HISTOIRE SOCIALE

26/07/2014 12:31

LICENCE DE SOCIOLOGIE SEMESTRE 3    2008-2009

HISTOIRE SOCIALE

La société française dans l’entre-deux-guerres et sous le régime de Vichy.

                                                                                   M. Durand-Lasserve

Chapitre I. Le traumatisme de la guerre de 14-18 et ses conséquences sur l’ensemble de la période.

(J.J. BECKER et S. BERSTEIN. Victoire et  frustrations. 1914-1929. Nouvelle histoire de la France contemporaine. Seuil Points Histoire.) La guerre de 1914-1918 bouleverse profondément les sociétés impériales ; elle redonne  espoir à ceux qui souhaitent le renforcement du mouvement ouvrier et remet en cause la progression de la démocratie. Entre 1815 et 1914, aucune grande puissance n’en a combattu une autre dans sa proximité

immédiate. A partir de 1914, toutes les grandes puissances impliquées dans la guerre.

I.Les causes de la guerre.

        Avant 1914, pas une seule grande puissance ne souhaitait la guerre mais, arrivé à un certain point, la guerre apparaît inévitable ; la conjoncture internationale ne cesse de se dégrader et elle échappe au contrôle de dirigeants. Le point de départ est l’émergence en Europe de l’empire allemand qui cherche par ses alliances à se protéger contre la France. Des blocs se forment. D’un côté la Russie, qui se rapproche de la France car tensions dans les Balkans avec empire austro-hongrois allié à l’Allemagne, la France et la Grande Bretagne qui croit à un affaiblissement de la Russie suite à la victoire japonaise alors que différend avec Russie sur question d’Orient, sur les Balkans et sur la zone d’Asie centrale séparant l’Inde de la Russie. De l’autre l’empire allemand et l’empire austro-hongrois. Différentes crises se succèdent au début du 20è qui mettent en opposition ces deux blocs. La dernière se joue dans le Balkans : après l’assassinat de l’archiduc à Sarajevo en 1914, l’empire austro-hongrois veut donner leçon à la Serbie et est soutenu par l ‘Allemagne. La geure commence. La guerre est déclenchée sur un motif qui paraît assez futile et les dirigeants estiment, en 1914, qu’elle sera de courte durée. Pourquoi donc a-t-elle eu lieu alors que l’adhésion des populations concernées dans chacun des pays était loin d’être acquise avant le déclenchement des hostilités ?  Plusieurs interprétations ont été proposées. (Ch CHARLE, La crise des sociétés impériales. Seuil)      La première s’inscrit dans la tradition marxiste : les grandes entreprises avaient besoin de débouchés et d’un vaste empire ; elles ont donc incité les différents gouvernements à étendre leur zone d’influence. L’Allemagne, en particulier, avait besoin d’un territoire plus vaste. Dans les faits, on observe, selon Ch Charle, que ce sont précisèment les grandes entreprises

2 2qui souhaitent le plus que la paix soit maintenue. Les débouchés coloniaux n’étaient essentiels que pour quelques secteurs économiques. Une autre explication donne une place essentielle au lobby militaire allemand.qui réussit, dans un système politique non démocratique, à convaincre les industriels, les grands propriétaires  et les élites administratives et intellectuelles que l’Allemagne pourrait retirer des avantages conséquents d’opérations militaires alors que les sociaux-démocrates prennent de l’importance et que s’accumulent les difficultés économiques, politiques et sociales. Ces classes dirigeantes seraient parvenues à entraîner derrière elles les classes moyennes. Pour Ch. Charle, ce point de vue est partiel car il ne tient pas compte des forces sociales favorables à la guerre dans les autres pays. Un autre auteur, Arno Mayer, considère, quant à lui, que la guerre de 14 est non pas le « stade suprême du capitalisme mais le stade suprême de l’Ancien Régime ». Les anciennes classes aristocratiques détiendraient encore des pouvoirs importants dans le domaine politique, social et culturel non seulement en Allemagne, mais aussi en France et en Grande-Bretagne et, face à la menace démocratique et socialiste, auraient utilisé l’idéologie nationaliste pour ressouder les différentes composantes de la nation. Pour Ch Charle, cette thèse est fragile pour la France et la Grande-Bretagne car, en France notamment, ce ne sont pas les catégories dirigeantes traditionnelles qui sont les plus bellicistes mais plutôt la petite et moyenne bourgeoisie.      Ch Charle croit davantage en un enchaînement de mécanismes diplomatiques qui ont déraillé parce que l’organisation de la société dans les différents pays belligérants a laissé à un petit cercle d’individus, connaissant mal l’organisation sociale des autres pays, le pouvoir de décider seul. Tous les dirigeants politiques français, en 1914, partagent une très forte hostilité à l’égard de la société allemande aristocratique et militariste. La même animosité se retrouve de l’autre côté de la frontière. Face à cette situation, seuls les partis socialistes proposent une stratégie pacifiste mais Allemands et Français sont divisés sur l’action à mener en cas de guerre. Les sociaux-démocrates allemands craignent, en refusant la guerre, de laisser la victoire à la Russie : le 4 août, ils votent à l’unanimité les crédits militaires. Les élites dirigeantes peuvent se servir des sentiments nationaux forgés depuis des décennies par l’école, la presse et arrivent à se convaincre que le peuple est prêt à les suivre. 

II. « L’homme des masses » pendant la guerre et difficultés de se faire entendre pour l’opposition à la guerre.

A. Les inégalités devant la mort et les conditions de vie sur le front et à l’arrière.

Les pertes humaines sont considérables (doc 2), soit, en France, 3,4% des habitants du ays et 13,3% des hommes de 15 à 49 ans, plus importantes, en termes relatifs que celles de l Allemagne (2, 7% et 12,5% respectivement) et, plus encore, que celles de l’Angleterre (1,6% et 6,3%). Ce sont les paysans, qui font partie de l’infanterie, qui sont les plus touchés. Les enseignants et les étudiants sont également très touchés. Etant donné la faible croissance démographique en France, le nombre de combattants est faible et les services (ravitaillement, poste, services sanitaires) qui leur sont rendus sont réduits au minimum. Il en résulte des conditions de vie plus difficiles que pour les soldats allemands et anglais et une baisse du moral des hommes qui ne comprennent pas le sens des sacrifices qui leur sont demandés.  A l’arrière, la mobilisation s’est faite dans un grand désordre et la moitié des établissements industriels ne fonctionnent plus à la mi-août 1914. L’industrie et incapable de fournir les armements nécessaires. Rapidement cependant, les effectifs des industries d’armement progressent ; ces industries sont implantées essentiellement dans la région parisienne, dans le Massif central et dans le Sud-Ouest. Les journées de travail sont très longues ; le travail de nuit est rétabli pour les femmes et les enfants. Les salaires progressent moins vite que les prix.

B. L’.homme des masses.  La guerre marque l’arrêt de la progression des libertés individuelles et du culte de la raison, à l’œuvre depuis la Révolution française. Dans Le passé d’une illusion. Essai sur l’idée communiste au 20 è siècle  (doc 3), F. FURET parle de la guerre de 14-18 comme celle du nombre, nombre de combattants (la mobilisation concerne 3,6 millions d’hommes) et de morts, importance des moyens mis en place. En Europe, cette guerre est subie par des millions d’hommes arrachés à leur vie quotidienne. En France comme ailleurs, elle tue la démocratie alors même que le Parlement continue de fonctionner. Elle est, en effet, faite par des hommes qui passent de l’autonomie citoyenne, valorisée dans 2ème partie du 19è, à une obéissance aveugle pour une période dont ils ne connaissent pas la durée. Cette guerre met en place un ordre social centré sur la nation où aucune place n’est faite à l’individu écrasé par des moyens militaires considérables et par la discipline. Les populations civiles ne sont préoccupées que par les difficultés à survivre, le courrier et les communiqués de l’état-major. Le soldat est au centre d’un vaste chaos où l’esprit n’a aucun rôle à jouer. C’est ainsi que, pour Furet, cette guerre sert de terreau à la montée des tendances totalitaires en Europe. Milza évoque lui aussi la déstructuration du corps social qui arrache des millions d’êtres humains à leur milieu familier. La guerre ébranle les certitudes de l’homme occidental quant aux bienfaits de la technologie et de la science, ici mises au service d’un mal absolu. Elle valorise des comportements tels que l’oubli de soi dans la communauté et l’exaltation du rôle du chef, peu conformes aux idéaux de rationalité développés depuis la Révolution. Elle attache durablement une partie de l’opinion publique à l’institution militaire avec la formation des associations d’anciens combattants qui ne cesseront d’attiser le souvenir de la guerre. Parler de la brutalisation de la société et des conséquences ultérieures regards sur la mort)

C. Les difficultés de l’opposition.

      A partir de 1917, des mouvements sociaux se développent en Allemagne, en Grande Bretagne et en France où ils sont cependant moins importants. Les ouvriers protestent contre l’intensité du travail, le contrôle auquel ils sont soumis, l’inflation et les pénuries alimentaires Les premières protestations viennent des femmes dans les secteurs traditionnels et ont un caractère purement économique (revendications de hausse de salaires et de baisse du temps de travail). Pour éviter leur propagation dans les industries d’armement, le gouvernement accepte rapidement de fixer un salaire minimum. Les grèves de mai et novembre 1917 inquiètent davantage les autorités car elles concernent les travailleurs de l’armement et ont un caractère pacifiste. Des manifestations se produisent au cri de « A bas la guerre », le 1er mai 1917. Une agitation qualifiée de révolutionnaire se développe en 1918. Les grévistes demandent la fin de la guerre tandis que le courant d’opposition à la guerre, à l’intérieur de la CGT et du PS, encouragé par la révolution russe, se renforce. Au sein de l’armée, les refus d’obéissance augmentent nettement en 1917 ; les mutineries touchent alors de nombreuses divisions, représentant 1/5 de l’armée française. Les protestations contre les conditions de logement au repos, la mauvaise qualité de la nourriture, contre les pertes très lourdes subies au combat jouent un rôle plus important que la propagande pacifiste ou l’exemple de la révolution russe. Le dégoût pour la guerre se maintient jusqu’à l’été 1918. Globalement, on considère que se sont mutinés 40 000 hommes. La répression a commencé dès le début de la guerre. En 1914-1915, des soldats sont fusillés pour tentative de capitulation ou mutilation volontaire. Certains sont fusillés « pour l’exemple », d’autres sans jugement. Après les mutineries de 1917, 1 381 condamnations aux travaux forcés ou à des lourdes peines sont prononcées ainsi que 554 condamnations à mort.

Suite aux demandes de clémence de la gauche parlementaire, 50 exécutions auront lieu. Les mutineries se poursuivent en avril 1919, dans la flotte de la mer Noire, pour protester contre la guerre alors menée contre les bolcheviks russes  et elles donnent lieu à des condamnations au bagne et aux travaux forcés. Le PC mènera campagne dès sa création, fin 1920, pour la libération des mutins et une première amnistie sera obtenue en juillet 1922. A la fin de la guerre, la situation sociale n’est pas la même dans les trois  pays. La société britannique en sort peu divisée mais les classes dominantes se montreront très dures, par la suite, dans le traitement des problèmes sociaux. L’Allemagne connaît une très forte inflation qui touche surtout les classes moyennes et profite aux grandes sociétés ; la défaite est incompréhensible et la classe dirigeante s’efforce d’en rendre responsable la classe ouvrière. En France, les inégalités restent fortes entre les masses populaires et les industriels qui profitent de la guerre et entre ces derniers et la vieille bourgeoisie qui a perdu beaucoup de ses enfants et a vu son pouvoir d’achat baisser.

III.  Le financement de la guerre et les problèmes économiques des années 20.

      Il faut financer les réquisitions en faveur de l’armée et des industries d’armement, les allocations journalières accordées à toutes les familles dont le soutien est mobilisé et les pensions aux veuves, orphelins et parents. Alors que les dépenses de l’Etat s’élèvent à 5 milliards en 1913, elles atteignent 38 milliards en moyenne chaque année de guerre, soit 7 fois plus. Une partie faible des dépenses (16%) est financée par les impôts (impôt sur le revenu, créé en 1914 et perçu effectivement en 1916, mais surtout impôts indirects qui pèsent proportionnellement plus sur les pauvres que sur riches) ; l’emprunt tient une place importante, ce qui va limiter ensuite les capacités de reconstruction. Le recours à la création monétaire entraîne une forte inflation : l’indice des prix atteint 235 fin 1918 (base 100 en janvier 1914) ; le rythme est proche de celui de la Grande Bretagne et nettement plus faible que celui de l’Allemagne. Après la fin de la guerre, il est difficile de rétablir l’équilibre budgétaire car il faut poursuivre le remboursement des emprunts et le versement des pensions tout en reconstruisant le pays. L’inflation provoquée par les pénuries alimentaires et par le recours à la création monétaire se poursuit. Les dépenses publiques atteignent des niveaux élevés et il est difficile de faire admettre à la population la nécessité d’une hausse des impôts. Certes, le taux supérieur d’imposition est augmenté en 1918 (20%), en juin 20 (50%) puis en 1925 (75%) (avant la guerre, il n’avait pas été envisagé de faire payer plus de 5% d’impôts aux tranches les plus élevées, ce qui montre l’ampleur du changement), mais cela ne suffit pas. L’idée qui prévaut est que l’Allemagne doit payer ; or, l’économie allemande est détruite et le gouvernement n’a pas les moyens de payer les indemnités prévues. Le franc se déprécie (doc 12) et cela alimente l’inflation. Celle-ci entraîne la réduction des exportations, donc un déficit commercial et la perte de valeur du franc. De plus, les prix des produits fabriqués avec des marchandises importées ne cessent d’augmenter. La situation va s’aggraver après la victoire du Cartel de gauches aux élections de 1924 qui suscite la méfiance des banques. Le gouvernement a des difficultés pour obtenir des avances de la Banque de France qui menace, en 1926, de ne plus lui en accorder. Les épargnants se ruent pour retirer leur épargne et le franc chute entre juin et juillet 26. Le gouvernement soutenu par le Cartel démissionne en juillet 1926 et laisse la place à un gouvernement d’Union nationale qui se donne comme programme le retour à l’équilibre budgétaire grâce à une hausse des impôts. A l’automne 1926, le budget est présenté en excédent et le franc stabilisé. Progressivement, la confiance revient et une loi monétaire est votée le 25 juin 1928 (doc 15) : la nouvelle valeur officielle du franc, dit franc Poincaré, 65,5 mg d’or, est inférieure de 4/5 à valeur du franc germinal établie en 1803. 

