L ́éthique appliquée en éducation

15/10/2014 20:16
 
 
Marie-Paule Desaulniers
 
L ́éthique appliquée en éducation

 

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Revista Portuguesa de Educação,

ISSN (Versão impressa): 0871-9187

rpe@ie.uminho.pt                                                           

Universidade do Minho

Portugal

 

L'éthique appliquée en éducation

 

Marie-Paule Desaulniers

Université du Québec à Trois-Rivières, Québec, Canada

Résumé

Les préoccupations morales semblent actuellement émerger dans les sociétés occidentales. La philosophie morale trouve dans des auteurs comme Habermas en Allemagne ou comme Comte-Spainville, Etchegoyen et Ferry en France des théoriciens de la crise des valeurs et des défenseurs et illustrateurs des questions éthiques. Comme d'autres sociétés occidentales, le Québec est confronté aux questions morales auxquelles il tente de trouver ses réponses, adaptées à sa tradition chrétienne et à ses aspirations modernes. Le texte qui suit analysera les formes que ce mouvement a pris dans le monde de l'éducation en partant de trois points de vue différents. Le premier point de vue, plus théorique, précisera les relations entre morale et éthique et l'apport de la philosophie de l'éducation dans l'élaboration d'une éthique de l'éducation. Le second point de vue, plus pédagogique, présentera la perception de futurs enseignants québécois par rapport aux questions éthiques liées à leur profession. Le troisième point de vue, plus sociologique, abordera l'impact du mouvement de professionnalisation dans l'élaboration d'une éthique du métier d'enseignant.

