HOMMAGE A MOHAMED BOUDIAF

26/06/2015 14:54

MOHAMED BOUDIAF

UN PRÉSIDENT AU DESSUS DE TOUT SOUPÇON

ASSASSINÉ DEVANT LES CAMÉRAS DE TÉLÉVISION

Et 

LA  CRUAUTÉ DE L’OUBLI

 
CRUAUTÉ DE L’OUBLI
Il y a dix huit ans, le 16 janvier 1992, Mohamed Boudiaf répondit, encore une fois, a l’appel du pays. Il abandonna sa paisible vie à Kenitra au Maroc pour venir seul, faire face au feu qui l’attendait quelques mois plus tard, un certain 29 juin 1992, au carrefour d’un  acte isole dans le dos.
Combien se rappellent-ils encore de Mohamed Boudiaf ? Peu, très peu d’amis daignent encore venir au cimetière d’El-Alia, les 16 janvier et le 29 juin pour lutter contre l’oubli ou l’amnésie.
L’oubli ou l’amnésie est dans ce cas précis plus cruel que la mort.
Mais une mémoire saine et sincère n’oublie jamais. N’y a-t-il plus de mémoire saine chez nous ? Le samedi 16 janvier 2010, ceux qui viendront a El-Alia auront une idée précise de notre saine et sincère mémoire.
L’oubli de Boudiaf et de son sacrifice a pris la forme d’ingratitude. Et comme dit Victor-Hugo  » La suprême bassesse de la flatterie, c’est d’encourager l’ingratitude «. Si Boudiaf a fini comme Dieu le lui a voulu, ce n’est certainement pas pour lui mais pour nous, témoins de son grand sacrifice. En effet comme le dit Goethe, « ceux qui ont découvert au peuple leurs sentiments et leurs vues, ont été de tout temps crucifies et brules ».
Pour qui et pourquoi Boudiaf est-il revenu et s’est sacrifié ? Pour le pouvoir ? Pour s’enrichir ? Pour sa famille ?
Il est certain que l’assassin matériel de Boudiaf lui a tire, dans le dos et peut-être même de face pour se débarrasser de lui physiquement.
Mais ceux qui l’oublient aujourd’hui, et pire, ceux qui font semblant de l’oublier, commettent également un crime vis-à-vis de la mémoire du peuple, en tombant alors dans la cruauté de l’oubli.
Oublier un homme comme Boudiaf, participe au mensonge car comme dit Albert Camus : « La vérité et comme la lumière; elle aveugle. Le mensonge, au contraire, est un beau crépuscule qui met chaque objet en valeur. »
D’atrocité en atrocité, son parcours infernal qui a commence dans les années quarante l’a souvent mis en face de la lâcheté qui l’accuse maintenant de dictateur. Est-ce la meilleure façon de ne pas oublier Boudiaf ?
Pourquoi ne pas rappeler au peuple que Boudiaf a été le premier Chef d’Etat algérien a de finir la personnalité de l’Algérien dans sa triptyque : Amazighité, Islamité et Arabité, alors que pendant des années on s’efforçait a nous faire avaler que la culture algérienne est seulement arabo-musulmane.
Le traitement réservé a notre emblème national, nos Chouhadas et notre équipe nationale de football par « nos ferres « Egyptiens est venu opportunément pour nous pousser a redéfinir nos marques sur ce plan et sur d’autre.
Garder de Boudiaf le nom d’un aéroport, d’une salle omnisport est une tombe que quelques uns visitent deux fois par an, serait réduire l’histoire de notre pays à sa plus simple expression.
Enfin il serait tentant de conclure cette contribution comme l’a dit un poète anonyme :
Mohamed est ton nom et celui du prophète.
Où va l’Algérie est une devinette.
NACER BOUDIAF