      La crainte de l’inflation et la volonté de maintenir une monnaie forte, symbole de la puissance nationale, vont handicaper les gouvernements quand il faudra combattre la dépression des années 1930 et le chômage puisqu’ils refuseront, jusqu’en 1936, de relancer l’économie par les dépenses publiques (peur du déficit budgétaire) et par les exportations (crainte d’un franc déprécié alors que la Grande Bretagne et les Etats Unis suppriment la convertibilité de leur monnaie en or).

IV. Les pertes humaines, les conflits de générations, l’immigration et l’urbanisation. A. La moindre place des jeunes. Existence de la jeunesse ? Les tués sont très nombreux et il y a aussi les mutilés, 1 million d’invalides, 600 000 veuves et 700 000 orphelins qui sont privés de père et qui touchent une pension jusqu’à 18 ans. Si l’on tient compte de la surmortalité des civils, notamment au moment de l’épidémie de grippe espagnole, le nombre de morts dus à la guerre s’établit à 1,5 million. En ajoutant décès de la guerre (civils et militaires) et déficit des naissances, on peut estimer la perte démographique à 2 900 000 personnes, surtout des jeunes. Entre 1900 et 1939, la population n’augmente que de 3% en France malgré la restitution de l’Alsace-Lorraine (cette augmentation étant due en grande partie à l’apport des étrangers) alors que sa progression est de  36% en Allemagne et de 23% au Royaume-Uni.  Le déficit démographique de la France favorise l’attentisme des militaires qui, en 1935, ne peuvent compter que sur un nombre relativement faible de soldats.     Le vieillissement de la population a pu freiner les initiatives puisque, pour accéder aux places administratives, politiques, militaires et économiques, c’est l’ancienneté qui prime. Les relations entre les générations se modifient. Le groupe des jeunes est affaibli et veut tourner la page de la guerre alors que les anciens combattants essaient de se constituer en groupe social. En 1920, ces derniers représentent 90% de la génération des hommes nés entre 1870 et 1899 encore vivants. Ils se retrouvent dans diverses association et considèrent que la reconnaissance due par la patrie leur donne un droit de censure et de contrôle sur les gouvernements qui se succèdent ; ils les accusent de mal gouverner et de ne pas respecter le souvenir de l’Union sacrée. B. Une nouvelle immigrationDes mesures de contrôle des étrangers sont prises dès le début de la guerre et le nombre de naturalisations recule pendant le conflit. Des lois instaurent, en 1915 et 1917, une procédure de déchéance de la nationalité à l’encontre des naturalisés originaires des pays ennemis. Quelques milliers de citoyens de ces pays sont internés dans des « camps de concentration » (P. WEIL, 103). Comme la croissance démographique est faible, que la paysannerie continue de résister à l’exode rural alors que l’industrialisation est rapide dans les années 1920, il est fait appel aux étrangers qui viennent de plus loin que précédemment et qui sont plus visibles. En 1931, les Italiens sont toujours majoritaires mais les Polonais arrivent désormais en 2ème position. Les travailleurs étrangers sont recrutés, à partir de 1924, par une organisation patronale, la Société générale d’immigration, qui a le monopole de l’importation légale de main d’œuvre et qui est soumise au contrôle administratif de l’Etat. Aux entrées officielles s’ajoutent de nombreuses entrées clandestines. De plus, la France accueille un nombre important de réfugiés politiques, Russes, Arméniens, Georgiens, Juifs d’Europe de l’Est et antifascistes italiens.

      La main d’œuvre venue d’Afrique du Nord augmente : 36 000 en 1921 ; 82 000 en 1937.

A cette dernière date, elle connaît un taux de chômage supérieur à celui des autres catégories. Certains de ces immigrés rejoignent l’Etoile nord africaine, créée en 1926 par Messali Hadj, lié au Parti communiste, qui revendique l’indépendance pour l’Algérie. La main d’œuvre étrangère est contrôlée: en 1919, une carte d’identité est imposée à tout étranger de plus de 15 ans présent sur territoire français. En 1926, la détention d’un contrat de travail est exigée pour pouvoir exercer une activité salariée ; ce contrat bafoue souvent le droit français. La carte d’identité doit être visée à chaque changement de résidence et de secteur d’activité professionnelle. Cette population étrangère est fortement masculine, ouvrière, elle a un faible niveau d’instruction. En principe l’égalité des salaires avec les Français est respectée mais les étrangers occupent majoritairement les métiers les plus déqualifiés et favorisent ainsi la promotion des ouvriers français. Ils restent le plus souvent entre eux, au sein de leur communauté dans laquelle ils se marient. Dans les années 1920, le travail étant abondant et les étrangers n’ayant pas l’intention de s’installer en France, les tensions avec les travailleurs français sont limitées. Cependant, cette main d’œuvre surexploitée, dont l’intégration n’est pas souhaitée, se rapproche des organisations les plus radicales. A ce titre, elle est attirée par le PCF qui respecte les différences culturelles. Le gouvernement du Cartel de gauches donne comme instruction de favoriser les naturalisations et, en 1927, une loi, adoptée à une très large majorité, réduit à 3 ans le délai pour qu’un étranger puisse demander la naturalisation. En 1932, on estime à 350 000 le nombre d’étrangers devenus Français.

C. L’accélération de l’urbanisation et la crise du logement. La guerre contribue à l’accélération de l’urbanisation et à la rupture de l’équilibre villes-campagne qui était au fondement de la IIIè République. Certaines campagnes du Nord-Est, évacuées pendant la guerre, ne sont pas repeuplées. Un certain nombre d’anciens combattants ruraux ne reviennent plus chez eux et l’exode rural de jeunes s’intensifie.  De 1921 à 1931, 2 millions de personnes viennent s’installer dans les villes et, au recensement de 1931, la population urbaine dépasse très légèrement, mais pour la première fois, la population rurale. La croissance urbaine concerne surtout les communes de plus de 100 000 habitants et notamment Paris et sa banlieue.

      La crise du logement touche surtout les milieux populaires des grandes villes. L’habitat pavillonnaire se développe autour de ces grandes villes ; les lotissements sont situés dans des banlieues de plus en plus lointaines.      Avec la multiplication du nombre d’usines dans des zones jusque là habitées par des employés et des petits bourgeois, naît la « ceinture rouge » parisienne. Dès 1919, 24 communes passent sous le contrôle soit des socialistes, soit des communistes. Aux législatives de 1924, la progression communiste est importante. V.  l’Empire français après le traité de Versailles de 1919.  Le traité de Versailles de 1919 interdit le rattachement de l’Autriche à l’Allemagne et met fin à la colonisation allemande en Océanie, en Namibie, au Togo, au Cameroun, en Tanzanie et au Rwanda-Burundi.  En 1920, la France reçoit de la Société des nations un mandat sur la Syrie, le Liban (anciennes colonies turques), le Togo et le Cameroun. De son côté, l’Empire britannique s’agrandit avec la Tanzanie tandis que le Rwanda-Burundi passe sous domination belge. Le début des années 1920 est marqué par des mouvements de révolte dans les territoires soumis à l’administration française, les plus graves ayant lieu dans les territoires du Levant et au Maroc. La révolte, née dans le Maroc espagnol, conduite par Abd el-Krim, s’étend à la zone française en 1924. La répression, menée par le maréchal Pétain, mobilise 100 000  hommes. Une opposition politique se développe, notamment chez les étudiants soutenus par une population qui souffre du déclin de ses activités traditionnelles. Jusqu’en 1922, la Syrie et le Liban sont occupés par l’armée française qui mène une politique laïque intransigeante, contraire aux convictions religieuses musulmanes. Cette armée s’oppose aux ambitions des partisans du chérif de La Mecque qui cherche à constituer un vaste royaume sous influence britannique, incluant l’Irak, la Syrie et le Liban. Les populations musulmanes se révoltent et, en 1925, l’armée française évacue Damas. La révolte s’apaise dans la 2è moitié des années 1920.  Le nationalisme prend racine aussi en Indochine, mené par plusieurs partis, dont le Parti communiste indochinois qui demande la nationalisation des grands domaines et l’autonomie politique du Viêt-nam, du Laos et du Cambodge. En France, seul le Parti communiste soutient les revendications des peuples colonisés. La France célèbre son empire colonial en 1930, à l’occasion du 100è anniversaire de la conquête d‘Alger, puis lors de l’Exposition coloniale de 1931 qui exalte la « rééducation des peuples arriérés ». L’école continue de populariser la colonisation et la gauche, à l’exception du Parti communiste, en glorifie les bienfaits ; elle est en revanche dénoncée par certains intellectuels dont les surréalistes. Si l’on met à part les « vieilles colonies », trois ensembles doivent être distingués au sein de l’Empire : l’Indochine, l ‘Afrique noire et le Maghreb. En Indochine, de fait, la France recourt à l’administration directe. Tout comme en Afrique, les colons sont peu nombreux et quelques grands groupes dominent les secteurs essentiels. En Algérie, 940 000 Européens, la plupart de nationalité française, contrôlent le pays ; en 1936, on ne compte que quelque 8 000 naturalisés musulmans sur un total de 7 millions d’habitants. Sur les grands domaines sont pratiquées des cultures spéculatives mais l’essentiel de la population européenne est urbaine : petits fonctionnaires et employés qui ne connaissent pas vraiment la population locale. Le plan de Léon Blum qui prévoyait l’accession à la nationalité française de 60 000 musulmans algériens est retiré fin 1936 suite à l’opposition des députés européens. Le Maroc et la Tunisie ont, en principe, des souverains autonomes mais, de fait, ce sont les fonctionnaires français qui administrent directement les royaumes. La présence française y est moins importante qu’en Algérie. Dans l’ensemble de l’Empire, les groupes de pression qui veulent conserver leurs avantages jouent un rôle essentiel. En Indochine et dans le Maghreb, les mouvements nationalistes sont à l’origine de révoltes auxquelles les autorités répondent par la répression.

Chap II. Les alternances de la vie politique  1918-1940 Ouvrages de référence

BECKER et BERSTEIN déjà cité ;

D. BORNE et H. DUBIEF. La crise des années 30. 1929-1938.

Nouvelle histoire de la France contemporaine. Seuil coll

Points Histoire. J.P. AZEMA. De Munich à la Libération. 1938-1944.

Nouvelle histoire de la France contemporaine. Seuil coll Points Histoire.

I. En septembre 1917, retrait du soutien du Parti socialiste à l’Union sacrée. De novembre 1917 à janvier 1920, Clémenceau dirige le gouvernement en attendant les élections législatives. La situation économique et sociale est marquée par les pénuries alimentaires et la faiblesse de la production industrielle dont l’indice (base 100 en 1913) n’atteint que 50 en juillet-septembre 1921. Le pays connaît une forte agitation    sociale avec exemple de la république des conseils en Bavière (janvier 1919) et Bela Kun en Hongrie  (mars 1919).  et le mouvement ouvrier est réprimé. Pour anticiper mécontentement, gvt fait voter loi de 8 heures en avril 1919 mais cela n’empêche pas grève et manif le 1er mai avec manifestants qui se dirigent vers assemblée et affrontements avec forces de l’ordre qui font 1 mort et plusieurs centaines de blessés. Vague de grèves à partir de là et manifestations. II. Le Bloc national (1920-1924) La droite au pouvoir. Elections législatives prévues en novembre 1919.  En octobre 1919, naît le Bloc national, à l’initiative d’A. Millerand qui propose le rassemblement sur les mêmes listes de toutes les forces politiques qui ont travaillé ensemble jusqu’à la fin de la guerre. En fait, coalition des droites avec quelques ministres radicaux. A gauche désaccords entre socialistes et radicaux En présentant les socialistes comme les émissaires des bolchéviks en France, le Bloc national gagne les élections de mai 1920. La SFIO progresse cependant en nombre de voix par rapport à 1914 (1,7 million de voix).   Le gouvernement de Bloc national met l’accent sur le rejet du communisme et combat vigoureusement le mouvement ouvrier avec l’appui de certaines organisations d’extrême droite. Les désaccords entre ses différentes composantes sont nombreux, aussi bien sur la question religieuse que sur le traitement de la question sociale. Le mouvement ouvrier se divise. Lors du congrès de Tours du PS-SFIO de décembre 1920, les deux tiers des mandants se prononcent pour le rattachement à l’Internationale communiste et créent le Parti communiste, Section française de l’Internationale Communiste. Le parti socialiste SFIO est maintenu.  En 1919-1920, il est clair que la CGT, qui a participé à l’effort de guerre, a abandonné la doctrine du syndicalisme révolutionnaire. La majorité souhaite plutôt l’intégration de la classe ouvrière dans la nation par des nationalisations et le contrôle ouvrier. Les fédérations syndicales qui restent fidèles au syndicalisme révolutionnaire, et qui sont sans doute majoritaires en nombre d’adhérents, quittent la CGT, fin 1921, pour créer la CGTU. 

