTM va continuer à ce baser sur leurs investigations pour s’informer sur la situation du conflit. La Sunflower Association for Human and Environment Protection, qui a été mise en place par l’ancienne directrice du RWDS, travaille dans une ville-satellite de Jérusalem-Est, où la barrière de sécurité israélienne encercle les quartiers palestiniens et étouffe l’économie locale. L’objectif de l’association est de sensibiliser sur l’importance de porter soin à l’environnement urbain et de fournir une alimentation dans les écoles. Ici aussi l ‘ASTM suivra l’évolution de cette organisation avec un grand intérêt.
Le manque de temps a fait que les rencontres avec d’autres organisations ont malheureusement été très courtes. Néanmoins, nous avons porté beaucoup d’intérêt au travail du centre Al-Rowwad, une association artistique basée dans le camp de réfugiés de Aida à Bethlehem.
Cette organisation s’est fait une réputation sous le slogan de „Beautiful Resistence“, qui vise à utiliser l’expression artistique pour donner une autre vision de la résistance et du désarroi qui les entoure. Elle veut donner une autre image des Palestiniens, contraire à ce qui défile sur nos écrans de télévision. Nous sommes en train d’explorer la possibilité d’une collaboration avec Al-Rowwad.
Tous les Palestiniens que nous avons rencontrés affirment qu’ils ont autant besoin de solidarité politique de la part du reste du monde, qu’un soutien financier. Le sentiment de ne pas être seul est très important pour résister à l’occupation israélienne. En ligne avec son engagement pour une paix juste et pacifique du conflit, les membres de l’ASTM ont été présents lors d’une manifestation contre la barrière de sécurité qui sépare le village Bil’in en deux parties. C’est la manifestation sur laquelle les étrangers concentrent leur protestation contre l’occupation. Nous avons également participé à une manifestation dans le quartier de Sheikh Jarrah à JérusalemEst, qui se dirige contre l’expulsion de Palestiniens de leurs foyers au profit des colons israéliens. Finalement, nous avons visité Hébron pour nous faire une image sur comment les colons israéliens, appuyés par l’armée, ont occupé le centre de la vieille ville pour l’annexer, tout en détruisant la vie économique tout autour.
Cette visite a donné à l’ASTM la possibilité de connaître un certain nombre de personnes et d’organisations qui s’engagent par de nombreuses façons à la cause palestinienne et a renforcé notrem otivation de continuer un travail dans les Territoires occupés.

Nikolai Shillinglaw est membre de

l‘ASTM.