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LE 29 JUIN 1992, L’ALGÉRIE PERDAIT BOUDIAF
Il y a 2 3 ans, l’espoir assassiné
Cela fait déjà 23 ans, jour pour jour, que l’Algérie perdait à tout jamais le Président Mohamed Boudiaf, le 29 juin 1992, à la veille du trentième anniversaire de son indépendance et qui a failli être le dernier. Ce fut en effet un miracle que le pays n’ait pas sombré dans un chaos définitif à la suite de ce terrible assassinat de celui qui ressuscitait l’Algérie de manière spectaculaire entre le 16 janvier 1992 et ce sinistre 29 juin.
Kamel Amarni - Alger (Le Soir)
Pour la deuxième fois en six mois, l’Algérie se retrouvait, en ce 29 juin 1992, aux portes de l’enfer. Une première fois, c’était au soir du 26 décembre 1991. Le premier tour de la première élection législative pluraliste dans l’histoire de l’Algérie indépendante, allait être le dernier : une nébuleuse fondamentaliste, composée d’islamistes fanatisés à l’extrême et d’anciens djihadistes revenus d’Afghanistan qu’est en réalité le FIS, rafle 188 sièges sur les 231 que comptait l’Assemblée populaire de l’époque, soit plus de 80%. L’Algérie, telle qu’elle avait existé depuis 1962, n’avait plus, dès lors, que quelques jours à vivre, au sens propre du terme, c'est-à-dire jusqu’au 16 janvier 1992, date retenue pour le deuxième tour. Et entre-temps, les uns et les autres se positionnent : d’un côté, le FLN du trio Chadli- Mehri-Hamrouche ainsi que le FFS de Aït Ahmed et bien d’autres sont ouvertement favorables à la poursuite du processus électoral et la composition mortelle avec le FIS qui n’a pourtant jamais essayé, ne serait-ce que «camoufler» ses intentions. A savoir, l’instauration d’un Etat théocratique pur et dur et définitif ! De l’autre, quelques rares voix de démocrates, essentiellement le RCD, le PAGS, l’UGTA et quelques intellectuels et membres de la société civile, qui appelaient à l’arrêt de ce processus électoral suicidaire. Restait la grande inconnue : la position de l’armée. Or, dans un rapport confidentiel d’une rare perspicacité, rédigé par les généraux feu mohamed Lamari, Abdelmadjid Taghit et Mohamed Touati, l’ANP avait alerté Chadli, via Khaled Nezar, alors ministre de la Défense, en 1990 déjà sur la victoire inéluctable du FIS aux élections et dans les proportions que l’on sait ! Or, sur conseil de Mehri et Hamrouche, Chadli passera outre ce rapport et ses recommandations qui, si elles avaient été prises en considération, auraient évité au pays des années de feu et de sang. Que faire alors L’armée prend ses responsabilités et Chadli remet sa démission, à la surprise générale, le 11 janvier 1992. La crise est d’autant plus compliquée que le décret de fin de mandat de l’APN avait été publié au Journal officiel, quelques jours auparavant. Vide institutionnel, le FIS qui tient la rue, ses alliés nationaux et internationaux qui multiplient les pressions, tout cela ajouté à une crise économique extrêmement aiguë, voilà la conjoncture dans laquelle avait été installé le Haut Comité d’Etat. Cette instance provisoire, appelée à combler la vacance de pouvoir, avait été un parfait dosage pour représenter les principales forces politiques et sociales du pays : Khaled Nezar pour l’armée, Ali Kafi pour les anciens moudjahidine, Tidjani Haddam, homme de religion et ancien ambassadeur, Ali Haroune, ancien