9 9Les ministres radicaux quittent le gouvernement fin 1923 et ouvrent ainsi la voie à un regroupement de la gauche autour du parti radical et du parti socialiste qui devient le Cartel des gauches. III. Le Cartel des Gauches et le retour de Poincaré. La gauche de 1924 à 1926 puis retour de la  droite jusqu’aux élections de 1932.Aux élections de 1924, la droite reste majoritaire en voix mais la gauche compte davantage de députés. C’est Herriot, président du Parti radical, qui devient chef du gouvernement et qui le reste jusqu’en avril 1925.  Le Parti socialiste lui apporte son soutien sans participer au gouvernement qui a aussi l’appui des fédérations de fonctionnaires qui obtiennent le droit de se syndiquer. Pas de programme de gouvernement car le Parti socialiste continue de se référer au marxisme et est favorable à intervention de l’Etat alors que parti radical y est défavorable.  Le parti radical est divisé : les parlementaires souhaitent appuyer la droit alors que les militants sont plus favorables à accord avec le PS.  Programme minimum porte sur la réintégration des cheminots grévistes qui ont été révoqués en 1920, la baisse de la durée du service militaire, l’extension du rôle de la SDN et la mise en place d’assurances sociales. L’opposition communiste ne cesse de se manifester. Le PC maintient une ligne interne dure et procède fréquemment à des épurations. Il soutient les luttes des peuples colonisés et entretient une agitation anti-militariste ; certains de ses dirigeants sont arrêtés. Les militants communistes s’enracinent et le PC conquiert des municipalités en 1925 : Nanterre, Ivry, Vitry et St Denis, qui commencent à former la « ceinture rouge ». Le franc traverse une nouvelle crise au printemps 1925 alors que les socialistes appellent à la création d’un impôt sur le capital.  Le gouvernement radical est renversé en juillet 1926 et Poincaré revient aux affaires. Il forme l’Union nationale avec les républicains modérés et des radicaux. Progressivement, le franc se stabilise. Herriot qui est ministre radical propose les assurances obligatoires et la gratuité de l’enseignement à partir de la 6è. Ceci sera mis en place par les gouvernements suivants.      IV. Elections de 1928 (doc 5). Retour de la droite      Lors de ces élections, au premier tour, la droite et la gauche arrivent à égalité en voix. Les socialistes dépassent les radicaux et plus d’un million d’électeurs (9,3% des inscrits) votent pour le Parti communiste.      Au 2è tour, les députés de la droite sont plus nombreux que ceux de la gauche. Poincaré peut se passer des radicaux pour former son gouvernement mais il appelle à ses côtés un certain nombre de ministres radicaux. Le franc est dévalué en 1928.       Les tensions sont grandes à l’intérieur du Parti radical : lors du congrès de 1928, à Angers, est votée une motion qui dénonce l’Union nationale et appelle à l’Union de la gauche. Les ministres radicaux doivent démissionner et, peu de temps après, le parti radical rejoint les socialistes dans l’opposition.     Poincaré se retire de la vie politique pour des raisons de santé en 1929. L’affrontement entre la gauche et la droite devient une constante de la vie politique.     Incapacité des gouvernements à faire face à la crise économique. Jeunes intellectuels s’expriment pour appeler à dépasser ces oppositions et pour renouveler la vie politique française.

    Jusqu’en 1932, la vie politique est dominée par Tardieu, devenu président du Conseil en novembre 1929, soutenu par la droite, qui souhaite instaurer un Etat fort, dépasser les clivages liés aux partis et limiter le contrôle du Parlement ainsi que moderniser l’économie pour sortir le capitalisme français de son archaisme. V. Elections de 1932 (doc 6) et évolution de la situation jusqu’à la manifestation du 6 Février 34. Victoire à la gauche puis échec.La droite perd nettement les élections  de 1932. Les socialistes obtiennent plus de voix que les radicaux mais ont moins de députés. Refusant de s’associer aux organisations de gauche et défendant la ligne « classe contre classe », le Parti communiste perd la moitié de ses électeurs et de son influence à cause de sa ligne « classe contre classe » (doc 8)..  Le parti socialiste est divisé entre ceux qui souhaitent soutenir les radicaux et une aile gauche intransigeante qui ne veut pas de cette alliance. Radicaux satisfaits de cette position car crainte qu’un rapprochement avec les socialistes fasse fuir les capitaux. Dans un premier temps, Herriot devient président du Conseil, avec des ministres radicaux, du centre-gauche et du centre-droit puis l’instabilité gouvernementale s’installe ; les différents gouvernements mènent une politique de déflation qui entretient la crise. Crise économique et climat social très tendu en 1933 alors que Hitler devient chancelier début 1933. Différents groupes sociaux manifestent leur mécontentement : paysans, Ligue des contribuables ; commerçants et artisans, chômeurs ; grèves dans les transports et le batiment. Agitation sociale ininterrompue. Gouvernement incapable de prendre décisions car volonté à la fois de ne pas augmenter les impôts et de ne pas baisser les dépenses. Divisions entre socialistes  qui demandent nationalisation des chemins de fer et des assurances et parti radical qui veut maintenir équilibre budgétaire. Instabilité ministérielle. La droite, par la voix de Tardieu appelle à une révision constitutionnelle pour renforcer l’éxécutif et pour remettre à l’ordre du jour le droit de dissolution. Tardieu s ‘exprime en dehors du Parlement et en appelle au peuple, ce qui lui vaut d’être qualifié de « fasciste » par les communistes et de « boulangiste » par les socialistes. De plus, affaires de corruption qui touchent les parlementaires. (En novembre 1933, sont exclus du parti les parlementaires et les militants qui soutiennent Marcel Déat ; celui-ci prône un rassemblement antifasciste, réunissant les classes moyennes et le prolétariat, s’appuyant sur un Etat fort. Il se réclame du « socialisme national ».) L’antiparlementarisme, attisé encore par différents scandales, permet aux ligues d’extrême droite d’accroître leur influence. Pendant le mois de janvier 1934 se déroulent des manifestations, organisées au départ par l’Action française puis soutenues par d’autres organisations d’extrême droite, avec la connivence de la police. Ces manifestations n’attirent pas beaucoup de monde mais déprédations systématiques (grilles d’arbres abattues et jetées sur la chaussée, arbres arrachés en vue de former des barricades. Le président de la République demande à Daladier de former un nouveau gouvernement. Daladier en appelle à l’union nationale mais refus de la droite et formation d’un gouvernement s’appuyant sur majorité radicale et socialiste. Le préfet Chiappe est démis de ses fonctions et refuse son nouveau poste.  Différentes organisations appellent à une manifestation le 6 février, jour de l’investiture de Daladier par la Chambre des députés mais elles n’ont pas toutes le même objectif. (doc 8). A 20 heures, Daladier obtient l’investiture grâce à une majorité de gauche (302 voix contre 204)

11 11mais la Chambre des députés est encerclée par les manifestants qui réclament sa démission et la formation d’un gouvernement fort. Usage de leurs armes par les forces de l’ordre. Des coups de feu sont échangés jusqu’à minuit. On relève 15 morts et 2 000 blessés. Daladier démissionne le lendemain à midi.  Pour la première fois, dans l’histoire de la IIIè République, la rue fait tomber un président du Conseil nommé conformément au vote des électeurs. La gauche crie au complot fasciste.  La droite revient au pouvoir avec un gouvernement d’union nationale comme en 1926.Quelques ministres radicaux participent au gouvernement. VI. La riposte de la gauche jusqu’aux élections d’avril-mai 1936 qui donnent le pouvoir au Front populaire.La gauche voit dans ces évènements une menace fasciste et va riposter.  La première riposte vient du PC et de la CGTU dès le 9 février. Le PC est toujours dans l’optique du refus d’alliance avec d’autres partis considérés comme bourgeois. Le rassemblement prévu est interdit et des heurts très violents se produisent avec les forces de l’ordre qui font 4 morts et des centaines de blessés. La CGT appelle à la grève générale pour 12 février et une manifestation est organisée par la SFIO le même jour. Les manifestants et les grévistes appellent à l’unité de la gauche. Cependant, opposition du parti communiste pour lequel le parti socialiste est le principal ennemi. Le système démocratique bourgeois et le fascisme sont considérés tout deux comme l’expression de la dictature du capital. Dès le mois de février, un Comité de vigilance des intellectuels anti-fascistes se constitue. Le PC change brutalement de ligne en juin 34, sous la pression des adhérents et sympathisants mais surtout sur les directives de l’Internationale communiste qui souhaite élargir le front contre l’Allemagne nazie. En effet, pour le Komintern, les partis communistes européens doivent se mettre au service des intérêts de l’URSS, la patrie du socialisme.  Des négociations secrètes sont en cours depuis le mois de décembre 1933 entre la France et l’URSSS  quand l’Allemagne nazie commence à représenter un véritable danger. Un accord est signé début juin 1934. C’est à ce moment là que débutent les pourparlers entre socialistes et communistes. Du jour au lendemain, fin juin 1934, le secrétaire général du PC change de ligne : il faut désormais défendre la démocratie et développer l’unité d’action et l’unité syndicale.. Ce changement de ligne ouvre la voie au pacte d’unité d’action signé par le PC et le PS en juillet 34 qui est suivi d’une grande manifestation lors du 20è anniversaire de la mort de Jaurès. Doriot qui préconisait depuis février l’unité d’action avec le PS et l’avait réalisée à Saint Denis, est exclu du PC. Le PC veut aller lus loin et se rapprocher des classes moyennes et du parti radical.Une politique nouvelle, dite de « la main tendue », est menée en direction des autres partis et organisations de gauche et des classes moyennes  Au 2è tour des élections municipales de 1935, l’Union de la gauche fait une percée importante et les succès du PC renforcent la banlieue rouge autour de Paris. Le nombre des adhérents du PC augmente de manière sensible (doc.7) et sa poussée est favorisée par la stabilisation de la classe ouvrière qui accompagne la crise (chap 6). Un pacte d’assistance mutuelle est signé  en mai 1935 entre l’URSS et la France et le PC ne cesse d’affirmer son patriotisme. Du coup, alliance avec radicaux possible.Le PS, le PC et les radicaux organisent un important rassemblement, le 14 juillet 1935. L’antifascisme a permis le rassemblement de la gauche.  Le programme du Front populaire est publié en janvier 36, résumé par le slogan « pain, liberté et paix ». Il défend les libertés individuelles et la paix. Est ainsi prévue la dissolution

12 12des ligues d’extrême droite. Du point de vue économique, la nationalisation des industries de guerre, la création d’un fonds national de chômage, la réduction du temps de travail sans diminution de salaire et est affirmée la volonté de lancer de grands travaux.  Les ligues d’extrême-droite lancent différentes actions et s’en prennent notamment à L. Blum. L’Action française est dissoute en février 1936, suite à une agression dirigée contre  Blum. En mars 1936, la CGT et la CGTU fusionnent ; la CGT compte alors 800 000 adhérents. Les communistes sont minoritaires à l’intérieur de la nouvelle CGT mais ils vont s’efforcer de conquérir la majorité, ce qui sera fait au lendemain de la 2è guerre mondiale.      Alors que droite affronte unie les élections législatives d’avril-mai 36, les partis de gauche se présentent en ordre dispersé au premier tour. La campagne électorale est couverte pour la 1 ère fois par la radio. Au 1er tour (26 avril), les partis du Front populaire n’ont qu’une très légère avance en voix. Le Parti radical perd des voix alors que PC double son score par rapport à 1932. Les partis de gauche  appellent les électeurs à se reporter, au 2è tour, sur le candidat le mieux placé. Le 3 mai, le Front Populaire compte 376 élus (Doc p.6). En tant que secrétaire du PS-SFIO qui a obtenu le plus de voix, L. Blum revendique la charge de former le gouvernement. Composé de ministres socialistes et radicaux, le gouvernement est investi par la Chambre des députés début juin. Le PC reste à l’extérieur mais s’engage à le soutenir. Les grèves avec occupation débutent avant même la formation du gouvernement (Chap 6). VII. Les mesures prises par le FP jusqu’en juillet 1937. L ‘accord Matignon (doc 10) : Les militants veulent être sûrs que l’accord sera appliqué dans leur entreprise et poursuivent le mouvement. Le 11 juin, M. Thorez appelle les travailleurs à arrêter la grève pour ne pas se mettre à dos les classes moyennes ; il n’est pas suivi. Les effectifs des syndicats augmentent : 1 million d’adhérents à la CGT en mars 36, 5 millions en juillet, notamment dans l’industrie privée, mais des divergences existent entre ex-confédérés et ex-unitaires. Les lois et les autres mesures (doc 9 et 10)  Les ligues sont dissoutes. Les intellectuels d’extrême droite et leurs journaux se déchainent notamment après le début de la guerre civile espagnole contre le Front populaire tandis que l’antisémitisme se développe Se crée alors une organisation secrète, le Comité secret d’action révolutionnaire, CSAR, appelé aussi la Cagoule, dont le but est de destabiliser le Front populaire et d’installer un pouvoir fort. Il essaie de compromettre le PC en organisant un attentat contre le siège du patronat.  Les Croix de feu, ligue dissoute, se transforment en Parti social français qui fait une percée dans le monde rural et commence à prendre pied dans le milieu ouvrier. A la veille de la guerre, le PSF est en passe de devenir une grande force inter-classiste, préfiguration du mouvement gaulliste. Avec 800 000 adhérents, il prétend à la direction de la droite. VIII. Les difficultés entre les partenaires du Front populaire et sa finD’importantes divergences apparaissent très vite à propos de l’attitude à adopter dans la guerre d’Espagne. Le parti socialiste craint qu’une intervention en faveur de l’Espagne républicaine n’entraine une guerre civile en France et les radicaux sont opposés à l’intervention. Finalement accord entre gvts français et anglais pour non intervention alors que pour les communistes aide à l’Espagne est un devoir sacré et réunion de 8000 Français combattent du côté du Front populaire espagnol. De plus, les difficultés économiques sont importantes alors qu’il est  nécessaire d’augmenter les dépenses militaires. Le gouvernement marque une pause dans les réformes en janvier 37 (doc. 9). Cela entraîne des déceptions parmi les salariés et l’agitation sociale reprend.