avocat et ministre des Droits de l’Homme mais aussi de la fédération de France, donc représentant de l’émigration. Mais qui pour chapeauter tout ce beau monde ? fallait une personnalité nationale historique forte et incontestable. Un acteur de premier plan durant la Révolution. Ahmed Ben Bella et Hocine Aït Ahmed ayant déjà choisi leur camp, il ne restait que lui, celui qui, dès 1962, avait clairement signifié son opposition au pouvoir du duo Ben Bella-Boumediène : Mohamed Boudiaf. Homme de caractère doté d’une forte personnalité, Boudiaf, qui avait volontairement abandonné la politique, par dépit depuis 1979, gérait tranquillement sa petite entreprise familiale à Kénitra, au Maroc lorsqu’il fut sollicité pour cette lourde responsabilité. Une sollicitation qu’il déclinera sèchement d’ailleurs une première fois avant de finir par se faire convaincre par des hommes comme Ali Haroune ou feu Abou Bakr Belkaïd. «L’Algérie a besoin de moi ? Demain je serai à Alger», aura fini par répondre celui qui est considéré comme le père de la Révolution. Et, le 16 janvier, il revenait au pays. «Je tends ma main à tous les Algériens sans exclusive.» C’était sa toute première déclaration faite à son arrivée au salon d’honneur de l’aéroport d’Alger. Or, il se rendra vite compte que ce genre d’élan rassembleur, sincère au demeurant, n’est pas du tout le langage que comprend un mouvement obscurantiste et belliqueux. Le FIS avait eu comme seule «réponse», la multiplication des attentats terroristes, les manifestations violentes et Boudiaf le découvre sur sa vrai nature : un parti islamiste, d’essence insurrectionnelle et rien que cela. Dès lors, il change très vite de méthode : il dissout le FIS dès le mois de février et impose l’autorité de l’Etat sur la place publique. La répression était à la mesure de la menace qui s’abattait sur le pays et Boudiaf, comme tous les grands dirigeants dans l’Histoire, assume : «S’il faut éliminer les trois millions qui ont voté FIS pour sauver l’Algérie, eh bien nous le ferons», répondait-il, d’ailleurs, excédé, à une question vicieuse d’une journaliste française qui se lamentait exagérément sur le sort des «détenus politiques». En quelques semaines, Boudiaf avait réussi à inverser la tendance, à faire «changer de camp à la peur» pour reprendre l’historique formule de Réda Malek, et à redonner espoir aux Algériens. Des Algériens qui découvrent aussi un discours et un style dont ils n’osaient même pas espérer à peine quelques semaines auparavant, à ce niveau de la responsabilité. Le peuple algérien finira par vite adopter son Président sans le moindre effort de propagande officielle. Du jamais vu dans l’histoire de ce pays. Mais il est, 21 ans après, l’odieux acte du lieutenant Lembarek Boumaârafi, qui ne cesse de réclamer sa sympathie pour le FIS dissous, qui a invariablement répété avoir agi par conviction religieuse, que la piste islamiste est systématiquement évacué à chaque fois que l’on évoque l’assassinat du Président Mohamed Boudiaf ! Pas même, chez certains, l’élémentaire question : à qui profite le crime ? Beaucoup feignent d’oublier la déferlante spectaculaire du terrorisme qui a frappé l’Algérie après l’assassinat de Boudiaf. Ou les obscènes scènes de liesses de militants et sympathisants du FIS à l’annonce de la mort du plus grand président que l’Algérie ait jamais eu…