C’est alors que Doriot crée un parti qualifié de fasciste par P.Milza, le Parti populaire français, qui veut concurrencer le PS-SFIO et surtout le PC. Son projet recueille la sympathie d’hommes d’extrême droite qui pensent trouver en Doriot un meneur d’hommes, capable de prendre la tête d’un mouvement anti-communiste. Il obtient rapidement des succès : 200 000 adhérents en septembre 1937, 300 000, début 1938. Les ouvriers en sont la composante la plus importante mais il recrute aussi auprès des commerçants et des membres des professions libérales. Il n’est pas question de s’en prendre à la propriété privée mais plutôt de lutter contre le communisme et le parlementarisme, de créer des corporations, de réaffirmer le rôle fondamental de la famille, l’importance de la province considérée comme le cadre « naturel » de la vie politique. Doriot ne cache pas son admiration pour Hitler et sa volonté de forger un « homme nouveau ». Quand la menace communiste s’estompe, fin 38, l’’influence de Doriot, qui apportera par la suite son soutien à la collaboration, diminue. Le 16 mars 1937, la police intervient contre des contre-manifestants communistes lors d’ une réunion du PSF : 6 morts et 200 blessés. Le PC en fait porter la responsabilité au gouvernement.  Le Parti radical estime, quant à lui, que le gouvernement se montre trop favorable aux ouvriers et ne tient pas assez compte des classes moyennes et notamment des petits patrons qui ont du mal à appliquer la loi des 40 heures. Opposition de lus en plus vive aux manifestations de masse et au drapeau rouge. Le patronat, par ailleurs, annonce, début 37, qu’il n’appliquera pas les conventions collectives. Face à ces difficultés, L. Blum demande en vain les pleins pouvoirs financiers pour gouverner par décrets-lois ; il démissionne le 22 juin 1937. Le gouvernement est désormais dirigé par les radicaux sans participation socialiste.     L Blum revient en mars 38 ; il cherche l’appui de tous les partis pour constituer un gouvernement d’Union nationale mais la droite refuse de gouverner avec le PC. Il est remplacé par Daladier, président du Conseil jusqu‘en mars 40, qui forme un gouvernement avec des ministres radicaux et de centre-droit. Fin du Front populaire annoncée le 10 avril quand Daladier forme un nouveau gouvernement auquel les socialistes refusent de participer. Pour la 3è fois échec de la gauche à rester unie dans une action continue. La droite a besoin du parti radical qu’elle est, en même temps, toujours prête à renverser. Parti radical au centre de la crise politique : représente une France moyenne libére de la tutelle d l’Eglise, attachée à la petite propriété et adversaire des grandes sociétés ; à la fois antimarxiste et anticapitaliste. Dès août 38, les 40 heures sont assouplies et des allègements fiscaux accordés aux employeurs. De plus, est menée une politique d’apaisement à l’égard de Hitler, avec les accords de Munich de septembre 38 (annexion des Sudète au détriment de la Tchécoslovaquie, ratifiés par la Chambre des députés malgrè l’opposition des députés communistes. Malgré l’abstention des socialistes et l’opposition des communistes, les pleins pouvoirs sont donnés à Daladier. Opinion publique semble soutenir : après agitation sociale, demande d’autorité et désir de revanche patronale L’affrontement avec la CGT devient inéluctable ; la grève de fin novembre 38, appelée par le PC et la CGT, est un échec. Commence alors le déclin du PC (doc 7). En mars 1939, pouvoirs exceptionnels accordés à Daladier donc renforcement de l’éxécutif. Le pacte germano-soviétique de non agression est signé en août 39 ; l’armée allemande entre en Pologne le 1er septembre. La guerre est déclarée le 3 septembre 1939. Après l’entrée de l’URSS en Pologne en septembre 39, le PC est dissous. En janvier 40, les députés communistes sont déchus et plusieurs milliers de militants arrêtés. IX. La drôle de guerre.

Commence la « drôle de guerre » qui contribue à démobiliser l’opinion publique. Daladier est remplacé, en mars 40, par P. Reynaud qui a le soutien des socialistes. L’offensive allemande contre la France intervient le 10 mai 1940 et fait 100 000 morts en 5 semaines. L’armée allemande entre dans Paris le 14 juin. Au total, près de 6 millions de réfugiés quittent les zones de combat ; 1,8 million d’hommes sont faits prisonniers.

24 24déjà connus, Printemps ou Galeries Lafayette, qui cherchent ainsi à attirer une clientèle plus populaire.     Les chaînes de magasins alimentaires apparaissent ; elles cherchent à rivaliser avec le petit commerce en offrant des prix plus bas et des petits cadeaux. Elles modifient progressivement certaines habitudes de vie. Les petits commerçants se plaignent de cette concurrence et, en 36, l’ouverture de nouveaux magasins à « prix unique » est interdite.     Alors que jusqu’au début des années 30, les manucures, les coiffeurs, les couturières ou les parfumeurs se rendaient à domicile, de plus en plus de soins sont assurés par des magasins spécialisés. Les prestataires de services aux personnes se transforment peu à peu en commerçants qui assurent des services impersonnels. Le premier émetteur, radio Tour Eiffel, est lancé en 1921 sous impulsion de l’Etat. A partir de là, la radio va devenir l’instrument privilégié de la culture populaire. A la fin des années 1920, le France compte 500 000 récepteurs ; elle en compte 5,5 millions en 39.  La radio a l’avantage sur la presse de pouvoir diffuser beaucoup plus rapidement l’information. Les feuilletons, jusque là diffusés par la presse écrite, et les chansons connaissent un grand succès. Il en va de même pour les romans d’aventure, policiers (A Lupin, Fantomas) ou sentimentaux.      La production cinématographique française est très importante dans les années 1920 mais elle est soumise à la concurrence du cinéma américain. Tous les ans sont diffusés plus d’une centaine de films d’aventure et d’action destinés au grand public. Le cinéma parlant n’apparaît qu’en 1927 et il faut attendre le début des années 1930 pour qu’il soit largement diffusé ; le cinéma prépare une tendance à uniformisation des goûts qui permet de dépasser les clivages sociaux ; les employés et les ouvriers commencent à s’y rendre en fin de semaine.       Le sport est de plus en plus pratiqué. Les femmes s’adonnent à l’aviron, au tennis et à la natation mais sont exclues des sports qui passionnent le public comme le foot, le cyclisme et boxe. Les stades sont bondés d’un public de tous âges tandis que, de plus en plus, les enfants jouent au ballon dans les écoles et les collèges. Il existe, bien sûr, des différences entre les classes sociales et certains sports sont considérés comme déclassants. En même temps, le sport apparaît déjà comme un moyen de promotion sociale pour les jeunes de milieux défavorisés.     La presse écrite reste le premier moyen d’information et tire à plus de 10 millions d’exemplaires. La grande presse dite d’information est, de plus en plus, à partir de 1934, engagée contre la gauche. Les hebdomadaires de droite à grand tirage sont marqués par une forte violence de ton allant jusqu’à la provocation et l’appel au meurtre.  B. Rejet du conformisme et pessimisme.Dans les arts plastiques comme dans la littérature, s’expriment la remise en cause du conformisme et l’intérêt pour l’inconscient. Gide, Proust et Victor Margueritte, auteur de La Garçonne, en témoignent tout comme le mouvement Dada, qui se constitue autour de Tristan Tzara, puis le surréalisme mené par André Breton suivi par Dali, Miro et Luis Bunuel.      Le scepticisme et l’inquiétude dominent les années 1930. Les intellectuels découvrent la phénoménologie et l’existentialisme des philosophes étrangers (Husserl, Jaspers). Un grand nombre d’intellectuels s’engagent contre la déshumanisation de la société et le fascisme et créent, en 1934, le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes auquel se joignent la Ligue des droits de l’homme et le Syndicat national des instituteurs. Le Parti communiste en attire un certain nombre comme Nizan, Breton et Eluard (exclus en 1933 pour avoir refusé de mettre leur oeuvre au service exclusif du Parti). Des chrétiens, dont Emmanuel Mounier, se regroupent autour de la revue Esprit qui dénonce le marxisme et le libéralisme. D’autres, comme Thierry Maulnier et R. Brasillach, se rallient à l’extrême droite. Pierre Drieu la Rochelle apprécie dans le fascisme la volonté de créer un « homme nouveau ». Céline, dans  Voyage au bout de la nuit, publié en 1932, dénonce les horreurs de la guerre de 14-18 et les injustices ; par la suite, il développe des propos racistes, xénophobes et antisémites. L’antisémitisme se répand dans les années 1930, période au cours de laquelle le nombre des juifs présents en France augmente avec l’arrivée des immigrés et réfugiés fuyant le nazisme. Ils sont 300 000 en 1939. Si les israélites français sont totalement intégrés, il n’en est pas de même pour les nouveaux venus qui ont tendance à se replier sur leur communauté. Ils  sont vite accusés de ne pas vouloir s’intégrer dans la société française. Les antisémites demandent que les juifs soient déchus de la nationalité française et exclus de la fonction publique.    La dénonciation de l’individualisme est très présent dans les années 1930. Si les communistes mettent en avant la domination de la classe sur l’individu, l’extrême droite, qui condamne la lutte des classes, souhaite la remise sous tutelle de l’individu dans les corporations où seraient représentés patrons et employés appartenant à la même profession. C. Les valeurs de la Révolution nationale : la remise sous tutelle des individus et le rejet des étrangers.Il s’agit de redresser la société française, de mettre fin au « relâchement moral et intellectuel », de reprendre le modèle de la France d’avant la Révolution française, de rejeter l’individualisme, l’égalitarisme et de dénoncer les méfaits du suffrage universel qui affaiblit le pouvoir. Cette société doit reposer sur les « communautés naturelles » créées autour du travail, de la famille et de la commune. Les centrales syndicales sont dissoutes en novembre 1940 et est promulguée une Charte du travail qui doit organiser la collaboration des salariés, des employeurs et de la maîtrise. L’économie est gérée par des comités d’organisation par branche industrielle qui se chargent de répartir les matières premières et de fixer les conditions de travail et de prix. Les professions libérales sont organisées en Ordres : l’Ordre des médecins est ainsi créé en octobre 1940. La Révolution nationale s’en prend au règne de l’argent et défend la petite propriété mais les grandes sociétés continuent de fonctionner.  En décembre 1940, est créée la Corporation paysanne qui doit réunir l’ensemble du monde agricole et qui se prétend indépendante de l’administration alors qu’elle est, en fait, intégrée à l’appareil d’Etat. La démocratie représentative étant considérée comme une notion trop abstraite, c’est la commune ou la paroisse qui est présentée comme le cadre naturel de la vie en société. L’Eglise catholique soutient fortement le Maréchal et les écoles religieuses bénéficient d’aides supplémentaires.  Les jeunes ne sauraient être laissés sans contrôle. Pour les soustraire à la mauvaise influence des instituteurs laïcs, les écoles normales d’instituteurs sont fermées. La gratuité de l’enseignement secondaire est remise en cause et l’enseignement des lettres classiques renforcé. Des bourses sont censées récompenser le mérite. Le ministère de l’Instruction publique procède à l’élimination des juifs et des francs maçons dans le corps enseignant. L’accent est mis sur la formation des jeunes aux fonctions d’autorité ; ils sont encadrés dans différentes organisations dont les Compagnons de France. Pétain s’oppose cependant à la création d’un parti unique de type national socialiste. Cette nouvelle société doit reposer sur la défense des Français « authentiques » ; sont rejetés les juifs, les francs maçons (considérés comme étrangers même lorsqu’ils ont la nationalité française) et les étrangers, les « métèques ». 15 000 naturalisations accordées en 1927 sont remises en cause. Un « statut des juifs » est adopté en octobre 1940, statut qui leur interdit l’exercice de toute fonction politique et l’accès aux hautes fonctions administratives. Les entreprises appartenant aux juifs sont confisquées en juillet 1941 ; la mention « juif » est portée sur leur carte d’identité. Leur accès à l’Université et aux professions libérales est restreint. La loi prononce la dissolution des sociétés secrètes maçonnes et oblige les fonctionnaires à signer une déclaration par laquelle ils affirment ne pas appartenir à la franc-maçonnerie. CHAP IV.  Après l’enrichissement des années 20, la triple crise de la paysannerie.(ROBERT O. PAXTON. Le temps des chemises vertes. Révoltes paysannes et fascisme rural. 1929-1939. Seuil.)  I. La poursuite de l’exode rural et le renforcement de la paysannerie moyenne dans les années 20. Pour la première fois, le nombre d'agriculteurs exploitants diminue alors que se poursuit la baisse du nombre de salariés agricoles (doc 20). Ce sont les plus pauvres qui partent et leurs exploitations sont rachetées par ceux qui ont pu constituer une épargne pendant et après la guerre. Il en résulte une concentration des exploitations (doc 17) et la consolidation d'une paysannerie moyenne, favorisée par la politique gouvernementale. La productivité reste cependant très faible, les exploitations étant encore trop petites (on compte 4 millions d’exploitations en 1929, soit une baisse de 30% par rapport à 1892). L’agriculture française est à la traîne en Europe alors que les rendements céréaliers, dans le Nord, sont importants. Les grands exploitants s’appuient sur l’Etat pour se défendre et emploient souvent une main d’œuvre étrangère.  Après la guerre, des changements importants se produisent : la consommation alimentaire n’est plus la même ; la presse est désormais lue quotidiennement et les échanges de courrier se multiplient. Les contacts avec la ville deviennent de plus en plus fréquents et permettent de faire la comparaison avec la situation des urbains. Si se produit une amélioration de la situation à la campagne, avec l’électrification notamment, les agriculteurs ont cependant le sentiment que leur niveau de vie est inférieur à

27 27celui des urbains (un employé, en 1930, a un salaire 2,5 fois plus élevé que celui d’un salarié agricole) et que la commercialisation des produits agricoles profite surtout aux intermédiaires.  Tout comme à la fin du 19è siècle, s’exprime la crainte d’une perte des valeurs traditionnelles et les paysans se replient sur la famille.  Les chambres d’agriculture, dont le membres sont élus, sont créées en 1924.  Quelques changements se produisent dans le syndicalisme avec le remplacement des notables absentéistes, à la tête des syndicats, par de vrais exploitants agricoles, en général propriétaires de grandes exploitations.  II. La triple crise de la paysannerie dans les années 30. Tout le système de l’exploitation familiale paraît menacé. A. Crise économique :  Les prix des produits agricoles baissent ; il en va de même pour les revenus agricoles (doc 12bis). Cette baisse s’inscrit dans une tendance de long terme qui découle de l’augmentation de la production agricole dans les pays neufs, des changements dans la consommation alimentaire et de la faible croissance démographique en France.  Les paysans endettés ne peuvent plus rembourser les emprunts et se retrouvent en grande difficulté puisque la crise est générale et qu’il n’y a pas d'emplois ailleurs. C’est pour cette raison que l’exode rural reste limité. B. Crise culturelle.La population agricole masculine vieillit et aucun encouragement n’est apporté à l’innovation. Dans certains départements, les immigrés reprennent les exploitations, ainsi dans le Gers pour les Italiens.  Alors que l’exode rural se ralentit, les paysans ont une perception décalée de la réalité ; ils considèrent que l’exode est d’autant plus dramatique que ce sont les jeunes qui partent. Les parents ont le sentiment que la terre n’intéresse plus leurs enfants alors que l’exploitation familiale leur apparaît comme la base même de la vie de la société. Ils ont l’impression que les autorités ne prennent pas les mesures qui s’imposent parce qu’elles sont favorables au monde urbain qui ne peut que tirer profit de la baisse des prix des produits alimentaires. La responsabilité de l’exode est rejetée sur les instituteurs qui incitent les enfants à quitter les métiers de l’agriculture, sur les fonctionnaires qui veillent au paiement des cotisations sociales et des impôts et qui vérifient leurs comptes, sur les syndicats de salariés agricoles réunis dans la Fédération de la terre, rattachée à la CGT.  C. Crise de la représentation des intérêts des paysans.Les syndicats d’agriculteurs ne paraissent pas, aux yeux des paysans, défendre leurs intérêts. Il existe 2 syndicats importants avec, plutôt à gauche, la Société d’encouragement de l’agriculture et, à droite, l’Union centrale des syndicats agricoles. C’est ce dernier qui se montre le plus critique à l’égard du gouvernement, dans les années 30. Il s’affirme favorable à la mise en place d’une corporation regroupant l’ensemble des personnes engagées dans l’agriculture. En 1934, l’UCSA se transforme en Union nationale des syndicats agricoles qui sera le pilier de la Corporation paysanne sous le régime de Vichy et, ensuite, de la FNSEA

28 28(Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), toujours majoritaire aujourd’hui parmi les agriculteurs. III. La contestation paysanne. A. A gauche.  Renaud Jean obtient de la direction du PC, en 1929, la création de la Confédération Générale des paysans travailleurs. L’objectif est de regrouper les paysans moyens et pauvres, propriétaires ou fermiers et métayers. Cette organisation s’oppose à l'expulsion, par les propriétaires, des fermiers qui n’ont pas payé leur loyer. Elle est implantée dans le Sud-Ouest et le Centre et est « l’ancêtre » du MODEF, Mouvement pour la défense des exploitations familiales, très minoritaire aujourd’hui. La CGT organise les salariés agricoles des grosses exploitations du Bassin parisien et du Nord et des propriétés viticoles du Sud dans la Fédération de la terre. Celle-ci bénéficie de l’ntervention de militants de la CGT.  Ce syndicat refuse les baisses de salaires et lance, en juin 1936, des grèves importantes avec occupations des exploitations. Le mouvement touche des dizaines de milliers de salariés agricoles. Des affrontements se produisent avec des dorgéristes (voir plus loin) qui défendent les intérêts des gros exploitants. Le gouvernement de Front populaire n’est pas disposé à accepter que ces mouvements perturbent l'approvisionnement des villes et, le 7 juillet 36, il annonce qu'il considère ces occupations comme illégales. Il fait alors intervenir la police pour assurer la "liberté du travail". L'année suivante, en 1937, de nombreux militants syndicaux sont licenciés, remplacés par des chômeurs et des étrangers, notamment Belges et des affrontements se produisent avec la Fédération de la terre.  B.  A  droite.  En 1927, nait le Parti agraire et paysan français (PAPF) qui s’inscrit en rupture avec les mouvements traditionnels, tout en s’affirmant républicain. Il présente des candidats aux élections de 1928 pour défendre « la civilisation paysanne » et représenter la classe paysanne face à la classe ouvrière ; il obtient peu de succès. Cette organisation veut être indépendante des autres partis et met l’accent sur l’action, éventuellement violente. En témoigne l’appel à une manifestation à Paris en 1930, manifestation interdite qui se transforme en meeting. L’agitation reprend après le succès de la gauche aux élections de 1932 et le mouvement se radicalise : en 1933, la préfecture de Chartres est occupée et cette action deviendra une référence d’où la tentative de mener ce type d’opération contre la Chambre des députés à Paris ; elle se termine sur un échec. A ce moment-là, le mouvement aurait compté 300 000 à 400 000 adhérents selon ses représentants (plus près de 50 000, en réalité). Une grande place est faite aux meetings publics, aux manifestations, jusque là considérés comme modes d’expression propres à la classe ouvrière.  Le recours à la violence est présenté comme une caractéristique de la lutte paysanne, mais il est en contradiction avec le caractère républicain de la PAPF qui se désolidarise de la manifestation de 6 février 1934. Ce parti subit la concurrence de Dorgères qui domine le Front paysan. Dorgères commence son action en 1930 en poussant les agriculteurs à refuser de payer les cotisations sociales et les impôts. La crise agricole le pousse à élargir les revendications. Il met en place une organisation paysanne, les Comités de défense paysanne, qui s'implantent dans le Nord et l’Ouest puis il crée, avec d'autres organisations, un Front paysan censé défendre les intérêts des paysans, comme le Front populaire défend ceux des salariés mais en opposition à ce dernier. En 1935, apparaît le mouvement des Chemises vertes, organisation de jeunes chargée d’assurer le service d'ordre. En 1936, Dorgères cherche à rallier les salariés agricoles à sa cause. L’idée est toujours la même : il faut constituer une classe payanne regroupant l’ensemble des travailleurs de l’agriculture. Il incite les exploitants agricoles à refuser de payer les cotisations et les impôts. Le mouvement occupe les exploitations menacées d’expulsion pour impôts non payés. Il intervient sur les marchés pour redonner leur dignité aux paysans et dénoncer l'exploitation dont ils seraient victimes de la part de l'Etat. Des actions sont menées contre la CGT et, d'une manière générale, contre la gauche et la classe ouvrière.  Dorgères veut créer un Etat paysan, qui refuserait la concurrence extérieure, et cherche à organiser la profession dans le cadre de la Corporation paysanne. Ainsi la paysannerie pourra combattre à la fois le capitalisme et le communisme. A l'automne 1936, une tentative est faite pour bloquer l'approvisionnement de Paris avec l’appui des principales organisations d’ agriculteurs.  Les Comités de défense ne sont pas dissous par le Front populaire. Après 1937 et surtout 1938, le dorgérisme décline : les prix agricoles remontent et le danger présenté par la classe ouvrière semble écarté.  Les idées défendues par Dorgères auront une forte influence sur le régime de Vichy qui donne au monde rural une place tout à fait particulière. L’entrée des paysans dans la résistance intervient en 1943 quand sont réquisitionnés les travailleurs français pour le STO ; à partir de ce moment-là, ils peuvent se rendre utiles en hébergeant ceux qui refusent de partir en Allemagne, en assurant le ravitaillement et l’information des maquis et en cachant ceux qui sont recherchés et persécutés. D’une façon générale, cependant, ils sont largement sous-représentés dans la résistance (PROST. A (dir). La résistance, une histoire sociale. Ed de l’Atelier. 1997)

Chap V. Echecs du mouvement ouvrier dans les années 20 puis affirmation des conquêtes de la classes ouvrière.(G NOIRIEL. Les ouvriers dans la société française. 19è-20è siècles. Seuil Points Histoire). Alors que les luttes ouvrières sont importantes au lendemain de la guerre, les divisions au sein du mouvement ouvrier ne permettent pas une amélioration du sort des ouvriers. Les grèves commencent à prendre de l’importance en 1934 et le rassemblement des organisations de gauche conduit à la formation du gouvernement de Front populaire en juin 1936. Avant même que ce dernier ait reçu la confiance de la Chambre des députés, les grévistes occupent des usines, des bureaux, des magasins.  I.L’augmentation du nombre des ouvriers dans années 20 et leurs caractéristiques. A. Augmentation du nombre des ouvriers dans les années 1920 et leurs caractéristiques. Cette augmentation (Doc 20) est le résultat de l’exode rural, de l’arrivée d’étrangers (main d’œuvre peu qualifiée), de la prolétarisation de petits artisans et de la reproduction sociale. Les salariés travaillant dans les grands établissements sont désormais plus nombreux, notamment dans les nouvelles branches. Autour des grandes usines se développent des quartiers ouvriers et de nouvelles banlieues : Berliet à Vénissieux, Renault à Billancourt, Citroên à Javel, Peugeot à Sochaux, Michelin autour de Clermont-Ferrand. La grande entreprise est souvent entourée par un réseau de petits établissements. Dans le Pas de Calais et en Lorraine, il est fait appel aux Polonais et aux Italiens. D’une manière générale, la main d’œuvre est moins enracinée qu’avant : 55% des habitants de Bobigny en 1930 sont nés en province. A Vénissieux, alors qu’en 1896, 70% des habitants étaient nés dans l’agglomération lyonnaise, ils ne sont plus que 20%, 35 ans plus tard..