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Poème de la combattante Djamila Bouhired
Djamila Bouhired / El Watan.
1er novembre 1954, date de déclenchement de la révolution algérienne, un moment fort dans l’Histoire du pays. Pour le célébrer, cédons la parole à Djamila Bouhired, militante du FLN (Front de Libération Nationale) durant la guerre de libération nationale, qui après avoir été capturée et torturée par les forces coloniales en 1957, a échappé à la peine capitale grâce à la campagne médiatique menée par Jacques Vergès. Finalement graciée et libérée en 1962, cette icône de la révolution algérienne ne cesse de nourrir l’idéal patriotique algérien. D’autant plus admirée pour sa discrétion et son retrait des cercles du pouvoir.  Aujourd’hui âgée de 75 ans, elle est malade mais ne bénéficie d’aucune prise en charge de l’Etat, ce qui l’a amenée à lancer un cri de détresse, suscitant l’indignation en Algérie. Dans ce poème en prose, publié dans l’édition du 1er novembre 2012 du quotidien algérien El Watan, elle rend hommage à ses sœurs et frères de combat, à « cette Algérie qui sera toujours notre ».
 
La douleur,
 
La douleur d’une seule main nous avons brandi le glaive de la foi,
d’une seule voix nous avons porté le cri de la liberté.
Nos cœurs unis, nos corps meurtris, vous êtes partis et je suis restée là…
mon cœur meurtri, mes mains flétries.
 
Novembre après Novembre,
jour après jour,
chaque nuit et à chaque instant,
mon cœur bat au rythme des canons ;
et chaque coup porté frappe tout mon être.
D’un seul pas nous avons marché vers la liberté,
d’un seul élan nous avons arraché notre dignité.
Nos forces unies, nos âmes enlacées,
nos cœurs lacérés,
vous êtes partis et je suis restée là…
mon âme endolorie,
mes larmes taries.
Novembre après Novembre,
année après année,
chaque jour et à chaque souffle,
mon âme souffre ;
et l’air me paraît si lourd.
 
Oh, douleurs,
logées en mon sein
tel un enfant nourri de mes souvenirs incandescents,
abreuvé par mes larmes de sang !
Seule, je marche dans tes rues,
mon Algérie, notre Algérie tant aimée.
Seule je crie,
encore et toujours pour la liberté et la dignité.
Mon cœur uni au votre,
j’avance avec vous côte à côte,
vos pas frôlent chacun de mes pas,
vous êtes ma force et vos enfants sont mon espoir,
je ne suis pas partie avec vous… et vous êtes là pour toujours.
 
Novembre après Novembre,
j’irai porter des fleurs sur vos tombes.
Novembre après Novembre et au-delà,
je vous porte en moi, mes frères et mes sœurs,
mes mains scellées aux vôtres par la douleur,
mon cœur uni au votre par l’amour d’une Algérie
qui sera toujours notre.
Djamila Bouhired

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ALGÉRIE 1992:Le président BOUDIAF était l'invité de l'émission " La Marche du Siècle "

Mohamed BOUDIAF " Le destin d'un homme d'Etat "

JT Fr3 couverture de l'assassinat de Mohamed Boudiaf

 

 

 

Qu'est devenu le RPN ?

« Le RPN a été conçu comme un contre-pouvoir »

Interview accordé par Nacer Boudiaf au quotidien El Watan
Vous venez d’annoncer votre décision de relancer le RPN. Quelles sont les raisons qui vous incitent à le faire ?
Le 5 octobre 1988, la jeunesse algérienne s’est soulevée. Elle ne savait pas exactement ce qu’elle voulait. Mais elle savait exactement ce qu’elle ne voulait plus, c’est-à-dire le système du passé. Paradoxalement, Boudiaf est un homme du passé. Mais parce qu’il envisageait toujours l’avenir, un avenir fait de justice et de prospérité partagée, il a été rapidement adopté par le peuple et, mieux encore, il a été qualifié «d’espoir». Il a donc proposé le RPN pour ouvrir la voie à une rupture avec le système, les pratiques et les hommes du passé. Ce projet de société a été bien accueilli par la jeunesse de 1992. La jeunesse actuelle suit avec beaucoup d’intérêt le printemps arabe, c’est-à-dire le vent qui a soufflé pour apporter le changement. Quelle est l’adresse politique actuelle en Algérie qui pourrait proposer en douceur la rupture pour un réel changement ? Si vous la connaissez, donnez-la-moi et je serai le premier à la soutenir. Si vous n’en connaissez pas, je vous propose le RPN. Un RPN revisité, débattu par la société civile autour d’un mot d’ordre : «L’Algérie avant tout.»
Pourquoi relancer le RPN et non pas le Parti radical (?) socialiste (PRS Parti de Révolution Socialiste) ?
Pourquoi relancer le RPN et non le PRS. La réponse est simple : le PRS a été dissous par Mohamed Boudiaf parce qu’il ne répondait plus aux objectifs pour lesquels il avait été créé. Quant au RPN, il faut d’abord rappeler qu’il a été conçu comme un contre-pouvoir.
Il a été lancé pour rassembler la majorité silencieuse qui a beaucoup à dire, à faire, mais qui n’a pas trouvé l’espace qu’elle estime convenable pour s’exprimer en vue de permettre aux lumières de jaillir pour combattre les ténèbres dans lesquelles le système a essayé de maintenir le peuple. Boudiaf a été assassiné 21 jours après avoir lancé le projet du RPN. Il n’a pas été assassiné pour avoir dissous le PRS.
Avez-vous préparé une plateforme portant relance du RPN ? De quelle obédience sera le RPN version Nacer Boudiaf ?
La plateforme du RPN existe. Je l’ai reprise et fidèlement retranscrite dans mon livre Boudiaf, l’Algérie avant tout. C’est à la jeunesse de débattre de cette plateforme et de préparer le lancement de ce projet de société. Lisez le livre et vous verrez de quelle obédience sera le RPN.
Reposez-vous sur une base sur laquelle vous pouvez compter ?
Sur quelle base Ben Boulaïd, Boudiaf, Ben M’hidi et Didouche reposaient-ils ? Le système verrouillé actuel est-il plus dur que le colonialisme ? Boudiaf était décidé à faire «Novembre» même avec les singes de la Chiffa. La jeunesse algérienne qui suit le printemps arabe est décidée à créer le changement. Le RPN leur est offert.
Le ministère de l’Intérieur n’a pas délivré d’agrément à de nouveaux partis politiques depuis 1999. De Zerhouni à Ould Kablia, différentes raisons sont avancées pour cela. En plus, la nouvelle loi sur les partis politiques n’a pas encore vu le jour. Comment comptez-vous mener votre activité politique dans ce climat sclérosé ?
Votre question, à mon sens, trouvera sa réponse dans cette citation de Winston Churchill qui a dit : «La civilisation signifie une société reposant sur l’opinion des civils. Elle veut dire que la violence, la loi des guerriers et des chefs despotes, les conditions des camps et de la guerre, de la révolte et de la tyrannie, cèdent la place aux Parlements où des lois sont élaborées et aux cours de justice indépendantes dans lesquelles, pendant longtemps, ces lois sont maintenues.» Quant à Edmund Burke, il a fait cette citation : «Un Etat qui n’a pas les moyens d’effectuer des changements n’a pas les moyens de se maintenir.»
Pensez-vous que les militants y adhéreront parce que le RPN a été créé par le défunt Mohamed Boudiaf ou parce qu’il sera véritablement porteur d’un projet de société, comme vous l’avez affirmé à Béjaïa ?
Les militants y adhéreront parce qu’ils trouveront des réponses à leurs aspirations et parce qu’ils contribueront à tracer les contours de ce projet de société.