B. Le monde ouvrier est hétérogène.

Dans les grandes entreprises comme celles de l’automobile, le nombre des travailleurs professionnels (les OP) diminue avec la progression de la division du travail alors qu’augmentent les effectifs de ceux que l’on qualifie de « numéraires »  (ils deviendront OS dans la nomenclature de l’INSEE de 1954) ; leur travail est répétitif et parcellisé. Le déclin des OP doit cependant être relativisé car de nouveaux métiers, comme l’entretien des machines, se développent, qui mobilisent l’intelligence et le savoir-faire. La part des employés s’accroit elle aussi. (Les ouvriers et les employés sont considérés comme des salariés). Les salariés de l’encadrement qui sont payés au mois sont de plus en plus nombreux. Ainsi, la part de l’encadrement chez Renault passe de 6,5% des salariés en 1914 à 11,7% à la fin des années 20. Autour de ces grandes entreprises, les entreprises de sous-traitance de petite dimension emploient surtout des ouvriers qualifiés. Dans l’industrie lourde (ex les Houillères du Nord), un noyau d’ouvriers français très qualifiés est retenu dans s  l’entreprise par l’intermédiaire du patronage (jardins ouvriers, possibilité de promotion, salaires permettant d’acheter en fin de vie un petit commerce ou un petit atelier). Ils coexistent avec des ruraux peu qualifiés et des étrangers qui sont mis à l’écart et vivent souvent dans des baraquements. C. Les modes de vie et les conditions de travail. Les ouvriers profitent peu de la forte croissance des années 20 puisque les salaires réels n’augmentent pratiquement pas ; dans les ménages ouvriers, la femme est souvent obligée de travailler. Le travail reste toujours aussi précaire, sauf pour les plus qualifiés.  Cependant, selon Halbwachs, pendant la période de prospérité, le mode de vie ouvrier se modifie quelque peu : la part de l’alimentation baisse alors qu’augmentent celles des vêtements, de la santé, des loisirs et de la culture. Les dépenses de transport sont multipliées par deux. Les ouvriers accèdent au cinéma dans les grandes villes. Le café, la pêche et le bricolage gardent une place importante dans les loisirs.  Le logement pose problème après les destructions de la guerre et le blocage des loyers. Les ouvriers sont nombreux dans les baraquements et les garnis. Des lotissements se développent dans les banlieues : les terrains sont achetés et les maisons souvent auto-construites ; la diminution du temps de travail joue ici son rôle. Il faut souvent attendre 20 ans pour que des infrastructures soient installées. Les conditions d’hygiène sont mauvaises et la mortalité infantile forte.  II. Eclatement du mouvement ouvrier après une courte période d’importantes  revendications. Après la guerre, les revendications portent sur la hausse des salaires, des retraites et sont portées par le mouvement syndical : la CGT compte 2,4 millions d’adhérents en 1919 (800 000 en 1914).  Des mouvements de grève se développent, en janvier 1919 dans les transports publics dont les chemins de fer, et, en avril, dans la fonction publique. La loi limitant la journée de travail est votée, contre l’avis du patronat, le 25 avril 1919, pour désamorcer les mouvements sociaux. Pour accélérer la mise en œuvre de cette loi, la CGT appelle à une manifestation en mai 1919 ; bien qu’interdite, elle rencontre un grand succès puisqu’on compte 500 000 manifestants. Cependant, la CGT est divisée : une minorité considère que la condition ouvrière ne peut changer qu’avec la révolution sociale et que des réformes, comme celle des 8 heures, sont bien insuffisantes. Cette minorité appelle, sans le soutien de l’ensemble de la CGT, à une grève dans les chemins de fer, en février 20, grève qui est brisée par le gouvernement. En mai 1920, nouvelle grève, cette fois-ci à l’appel de la direction de la CGT qui pousse à l’extension du mouvement. Le personnel est réquisitionné et de nombreux affrontements se produisent avec la police. 15 000 cheminots sont révoqués (ils ne seront réintégrés qu’en 1924) et des poursuites sont engagées contre la CGT qui appelle à reprise du travail. Le mouvement a échoué et la CGT perd de nombreux adhérents : ils ne sont plus que 600 000 en 1921 ; des poursuites judiciaires sont engagées en vue de la dissolution de la CGT, elles seront finalement suspendues par le gouvernement. La SFIO éclate en décembre 1920 et donne naissance au PC-SFIC alors que le PS-SFIO se maintient. L’année suivante, c’est le tour de la CGT : coexistent la CGT et la CGTU (Confédération du Travail Unitaire). Dans la CGT, les ouvriers à statut et les fonctionnaires, postiers et instituteurs, sont nombreux. La CGTU recrute surtout parmi les ouvriers et fait l’objet d’une forte répression. Trois syndicats existent désormais, CGT, CGTU et CFTC. Cette dernière résulte de la fusion, en 1919, des syndicats chrétiens d’Alsace Lorraine avec le Syndicat des employés de l’industrie et du commerce, créé à la fin du 19è. Elle se réclame de l’encyclique Rerum novarum qui rejette la lutte de classes. Elle compte 150 000 adhérents.  Les grands mouvements revendicatifs ayant échoué, beaucoup d’ouvriers vont chercher des solutions individuelles pour faire face à leurs difficultés. A la fin des années 1920, 1 salarié sur 6 est syndiqué. Les jeunes sont particulièrement peu nombreux dans les syndicats. III.Les ouvriers dans la crise puis pendant les occupations d’usines en 36. A. Les ouvriers dans la crise.Le nombre d’ouvriers diminue pendant les années 1930 (doc 20). Le chômage et le sous emploi prennent des proportions importantes. Selon G. Noiriel, Il faut distinguer 2 phases dans cette baisse : dans un premier temps, jusqu’en 33, la crise frappe surtout les ouvriers les plus fragiles, femmes et étrangers, alors que les ouvriers les plus qualifiés tendent au contraire à s’enraciner là où ils se trouvent pour ne pas perdre leur emploi et pouvoir bénéficier des allocations de chômage. Le nombre d’étrangers diminue lui aussi et beaucoup  d’entre eux reviennent dans le pays d’origine. Dans un deuxième temps, l’ensemble des salariés est fragilisé.  Même si le pouvoir d’achat du salaire horaire dans industrie est maintenu, le revenu réel des ouvriers baisseentre 1929 et 1935 à cause de la diminution du nombre d’heures travaillées. Les salariés de l’Etat sont touchés par la baisse du pouvoir d’achat ; or, ils sont nombreux au sein de la CGT qu’ils vont renforcer et dont ils vont devenir une composante essentielle. Jusqu’en 1933, le mouvement ouvrier connait une situation difficile. D’une part, la CGT a éclaté ; d’autre part, le monde ouvrier est divisé entre Français et étrangers, ouvriers qualifiés et non qualifiés, travailleurs du secteur public et ceux du privé.  L’action militante se maintient dans les petits établissements dont la main d’œuvre est très qualifiée et dans les services publics (chemins de fer et postes). Les ouvriers les moins qualifiés se reconnaissent dans les mots d’ordre du PC et de la CGTU qui s’implantent dans les grandes entreprises métallurgiques et les lotissements de la ceinture rouge.  B. La réunification syndicale et les occupations d’usines. Jusqu’en 1934, la CGTU subit le contrecoup des difficultés du PC, qui refuse de s’allier à la SFIO, et des effets de la crise. Il ne peut plus compter sur l’appui des travailleurs étrangers et les ouvriers qualifiés craignent de s’exprimer à cause du chômage. Pendant ce temps, la CGT, qui recrute dans fonction publique plus abritée, connaît quelques succès. La situation change à partir de 1934. Dès la fin janvier, la direction de la CGT adopte à l’unanimité la résolution suivante : « Les libertés publiques seront défendues et, s’il le faut, par la grève générale . » Dès le lendemain de la manifestation du 6 février 1934, la direction de la CGT appelle à une grève générale pour le 1é février en prenant des risques car si cette grève ne reçoit pas d’écho, grave échec de la CGT. Pour s’assurer d’un soutien important de la population, la CGT associe les partis politiques (sauf le PC) et différentes associations. La SFIO appelle à une manifestation le même jour.      En province, des manifestations improvisées commencent dès le 8 février et reprennent le 11.  Une forte volonté d’unité d’action se manifeste et, bien que la direction du PC n’ait pas appelé à manifester, de nombreux communistes participent à ces manifestations au côté de la SFIO et des syndicalistes de la CGT et de la CGTU.  La grève générale du 12 février est un succès (1 million de grévistes dans la région parisienne) et les manifestations très nombreuses. C’est dans les villes où les syndicats sont puissants que les manifs sont les plus importantes et le syndicalisme apparaît comme le noyau de la défense républicaine. Dès le 12/2, la direction de la CGT et celle de la CGTU se rapprochent et appellent les classes moyennes à les soutenir. Toutefois, le registre d’action de la CGT n’est pas le même que celui de la CGTU. La 1ère ne se situe pas sur le plan de la lutte des classes mais sur celui de la défense de la république alors que la CGTU fait sans cesse référence à l’action des ouvriers. On peut dire que le Front populaire nait le 12 février dans les masses. Entre 1934 et 1936, se déroulent de très nombreux cortèges et meetings et la mobilisation se fait dans la rue. Les manifestations deviennent la forme privilégiée de la protestation si bien que les autorités prennent, en octobre 1935, un décret qui  rend obligatoire une déclaration préalable. Ces manifestations sont le lieu d’émergence d’une culture du Front populaire qui réconcilie héritage républicain et lutte des classes, culture démocratique et populaire. Les manifestations mettent en scène un peuple immense dont font partie intégrante les masses ouvrières  Le PC recrute de plus en plus parmi les travailleurs qualifiés tandis que la CGT continue de s’implanter dans la fonction publique. En mars 36, intervient la fusion entre la CGT et la CGTU. Après la proclamation des résultats des élections d’avril et mai 36 mais avant même la présentation du gouvernement de Front populaire mené par L. Blum, commencent les grèves avec occupation. La première se produit dès le 11 mai chez Bréguet (aéronautique), au Havre, pour protester contre le licenciement de 2 ouvriers qui avaient refusé de travailler le 1er mai. L’occupation semble spontanée et le mouvement est victorieux après une nuit d’occupation. La presse ouvrière est très discrète jusqu’au 24 mai, date de la manifestation au mur des Fédérés qui rassemble 600 000 personnes. Les mouvements se multiplient après cette date dans l’aéronautique et l’automobile de la banlieue parisienne. A partir de début juin, les grèves s’étendent en province.  A partir de là, les grèves avec occupation se multiplient. Les accords Matignon ne les arrêtent pas. Alors que, de janvier à mai 36, 40 à 60 mouvements de grève sont recensées qui touchent 9 000 à 13 000 grévistes, pour le seul mois de juin 1936, sont comptabilisés 12 142 mouvements, dont 8 941 avec occupation, et près de 2 millions de grévistes. Ces grèves ne concernent pas seulement l’industrie ; elles touchent aussi les services et même l’agriculture. Les services publics de l’Etat et des collectivités, les chemins de fer et les postes, fortement contrôlés par la CGT, ne sont pas touchés par le mouvement. Au cours de ces grèves continue de se développer la sous-culture ouvrièrequi marquera fortement les enfants et les jeunes socialisés à ce moment. Ils constitueront, pour reprendre les termes de G. Noiriel, la « génération singulière » (doc 24). Les patrons, dans ce contexte, ne veulent pas négocier et exigent évacuation des locaux avant toute discussion. La CGT et le PC semblent suivre le mouvement pour essayer d’en prendre la direction sans l’avoir initié. Au fur et à mesure qu’il s’étend, ces deux organisations, inquiètes de son impact négatif sur les classes moyennes et sur le Parti radical, conseillent aux syndicats des  services publics de ne pas se mettre en grève. Dès le 12 juin, le secrétaire général du PC appelle à la reprise du travail. Elles se poursuivent car les négociations locales mettent du temps à aboutir. La métallurgie parisienne reprend le 15 juin et le calme semble revenir ? Une troisième vague de grèves commence fin juin-début juillet. Pour A. Prost, aucune force politique ou syndicale nationale n’a voulu ces grèves. (p. 77). Elles sont venues de la base et ont repondu à des initiatives de militants notamment unitaires qui préparaient le mouvement depuis longtemps. Pour Noiriel, la première phase de la grève est le fait d’ouvriers très qualifiés. Ceux-ci ont, dans les années 20, cherché à conserver leur indépendance grâce à une forte mobilité mais sont désormais contraints à l’immobilité par la crise. Ils expriment leur mécontentement au nom de la « dignité ouvrière » et auraient joué un rôle déclencheur dans le mouvement. A partir du mois de juin, le mouvement est massif et concerne davantage des ouvriers peu qualifiés, sans tradition de lutte, sans expérience. Ce serait la raison pour laquelle les conflits deviennent plus violents et que les grévistes acceptent mal les conseils de modération qui leur sont donnés par les dirigeants. A. Prost insiste sur le rejet des méthodes de travail tayloriennes, de l’intensification des cadences de travail et de la discipline  et du refus des salaires au rendement qui se répandent dans la métallurgie Ces grèves apparaissent comme le fruit de la forte mobilisation en faveur du Front populaire qui a commencé dès 1934. Les occupations ne font pas l’objet de beaucoup de discussions mais s’imposent d’elles mêmes. Elles visent à montrer aux patrons la force des grévistes et apparaissent comme un moyen d’affirmer une force collective mais elles n’ont pas comme objectif de faire disparaître le patronat. A. Prost observe que moins il y a de syndiqués dans une usine et plus il y a de grévistes et inversement.  Même quand il ne déclenche pas le mouvement, le PC joue un rôle important dans l’organisation des grèves et des occupations an animant les comités de grèves et les commissions et en élaborant des symboles identitaires. Dans les quartiers, ses militants organisent des meetings , des fêtes et des défilés. S’élabore ainsi, véhiculée aussi par la presse et le cinéma, une représentation collective de la classe ouvrière qui cherche à se doter de traditions. (doc 19).  A. Prost souligne le caractère festif de ces grèves avec occupation qui coupent d’avec le quotidien. Il ne faut cependant pas négliger qu’elles s’accompagnent également de tensions puisque l’usine occupée se vit comme une forteresse assiégée. La fête qui accompagne les occupations témoigne de la liberté et de la dignité ouvrières. Les grèves de mai-juin 1936  affirment la force d’un groupe solidaire qui veut faire reconnaître son existence par le patronat et par le personnel d’encadrement. Les salariés veulent que le patron ne se sente plus chez lui dans son entreprise et le paternalisme est ainsi contesté. La CGT compte 5 millions d’adhérents en juillet 1936. La composition sociale se modifie avec une place croissante faite aux employés et aux techniciens. C. Les mesures prises en faveur des salariés par le Front populaire.