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CONTRIBUTION DU PAGS

AU DEBAT SUR

LE RASSEMBLEMENT PATRIOTIQUE NATIONAL

Il  y a 23 ans,  Mohamed  Boudiaf, l e Président  Algérien  lâchement  assassiné
Vingt et trois ans, jour pour jour. Mohamed Boudiaf, un des leaders de la guerre d’indépendance, 4e  Président de l’Algérie indépendante est assassiné, alors qu’il tenait un discours face aux caméras de la télévision nationale. Une mort qui a plongé le pays dans la stupeur.
Comme chaque année, au 29 juin, la fondation qui porte son nom commémore le triste anniversaire de sa mort. Sa famille, ses proches, ses admirateurs et les Algériens qui le regrettent se recueillent sur sa tombe, au cimetière d’El Alia, à Alger.
Il incarnait l’espoir de tout un peuple. L’idéal d’une jeunesse qui refuse de l’oublier. Même quand elle ne l’a pas vraiment connu.
Kouidri Filali Sidali avait 14 ans quand le Président Boudiaf a été assassiné. Ce marketeur de 35 ans refuse d’oublier. Dans un texte qui fait le tour des réseaux sociaux, il a rêvé et sublimé sa rencontre avec le défunt Président pour lui rendre hommage.
Boudiaf : « Debout mes enfants, Debout et Vite ! »
Cette nuit-là, en me recueillant sur la tombe de feu Boudiaf, quelques larmes fusaient malgré moi pour la mémoire de ce valeureux martyr de l’Algérie. La pénombre cachait mes pleurs d’homme sur la tombe du plus vertueux des hommes, mes larmes se mélangeaient a la bruine fade qui ne se terminait plus. Cette nuit-là, une impression que le ciel d’Algérie le pleurait aussi, quand soudain, j’entendis une voix qui déchira le silence mortuaire de ces lieux funestes. Dure, imposante, rauque et acérée qui me sortit de mon deuil.
-      Relève toi et arrête de pleurer, tu es un Algérien, c’est de la fierté que je veux voir, du courage et de la ténacité, à quoi vous avanceront les pleurs, debout !! Debout !! Et vite !
Complètement sonné, je ne savais qui s’adressait à moi… cette voix qui a surgi de nulle part pour remplir ce cimetière de vie.
-        Vous êtes qui ? Qui me parle ? Je ne voyais personne à côté de moi, pourtant cette voix était partout !!
-      Debout je te dis, c’est moi SI TAYEB EL WATANI de mon nom de guerre, ton Président assassiné Mohamed Boudiaf. Debout, les hommes ne se mettent jamais à genoux et mes enfants sont des hommes.
Dans un instant de mélange étrange, de peur, de joie, de douleur et d’émoi, je me mis spontanément debout, je voyais surgir de nulle part le regard de cet homme plein de conviction, de mérite et de patriotisme, la sincérité et le courage de l’éternel combattant, la douceur et l’autorité d’un père perdu a jamais.
-      Mais monsieur le Président ! Vous êtes mort ! On vous a assassiné, devant nous tous, vos enfants !! On a rien pu faire, vos assassins courent toujours, ils sont là, nous gouvernent en toute impunité, ils vous ont tué monsieur le Président, au moment où vous parliez à vos enfants des mérites du savoir, au moment où on vous écoutez comme un père qu’on a longtemps attendu !
-       Non, je ne suis pas mort, et je ne mourrais jamais, je serai éternellement ici, en Algérie, ma terre et la terre de mes enfants, de mon peuple et de mes frères et sœurs morts au combat. Non, la mort emporte les méconnus, les inconnus et ceux qui n’ont pas lutté, pas ceux qui ont combattu et qui n’ont jamais abdiqué, je ne me repose pas en paix mon fils, je ne l’ai jamais été. Je ne me reposerai pas en paix tant que cette Algérie ne vit pas en paix, mon cœur n’est pas celui d’un homme, mon âme n’est pas celle d’un humain, j’ai tout donné à ce pays, a présent je vis en lui, une immortalité mon fils, je ne mourrais jamais tant que l’Algérie vit, on ne meurt jamais quand on a une revanche à prendre, un droit à recouvrir et des enfants à sauver.
-      L’Algérie ne vit plus monsieur le Président, elle ne sourit plus, on vous a assassiné, on nous a plongé dans 20 ans de guerre entre nous, ou le frère a tué le frère, ou la mère a enfanté son violeur, ils ont détruit l’Algérie, tout vendu, tout volé, tout pris, vos enfants se jettent à la mer pour fuir, s’immolent ,vos petits se donnent la mort, nos malades meurent dans nos hôpitaux , et eux ils soignent leurs petits bobos au Val-de-Grâce.
Nos femmes se font voiler, violées sous nos yeux , l’Algérien ne mange plus à sa faim, habite les taudis, ceux qui dénoncent sont jetés en prison, ceux qui militent sont chassés, ceux qui essayent sont vite dissuadés, beaucoup de vos enfants ont quittés le pays, ils sont ailleurs, contraints à l’exil, il ne reste plus rien dans votre Algérie rêvée, l’Algérie est devenue infanticide, j’ai honte monsieur le Président, honte de mon pays, de mon hymne, de mes martyrs, de mon drapeau et de mon appartenance, on est devenus une risée, une mascarade, un pays indigne, on a plus d’école, plus de justice, plus d’université, plus de principe ni de souveraineté, les milliards du pétrole partent dans leur poches, le peuple s’entre-tue, meurt et souffre dans l’oubli, on regarde nos enfants mourir et les leurs vivre comme des rois, les algériens ne sont plus éduqués ,ni instruits, il n’aiment plus leurs pays…