Revoir le chap 2.. IV. Le déclin du mouvement ouvrier avec la fin du Front populaire en avril 38. La situation  sociale en 1937 et 1938 est marquée par la poursuite de l’agitation  dans les usines. Alors qu’en mai et juin  1936, l’opinion publique était plutôt favorable au mouvement, l’hostilité grandit à l’égard du PC accusé de fomenter ce mécontentement permanent. La direction de la CGT a appelé, dans un premier temps, à la modération mais cette position est remise en cause par la « pause » de janvier 1937, par les hausses de prix et par l’attitude intransigeante du patronat et de la maîtrise. Ce sont les délégués d’atelier qui se montrent les plus revendicatifs et qui lancent des mouvements de grève sans avoir forcément l’appui des dirigeants syndicaux locaux. Pour le 1er mai 1937, Léon Blum fit savoir que les administrations et les services soumis à l’Etat fonctionneront comme un dimanche. Le 1er mai prend le caractère d’une fête à caractère légale mais de manière partielle. C’est le régime de Vichy qui décrète le 1er mai Fête du travail et de la concorde sociale. Le 1er mai devient définitivement jour chômé en 1948. L’union de toutes les forces politiques voulue par Léon Blum est impossible et le gouvernement est confié à Daladier qui ne parvient pas à mettre fin aux grèves. La droite attend de Daladier qu’il commencer par le rétablir l’ordre dans les entreprises alors que celui-ci, dans un premier temps, ne veut pas d’affrontements avec les syndicats qui pourraient gêner la production d’armements. Après s’être heurté au refus de la CGT de la métallurgie d’augmenter les heures supplémentaires dans les industries d’armement, le gouvernement décide d’autoriser les heures supplémentaires dans la défense nationale. Cette décision est vécue comme une provocation par les ouvriers qui invoquent la solidarité à l’égard de ceux qui n’ont pas de travail. Paul Reynaud décide  le 12 novembre 1938 d’établir la semaine de 6 jours  et de rétribuer très peu les heures supplémentaires. Des mesures concrètes d’application sont  prises dans les entreprises le 21 novembre avec, dans différents lieux, des modalités qui visent à  réaffirmer l’autorité patronale : ainsi chez Hutchinson (Puteaux), la semaine de 44 heures est instaurée : 7 heures tous les jours sauf le samedi, 9 heures le samedi. Plusieurs usines se mettent en grève mais le gouvernement cherche l’épreuve de force et les fait évacuer tandis que le patronat  procède à des licenciements massifs. La CGT appelle à une grève générale  pour le 30 novembre sans savoir que Reynaud était prêt à briser la CGT. Le gouvernement réquisitionne tous les employés des services publics et annonce que la grève constituerait une faute grave et « exposerait ceux qui la feraient à la révocation » ; la radio ne cesse de diffuser des mises en garde ; les directions du personnel font pression sur les salariés. Enfin, la troupe se met en place pour protéger les édifices publics. Des directives patronales suggèrent aux patrons de licencier soit les meneurs soit tous les grévistes  L’influence du PC décline dès la fin de 1937 et c’est dans ce contexte que Daladier annonce sa volonté de remettre en cause les 40 heures. Les divisions s’accentuent au sein de la CGT, entre ex-confédérés et ex-unitaires, ces derniers n’appréciant pas l’entrée des employés et des techniciens dans la CGT.     Daladier ne s’en prend pas à loi des 40 heures en tant que telle mais il multiple les dérogations pour diminuer le coût des heures supplémentaires. La CGT arrête pour fin novembre 1938 le principe d’une grève générale de 24 heures.  Le gouvernement la déclare illégale, fait réquisitionner les agents des services publics et fait occuper les dépôts par la troupe. Ces mesures se révèlent efficaces puisque bon nombre de grévistes se remettent au travail. La grève n’est finalement pas suivie. 800 000 salariés du privé sont mis à pied et, fin 38, 10 000 d’entre eux n’ont toujours pas été réintégrés. La CGT qui compte encore 2,5 millions d’adhérents au printemps 39, n’en a plus que 1 million en mai 40. Quant au PC, il est dissous fin septembre 39.

Chap VI.

La grande peur des classes dirigeantes et la mobilisation des classes moyennes dans les années 30.    Par classes dirigeantes, il faut entendre le patronat, tel qu’il s’est constitué dans les années 20, les ingénieurs et les membres des professions libérales qui sont nombreux parmi les députés et dont le mode de vie se rapproche de celui des ingénieurs.      Cette vision est cependant contestée, dans les années 1930, par les organisateurs des classes moyennes qui voudraient entraîner dans leur mouvement les ingénieurs, les avocats et les médecins. I. Les classes dirigeantes.

A. Le patronat. Le patronat se diversifie après la guerre. Certains  patrons étaient déjà prospères avant et voient leur position consolidée, comme Renault et Citroën.  De nouvelles fortunes se constituent comme celle de Boussac qui achète aux gouvernements français et anglais des stocks de toile destinée à la fabrication d’ailes d’avion qu’il écoule, après transformation, en chemises et tabliers dans ses magasins. D’autres patrons ont joué un rôle important pendant la guerre en travaillant avec le gouvernement, en assurant, par exemple les approvisionnements militaires ; ils continuent, après la guerre, à rester proches des pouvoirs publics et souhaiteraient que l’Etat intervienne pour moderniser l’appareil productif. Ce vœu s’inscrit dans le cadre d’une réflexion sur la réforme de l’Etat qui est réclamée par une nouvelle génération se recrutant dans les milieux d’affaires, l’administration ou la presse.  Dans le domaine politique, ces idées vont dans le sens d’un renforcement du pouvoir exécutif au détriment du Parlement ; dans le domaine économique, dans le sens d’une économie organisée dans laquelle l’Etat aurait à sa charge l’orientation du crédit, Parmi ces patrons, les salariés, ingénieurs ou managers, ont une place de plus en plus importante même si les dynasties familiales restent encore déterminantes.     En 1920, est créée, avec l’appui du gouvernement, la Confédération générale de la production française, première organisation patronale au niveau national. Dans les années 1930, le patronat est frappé par la crise économique, par les craintes que suscite la montée de la gauche et plus particulièrement du PC, par les occupations d’usines qui remettent en cause la propriété privée, puis par les mesures prises par le Front populaire qui se traduisent par une hausse des coûts salariaux. Les patrons n’acceptent de signer l’accord Matignon que sous la contrainte. La Confédération générale de la production française, qui signe les accords au nom de l’ensemble du patronat, change symboliquement de nom après pour devenir la Confédération générale du patronat français. Elle ne cesser de remettre en cause les acquis du Front populaire et obtient enfin satisfaction avec Daladier.

Les patrons cherchent, par ailleurs, à intimider les syndicalistes dans leur entreprise et certains participent au financement du Parti populaire français de Doriot. B. Les professions libérales. Elles se caractérisent, dans leur ensemble, par leur volonté de conserver un statut social élevé qui correspond, selon eux, à leurs diplômes. Or, ce statut et les revenus qui l’accompagnent leur semblent menacés par l’ouverture de l’école secondaire et par l’activité des étrangers naturalisés. Des mesures sont prises à l’encontre des diplômés de droit et de médecine, naturalisés français (voir chapitre 2). Les revenus des professions libérales continuent, de fait, d’augmenter pendant la période de crise (doc. 12 bis). Si les membres des professions libérales sont nombreux à la Chambre des députés, le recrutement de ces derniers se démocratise avec l’augmentation du nombre de députés communistes dont l’origine sociale est diverse. Le personnel ministériel rajeunit sous le Front populaire avec les ministres socialistes alors que le rôle des experts grandit auprès du président du Conseil. Enfin, trois femmes entrent au gouvernement sous le Front populaire. C. La formation du groupe des cadres autour des ingénieurs. Les ingénieurs commencent à s’organiser dans les années 1920 en vue de constituer une troisième force entre patronat et ouvriers. En 1928, est créée la FASSFI (Fédération des associations, sociétés et syndicats français d’ingénieurs) qui réunit environ les 9/10 des ingénieurs de l’époque.  La crise provoque une détérioration du statut des ingénieurs dans la mesure où le nombre de postes offerts diminue alors que les écoles d‘ingénieurs se sont multipliées dans les années 1920. Ceci se traduit, pour certains d’entre eux, par du chômage et, globalement, par une dévalorisation des diplômes. En 1935, est créée une commission spéciale, composée d’ingénieurs, qui va exercer un contrôle sur toutes les demandes d’admission et de renouvellement des contrats d’ingénieurs étrangers et qui exige que des quotas stricts soient imposés aux étrangers. Avec les occupations d’usines se développe la thématique des « ingénieurs mal aimés », abandonnés à la fois par le patronat et par les ouvriers. Le patronat signe, en effet, des accords avec les ouvriers sans les consulter alors que l’accès aux usines leur est souvent interdit par les piquets de grève. Des organisations syndicales d’ingénieurs se constituent alors pour contrebalancer l’adhésion à la CGT des techniciens et des employés en juin 36. Ces organisations condamnent les occupations, jugées contraires à la défense de la propriété privée, mais ne se heurtent pas de front à la CGT car elles reconnaissent la légitimité de certaines revendications ouvrières. Ce qu’ils veulent obtenir c’est une représentation des ingénieurs au niveau national. Certains de ces syndicats sont encouragés par le patronat qui s’inquiète, lui aussi, de l’adhésion d’employés et de techniciens à la CGT. Autour des ingénieurs se crée une catégorie nouvelle, celle des cadres. En 1937, les différents syndicats d’ingénieurs se regroupent dans la Fédération nationale des syndicats d’ingénieurs et le problème qui se pose alors est de savoir quelles sont les forces sociales, autres que les ingénieurs, susceptibles de s’aligner sur ses positions. Peu de temps après se constitue une Confédération générale des cadres de l’économie, la CGCE, qui se propose de rassembler les associations d’agents de maîtrise et d’ingénieurs. Le terme de cadre apparaît alors pour désigner les différentes professions qui sont prêtes à s’aligner sur les positions des ingénieurs et à s’opposer aux syndicats à majorité ouvrière. C’est plus tard, en 1944, que se constituera la CGC alors que la CGT a prévu d’organiser les cadres en son sein. D. La position «économique et sociale des classes dirigeantes.

Elles sont d’abord touchées par l’inflation des années 1920 puis par la crise. Entre 1929 et 1935, le pouvoir d’achat des revenus mobiliers baisse peu et celui des loyers monte (doc 12 bis). Il est vrai, cependant, la part des revenus du capital diminue tout comme la part des revenus des ménages les plus riches dans le revenu national. (doc 36) Leur position sociale est décrite par Goblot dans « La barrière et le niveau » (1925). L’objectif de l‘auteur est de montrer ce qui sépare les membres des classes dirigeantes des autres. Il évoque le baccalauréat, le vêtement et le type de métier exercé comme modes de différenciation. (Doc 26) II.Les classes moyennes, un formidable enjeu politique dans les années 30. A. Le mécontentement des classes moyennes.Par classes moyennes, il faut surtout entendre les non salariés qui sont eux aussi frappés par la crise (doc 12 bis). Les agriculteurs ont déjà été étudiés et, ici, il sera surtout question des  petits artisans et petits commerçants. Ces derniers s’estiment victimes de la concurrence et de la politique gouvernementale. Les différentes lois d’assurances sociales les contraignent à verser des cotisations sociales pour leurs salariés. Comme les paysans, ils ont le sentiment d’être mal représentés dans la vie politique. Différents partis s’efforcent, en effet, de capter leurs voix : Parti radical qui se présente toujours comme leur défenseur, PC, PS et partis de droite. Ils vont cependant chercher à s’organiser de manière autonome en essayant de rallier à leur cause les ingénieurs. B. Le mouvement des classes moyennes.En 1937 et 1938, apparaissent diverses organisations qui veulent regrouper les comités, associations ou syndicats qui existent déjà. La plus importante d’entre elles est la Confédération générale des syndicats des classes moyennes qui veut rassembler le petit et moyen commerce, la petite et moyenne industrie, l’artisanat mais aussi les ingénieurs et les membres des professions libérales. Qu’ont en commun ces différents groupes sociaux ? Il existerait entre eux un lien naturel entre possédants. Cette idée est reprise d’un courant de pensée inspiré du catholicisme social. Les possédants constitueraient une véritable classe située entre le grand capital et la classe ouvrière. Certes, le grand capital détient lui aussi une propriété. La différence vient de ce que les petits possédants utilisent leurs moyens de production non pas pour employer des salariés mais pour travailler eux-mêmes et ces moyens de production leur appartiennent personnellement. Leur capital est attaché à leur personne ; il leur a été transmis par la génération précédente. Au contraire, les moyens de production du grand capital ne sont pas liés à leur personne ; ils ont un caractère anonyme et cela a pour conséquence l’absence de relations personnelles entre l’entrepreneur et ses salariés. Cette notion de personne, de propriété personnelle est fondamentale. Elle s’oppose à l’anonymat, à l’individualisme du grand patron mais aussi à l’idée de groupe collectif, de classe, qui caractérise la classe ouvrière. L’ouvrier n’aurait pas de racines ; il serait plongé dans la collectivité. L’objectif de ce mouvement est de développer une troisième voie entre capitalisme et communisme et les classes moyennes veulent apparaître comme classe  intermédiaire entre le grand patronat et la classe ouvrière. Pour que cette classe soit reconnue, il faut montrer qu’elle est aussi ou plus importante que la classe ouvrière et il faut donc l’élargir en direction d’autres catégories sociales. D’une part, il est impossible d’y inclure les fonctionnaires qui manquent, pour les non salariés, d’esprit d’initiative et du sens des responsabilités et qui, de plus, apportent leur  soutien à la classe ouvrière, votent pour le Front populaire et manifestent leurs convictions laïques tout en adhérant, pour certains d’entre eux, à la CGT. D’autre part, en ce qui concerne les ingénieurs et les membres des professions libérales, on ne peut pas dire qu’ils soient propriétaires des moyens de production mais ils ont une compétence personnelle qui équivaut, en quelque sorte, à un capital personnel. Ils ont aussi une responsabilité personnelle dans l’entreprise et, à ce titre, méritent de figurer dans le mouvement des classes moyennes. Les classes moyennes demandent à être reconnues comme telles et à obtenir des mesures favorables en faisant pression sur les parlementaires. Il s’agit de réformer le crédit, le système fiscal  et de lutter contre l’installation d’étrangers dans l’industrie et le commerce.

Chapitre VII.  Les changements dans les institutions chargées de la socialisation et de la cohésion sociale.

    Il sera d’abord question de la famille alors que le pays est confronté à un déficit dans les naissances. Les débats sur l’école changent de nature. La mise en place de l’Etat providence se poursuit. I. Le statut des femmes et l’évolution de la famille : le modèle de la famille traditionnelle. Le déclin démographique. Après la guerre, les femmes sont incitées à reprendre leur place dans le foyer. La France a, en effet, dans la période de l’entre-deux-guerres, un taux de fécondité et un excédent naturel très faibles.  Pendant la guerre, certaines entreprises privées ont pris l’initiative d’accorder des primes aux salariés chargés de famille pour mettre un terme au mécontentement des ouvriers face à dégradation de leur pouvoir d’achat. Les syndicats ne sont pas favorables à ces mesures car, pour eux, elles sont un moyen de maintenir les salaires à un niveau faible et de surveiller les salariés. L’allocation n’est, en effet, versée qu’au père dont le comportement est « convenable » ; ce qui l’inscrit dans la tradition de la moralisation et du contrôle du monde ouvrier. Les entreprises qui versent ces allocations ont intérêt à ce qu’elles soient étendues à toutes les entreprises de la même branche pour que les conditions de la concurrence ne soient pas faussées et des caisses communes à plusieurs entreprises sont ainsi créées. En revanche, le patronat n’est pas favorable à une législation généralisant les allocations, qui risquerait de leur faire perdre le contrôle des caisses et porterait atteinte à leur pouvoir de contrôle social sur les salariés. En 1932, une loi rend les allocations familiales obligatoires pour les salariés de l’industrie et du commerce. Jusqu’en 45, ces caisses restent indépendantes de l’Etat.  Le Code de la famille (doc.35) de juillet 1939 instaure des allocations familiales pour toutes les familles de 2 enfants et plus, une prime à la naissance du 1er enfant dans les 2 ans qui suivent le mariage et une allocation de salaire unique pour les mères au foyer. Pour la première fois, une disposition destinée aux salariés est étendue à ensemble de la population qui travaille.  Des mesures organisent, en 1920 et 1923, la répression de la propagande anticonceptionnelle et l’avortement est passible de correctionnelle. La norme pour les femmes est de s’occuper avant tout de leur famille. Le corps médical intervient de plus en plus dans la définition de ce qui convient ou pas aux enfants et attribue aux femmes de nouvelles tâches qui rendent difficile le travail salarié. Les journaux comme les hommes politiques présentent les tâches maternelles comme les plus nobles qui soient.      Le taux d’activité féminine décline à partir de 1921 (doc. 31) et ne remonte qu’en 1968. Une partie de cette baisse est due à la crise des années 1930 au cours de laquelle beaucoup de femmes se retirent du marché du travail. Une autre partie vient d’une diminution de nombre de femmes domestiques (doc. 20). Il ne faudrait pas en conclure que les femmes arrêtent de travailler : elles occupent des emplois dans l’industrie moderne qui applique des méthodes tayloristes ; elles travaillent dans les emplois du tertiaire qui se développent. Un certain nombre d’entre elles accèdent à l’enseignement secondaire et un bac féminin, permettant d’entrer à l’Université, est créé en 1919. L’enseignement secondaire des jeunes filles est aligné sur celui des jeunes hommes en 1924 mais il ne concerne que les femmes des milieux sociaux les plus favorisés et le nombre de bachelières reste très limité (doc 30).     La critique de la femme émancipée est souvent virulente. La ménagère est couverte d’éloges, la mère célébrée dans des cérémonies publiques en l’honneur des familles  nombreuses. Les femmes acquièrent quelques droits. A partir de 1920, une femme peut adhérer à un syndicat sans l’autorisation de son mari. Elle reçoit, en 1927, pour des raisons démographiques, le droit de conserver la nationalité française lorsqu’elle épouse un étranger. En 1938 est enfin supprimée l’incapacité juridique de la femme.      Dans le domaine politique, tous les projets sur le droit des femmes à voter sont repoussés (1922, 1925, 1932 et 1935). Le nombre de femmes qui adhèrent à un parti politique est infime ; elles sont plus nombreuses dans les syndicats. Sous le régime de Vichy, la famille est censée prendre le dessus sur l’individu. Le divorce est rendu plus difficile. L’avortement est un crime contre la sûreté de l’Etat et toute personne qui réalise un avortement est passible de la peine de mort (doc. 29). La femme est considérée comme l’adjointe du mari dans la direction de la famille. II. Changements dans la nature des débats sur l’école.      (P. ALBERTINI. L’école en France. 19è-20è siècles. Hachette Supérieur. 1993)  Alors que s’apaisent les conflits quant à la place respective de l’Eglise et de l’Etat dans l’école, le débat sur l’ouverture du secondaire à l’ensemble des élèves du primaire prend de l’ampleur. A. la place de l’Eglise et de l’Etat Pendant la guerre, les prêtres sont confrontés à la réalité sur le front comme à l’arrière et l’Eglise catholique sort ainsi de son isolement. Les associations chargées de gérer les biens de l’Eglise après le vote de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905 sont acceptées par le pape en 1924. Le Cartel des gauches veut appliquer la législation républicaine à l’Alsace-Lorraine qui bénéficie d’un statut particulier pour enseignement privé mais les catholiques s’y opposent en masse et le Cartel fait marche arrière.  En 1926, le pape condamne l’Action française ; la majorité des catholiques est désormais acquise à la République tout en restant très conservatrice. En même temps, le processus de déchristianisation accompagne le mouvement d’exode rural : la pratique religieuse diminue, le nombre de mariages civils et de divorces augmente, celui des ordinations baisse. Certains prêtres poursuivent le mouvement de rapprochement avec les catégories sociales les plus défavorisées et avec les jeunes. Le scoutisme catholique se développe ; les JOC sont créées en 1926, les JAC et les JEC un peu plus tard. Les jeunesses agricoles chrétiennes joueront un rôle important dans le syndicalisme de l’après 2è guerre mondiale. L’école publique apparaît de plus en plus comme une institution inébranlable même si le Vatican condamne, en 1929, la fréquentation de l’école laïque par les enfants catholiques. B. La question de la démocratisation de l’enseignement secondaire. (doc 32).L’école prend une place croissante dans les possibilités de promotion sociale. L’école élémentaire publique est laïque, gratuite et obligatoire jusqu’à 13 ans. Ceux qui obtiennent le certificat d’études primaires (CEP) peuvent poursuivre,  soit dans l’enseignement primaire supérieur (4 ans) qui mène au brevet supérieur et ouvre l’accès à des emplois qualifiés, soit dans les cours complémentaires (2 ans) dont le niveau est moins élevé, soit, enfin, dans l’enseignement technique qui prépare aux métiers d’encadrement dans l’industrie. L’enseignement secondaire a, en principe,son propre enseignement primaire qui se fait dans le petit lycée. Celui-ci, tout comme le lycée, est payant et ne concerne qu’une toute petite minorité d’enfants, venant de couches favorisées, même si la part des boursiers augmente. Les effectifs par classe sont faibles (sauf à Paris) et les conditions de travail sont très favorables aussi bien pour les élèves que pour les enseignants qui ont statut prestigieux. Le latin et le grec, obligatoires dès la 6è, ont une place très importante dans le secondaire.

Dès la fin du 19 è, s’est ouvert un débat entre ceux qui veulent que l’enseignement secondaire soit réservé à une élite et ceux qui veulent son ouverture, à partir de la seconde, aux élèves de l’enseignement primaire supérieur. Après la guerre, un groupe d’universitaires, d’enseignants du primaire et du secondaire se constitue pour reprendre cette revendication en mettant en avant le fait que tous les milieux sociaux ont participé à la guerre et qu’il n’y a donc aucune raison de conserver des privilèges pour les classes sociales les plus favorisées. On les appelle les défenseurs de l’école unique ou « les primaires ». Ils s’opposent à la place excessive du latin et du grec dès la 6ème. De l’autre côté, un grand nombre d’enseignants du secondaire et du supérieur qui estiment que l’enseignement des lettres classiques, fondamental pour la culture, ne peut concerner que quelques privilégiés s’opposent à cette demande. Ils ont l’appui des professions libérales qui veulent que leurs enfants leur succèdent et de la droite conservatrice. On les appelle les « secondaires ». Le Cartel des gauches tente de limiter l’élitisme du secondaire mais se heurte à des problèmes financiers puisqu’il faudrait rendre l’enseignement secondaire gratuit, donc augmenter les dépenses publiques, alors que des efforts doivent être faits pour limiter le déficit budgétaire.  La baisse du nombre d’élèves menaçant de fermeture certaines classes du secondaire, l’enseignement en 6è devient gratuit en 1928 et un concours d’entrée est instauré. La gratuité  sera progressivement étendue à ensemble des classes du secondaire. Les fournitures scolaires continuent de coûter cher et, en réalité, peu de familles des couches populaires demandent l’entrée de leurs enfants dans le lycée : les débouchés sont incertains après le bac alors qu’ils sont assurés pour les titulaires d’un brevet. La progression du nombre de lycéens est donc faible. En 1928, ils représentent 6% d’une classe d’âge ; 7,4% seulement en 1931. Le Front populaire rend l’école obligatoire jusqu’à 14 ans. Jean Zay, ministre de l’Instruction, tente l’expérimentation d’un palier d’orientation identique pour tous les élèves de 6è. Cette expérience ne pourra être menée à son terme mais l’idée sera reprise après la guerre.  Pour combattre l’influence des instituteurs, le régime de Vichy supprime les écoles normales. Il assure l’intégration du primaire supérieur dans le secondaire et, ainsi, développe le 1er cycle du secondaire. Les cours complémentaires continuent de connaître un succès important dans les milieux populaires. III. La protection sociale : son extension à la maladie et à la famille. (H. HATZFELD. Du paupérisme à la sécurité sociale. Presses universitaires de Nancy)  Les objectifs en matière de protection sociale sont nombreux : il s’agit d’intégrer la classe ouvrière et d’isoler la tendance la plus révolutionnaire. Pour la santé, il faut renforcer la protection jusque là uniquement assurée par les mutuelles. L’assurance vieillesse, instaurée en 1910, couvre peu de salariés et doit être revue. Des allocations familiales sont nécessaires pour des raisons démographiques et pour compenser la faiblesse des salaires. A. Ce que prévoit la loi sur l’assurance maladie et les débats auxquels elle donne lieu.Elle s’inscrit dans un projet plus général, datant de 1921, de couverture des risques maladie, invalidité, vieillesse et maternité, projet qui a été abandonné suite aux critiques des libéraux. Avant son vote, 2 systèmes existent : les indigents sont pris en charge dans les hopitaux publics dans le cadre de l’assistance médicale gratuite (doc. 35) ; la clientèle payante est soignée par la médecine libérale et une partie des frais médicaux est remboursée par les mutuelles dont sont membres 8 millions de personnes en 1930.

En 1930, l’assurance maladie devient obligatoire pour les salariés de l’industrie et du commerce dont le salaire se trouve au-dessous d’un certain plafond. Elle est financée par des cotisations patronales et salariales qui ne sont pas très élevées. La gestion est assurée par des caisses privées, placées sous la tutelle de l’Etat. Elle assure le remboursement d’une partie (assez faible) des honoraires versés par les patients aux médecins. Ceci donne lieu à un conflit avec le corps médical qui s’organise, en 1928, dans une Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). En effet, les caisses souhaitent obtenir des médecins qu’ils fixent un tarif sur la base duquel seront assurés les remboursements. Or, les médecins s’y refusent : ils veulent garder la maîtrise de ce qu’ils font payer aux patients et ils estiment que si tarif unique il y a, il sera faible et ils seront alors obligés de multiplier leurs actes pour conserver leur statut et leurs revenus. Ceci ne peut, selon eux, que nuire à la qualité des soins, porter atteinte à leur indépendance et donc à la médecine libérale. En 1934, 11,15 millions de personnes sont assurées. Les libéraux considèrent que cette loi porte atteinte au principe de responsabilité personnelle, qui exige de chaque individu qu’il se protège lui-même, et qu’elle fait intervenir l’Etat dans une relation employeur-salarié dont il devrait être exclu. Le patronat des grandes entreprises se montre favorable dans la mesure où, pour lui, le salariat va continuer d’augmenter ; les risques encourus doivent être couverts collectivement. Les petites entreprises et les agriculteurs y sont, en revanche, hostiles car les cotisations leur semblent trop lourdes et ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient prendre tous les risques, en investissant, alors que salariés, sans prendre de risques, seraient protégés. La CGT préférerait un système financé par impôts (assistance) plutôt que par cotisations mais finit par accepter le principe des cotisations qui peut donner aux salariés un droit de regard sur gestion des caisses. La CGTU se montre très hostile mais a peu d’audience. La protection contre le risque accidents du travail est étendue à l’ensemble des salariés en 1938.  B. La loi sur la protection vieillesse. La loi sur les retraites ouvrières et paysannes, votée en 1910, a connu un certain succès avant la guerre mais le nombre de salariés couverts diminue à partir de 1920. Il faut donc mettre en place un nouveau système. Le financement prévu et la gestion sont les mêmes que pour l’assurance maladie. Il s’agit toujours d’un système par capitalisation et les retraites sont faibles. Le vote de cette loi donne lieu à des débats qui rappellent ceux qui concernent l’assurance maladie C. L’aide au logement. Les logements sont très insuffisants après la guerre à cause des destructions et des mesures prises en faveur des locataires pendant et après la guerre (moratoire des loyers et reconduction des baux sans modification pour les familles de combattants), mesures qui n’incitent ni à l’entretien ni à la construction de logements destinés à la location. Par la loi Loucheur de 1925, l’Etat peut se substituer aux constructeurs privés et accorder des subventions pour la construction de logements sociaux, appelés à l’époque habitations bon marché (HBM). Ces mesures font suite à un manifestation qui rassemble 100 000 personnes sur les Champs Elysées, à l’appel de l’Union onfédérale des locataires. La loi Loucheur prévoyait la construction de 500 000 logements en 10 ans ; ils étaient destinés en priorité à la population ouvrière très mal logée. Les nouveaux logements ouvriers devaient être confortables, c.a.d dotés d’un chauffage central et d’une salle de bains.

Le texte voté est en deça du projet : il ne prévoit que 200 000 logements.