J’ai honte monsieur le président, on ne sait plus qui ont est, ni où on va, ni pourquoi on le fait, nous sommes désespérés, abattus et fatigués, nous avons peur ,on nous a usés, terminés, presque tués, j’ai honte mon Président…honte.
–    Je suis au courant de tout ça mon fils, je le savais avant même. J’étais revenu pour éviter ça, pour reconstruire ce que ces sous hommes ont démoli. Pour éviter la mort à tous ces enfants qui me rejoignent aujourd’hui. là où je suis, j’en croise des Algériens, morts de froid, de faim, en mer, assassinés, morts du banditisme, du laxisme, de la maladie, ou en se mettant le feu. Je sais votre douleur, je connais votre malheur, je le vis avec vous. J’étais revenu pour qu’on fasse une seconde fois la révolution, j’étais revenu pour libérer avec mes enfants le pays. On a eu notre indépendance mais point de libérté. On est toujours colonisés mon fils! Une colonisation plus dure que la notre, un ennemi plus futé que le notre, le colonialisme français a essayé de nous séparer pour régner pendant 132 ans, il n y est pas arrivé, vos colonisateurs d’aujourd’hui vous ont séparé en dix ans, notre colonialisme a essayé de nous arracher à notre identité, en vain ! Le vôtre vous a aveuglé, vous a rendu racistes et régionalistes, on combattait des étrangers, vous combattez vos propres frères, dans notre guerre être algérien suffisait, dans la vôtre être algérien est le problème même, il est plus facile de chasser un étranger de sa maison, que de chasser ses propres fils, notre révolution était pour recouvrir des droits spoliés, une terre colonisée, la vôtre c’est pour recouvrir votre dignité, n’abdiquez pas, ne lâchez pas, ne vous sous estimez pas et ne vous découragez point, la lutte sera dure, coûteuse, ignoble et traître. Ils sont toujours près à tuer, à plonger le pays encore dans un bain de sang, à le vendre ou à le céder, ils n’ont aucune légitimité, aucune vertu, point d’honneur ni de mérite, ils sont le pire des ennemis que vous pouvez avoir, ils n’ont pas la dignité d’un ennemi, la plus dure des révolutions est celle faite contre les lâches, debout je te dis.
Je m’apprêtais à poser encore des questions, à vouloir savoir encore plus de choses, avant que mes paroles furent dites, cette voix grave me sort de ma torpeur encore une fois, plus violemment cette fois, elle résonnait sur tout Alger à présent, sur toute l’Algérie.
-     Sort d’ici à présent! Va courir ta liberté, va te défendre et défendre les tiens, va et soit homme et ne revient plus, c’est pas des fleurs sur ma tombe que je veux, ni des recueils sur ma mémoire, je veux des sourires sur vos visages, je veux que vos enfants dessinent et jouent, je veux voir cette Algérie à nouveau forte, je ne veux plus que vous pleuriez mon nom, je veux que vous criez les vôtres, je ne veux plus entendre des jérémiades ,je veux entendre le chant de la liberté, Je ne veux plus d’hommage ,je n’ai fait que mon devoir, VA! Mes enfants sont des hommes et mes filles ne sont pas des moitiés. Va! Partez…sortez…je suis votre président mort, et je parle à présent au nom de tous les morts de notre Algérie ,au nom de tous ceux qui sont morts pour que vive ce pays, au nom de Hassiba, de Abane et de Benmhidi, au nom de la Soummam et de toutes nos valeureuses vallées, au nom des guillotines, des balles et des massacrés de Sétif, au nom de mes enfants assassinés pour un printemps, au nom de Matoub de Hasni et des artistes éteins a jamais, debout je vous dit…au nom de Mekbel de Yefsah et de Aissat idir, au nom de Benboulaid de Taleb Abderrahmane et de la madone de Bentalha, debout…au nom des inconnus morts dans l’oubli, au nom de ceux qui ont payé, soyez dignes, libres,vous êtes les enfants de l’Algérie, ne revenez plus si ce n’est pas avec votre liberté arrachée, avec votre dignité retrouvée, votre honneur sauf et vos droits acquis, ou alors morts comme nous tous, pour votre liberté, pour votre amour, votre patrie et vos idées. Ne revenez plus !!Luttez, battez-vous, arrachez votre liberté, battez-vous avec force, courage, bravoure et témérité, c’est ce que veulent vos martyrs, c’est ce que me dit Zabana, et rêve Didouche, battez-vous,  si vous gagnez vous serez des héros, si vous mourrez vous serez nos égaux, ne baissez jamais les yeux, ne négociez jamais votre honneur, ne discutez jamais votre dignité et n’accepterez aucun compromis sur le dos de vos frères, allez-y, debout je vous dit, à toi et aux millions d’algériennes et d’algériens qui n’ont pas trahi, Debout…
La voix a disparu, j’étais sorti du cimetière, j’arpentais les sales ruelles d’Alger, j’entendais comme un écho, partout… ! Un mot que tous les murs et les façades renvoyaient, un mot qui hante désormais Alger et toutes les villes d’Algérie, un mot qu’on entend du fin fond du Sahara à la plus fertile de nos prairies, un mot que couvent les montagnes et que transmet cette terre à tous ceux qui marchent dessus, un cri sorti du fin fond des tombes et qui se répète, un cri de mort pour faire triompher la vie :
Debout…Debout. Debout. Debout…
Inlassablement, perpétuellement …Debout.

Sidali Kouidri Filali

Fella Bouredji