1. L'éthique de l'éducation

C'est sous la forme de l'éthique que les questions morales sont actuellement abordées dans la société et dans les milieux éducatifs. Avant déconsidérer la situation de l'éthique appliquée en éducation, il convient de préciser la signification que l'on accorde à ce terme, de façon à dissiper deux contresens courants dans ce domaine. Le premier contresens concerne l'intérêt pour la morale qui donne parfois l'impression de n'être que nostalgie d'un temps passé où les valeurs morales étaient consensuelles. Or, il est illusoire de penser que les valeurs ont toujours été unanimes. Non seulement à chaque époque les moralistes ont lutté pour défendre des valeurs mais encore ils ont lutté pour défendre tel type particulier de valeurs. Durkheim rappelle que chaque époque a un défi moral nouveau à relever; hier l'abolition de l'esclavage, aujourd'hui le droit à l'éducation pour tous, par exemple (Durkheim, 1963).
Le second contresens amène à confondre la morale avec un mouvement politique d'"ordre moral" ou de "réarmement moral" axé sur le contrôle social et la répression. Cette tendance fréquente dans les périodes de crise nie la liberté des personnes sans laquelle l'éthique n'existe pas.  À cet égard, le conservatisme politique et le puritanisme sexuel sont des formes de contrôles fondés sur la peur et le pouvoir plutôt que sur la morale et non des formes d'éthique sociale.
Au-delà de ces malentendus usuels, la morale et l'éthique sont encore à définir l'une par rapport à l'autre, l'éthique n'est pas seulement un nouveau nom donné à l'ancienne morale. Il s'agit d'un changement de perspective par rapport aux codifications du rapport à autrui. L'éthique se présente comme le fondement de la morale, comme une réflexion, "un questionnement qui précède l’introduction de la loi morale" (Ricoeur,1985, 42-46). L'éthique n'est donc pas de l'ordre des réponses et encore moins des réponses toutes faites qui ne constituent ni la morale, ni l'éthique mais seulement le moralisme. Il importe donc de considérer les questions éthiques pour ce qu'elles sont; des recherches de sens (Fortin, 1995).
Depuis quelques décennies l'éthique trouve des applications dans des champs sociaux très diversifiés comme le commerce (éthique des affaires), la médecine (bioéthique) ou les métiers (éthique professionnelle et déontologie).Et le champ de l'éducation lui-même semble depuis peu investi par ces préoccupations. Mais justement, comment se fait-il que ces préoccupations apparaissent maintenant? L'explication par un simple fait de mode ne suffit pas à rendre compte du phénomène. La période pendant laquelle il était impossible de parler de morale en éducation, sous peine d'être taxé de réactionnaire ou même de fasciste semble terminée. Il reste encore un peu de cet ostracisme dont a souffert la morale dans une certaine pudeur à utiliser les termes de morale ou d'éducation morale. Si le terme d'éthique est valorisé, c'est justement parce qu'il ne comporte pas de relents d'autoritarisme et de traditionalisme auxquels la morale est -faussement- attachée. Le refus des syndicats d'enseignants envers toute déontologie enseignante participe de cette méfiance devant ce qui est considéré comme un excès de contrôle. L'éthique enseignante y est assimilée à un contrôle policier supplémentaire venant entraver la tâche professorale au lieu de l'améliorer. L'interprétation répressive élimine donc les questions éthiques, sans y répondre. Cependant, les questions éthiques demeurent, le questionnement sur le sens de l'éducation est porté aussi bien par les élèves que par les futurs maîtres, par les maîtres en exercice que par les formateurs d'enseignants. Il est au centre des refontes actuelles de programmes de formation des maîtres et des politiques éducatives sur la qualité en éducation (OCDE, 1989).
La réflexion des philosophes de l'éducation a continuellement montré depuis Platon que l'éthique est intrinsèque à l'entreprise éducative. En effet, aucune éducation ne peut se passer d'un horizon de sens qui oriente l'action, définit des finalités, choisit des valeurs.  Dans la mesure où l'éducation est une entreprise délibérée de développement des personnes, elle ne peut que faire fond sur une conception de la dignité humaine et du droit des personnes à la culture et au savoir. Dans ce sens, il semble préférable de parler d'éthique liée à l'éducation, ou d'éthique de l'éducation plutôt que d'éthique appliquée en éducation. Cette dernière expression considère l'éthique comme un domaine extérieur à la démarche éducative alors qu'au contraire, ce sont des positions et des convictions éthiques qui sous-tendent et animent l'éducation. L'application de l'éthique en éducation laisserait faussement penser qu'il est nécessaire d'introduire artificiellement, par mode, par injonction ou par autorité, l'éthique dans le domaine éducatif, où elle se trouve déjà de plein droit.
Dans leur effort pour théoriser l'éducation, les philosophes de l'éducation s'attachent à définir quelle sorte 'homme est désirée comme résultat de l'éducation, quelles sont ses connaissances, mais aussi ses compétences, ses habiletés, ses attitudes et ses valeurs. L'analyse des finalités éducatives est essentielle en philosophie de l'éducation; ces penseurs refusent d'enfermer l'éducation dans une pure rationalité instrumentale ( Desaulniers et al., 1997 ). La question des qualités morales ou de la vertu à développer par l'éducation est effectivement d'un tout autre ordre que celle des méthodes éducatives. Ce fut une question constante dans l'histoire de l'éducation chrétienne, tout particulièrement au Québec.
Dans son dernier texte publié, sorte de testament philosophique et pédagogique, O. Reboul aborde la question des valeurs de l'éducation (Reboul, 1992). L'éducation y est considérée comme l'accès à une culture qui rend libre de penser par soi-même. Et le lien que cet auteur établit entre culture et culte n'est pas fortuit. Ce qui rend le mieux compte de la valeur de l'entreprise éducative, c'est le fait de la considérer comme une sorte de "culte de l'humanité" (Reboul, 1992, 57). À cet égard, Reboul se situe dans la lignée directe de la tradition positiviste française, celle qui fait de lui un héritier d'Alain, lui-même héritier de Durkheim et d'Auguste Comte. Son rationalisme est un humanisme lui interdisant d'adhérer à l'optique fonctionnelle en éducation, celle qui prépare exclusivement au métier exigé par les besoins de la société. 
Quant à P. Meirieu, il précise dans un texte consacré au Choix d'éduquer (1991) que l'éducation suppose deux conditions fondamentales; l'éducabilité de l'élève et l'inégalité du maître et de l'élève. L'éducabilité ou la croyance dans ses possibilités de progrès et de développement de l'élève fonde l'acte éducatif; elle constitue aussi une reconnaissance de la dignité des apprenants. Les conventions et les lois sur les droits de l'enfant ne disent pas autre chose, même si elles le disent autrement. La seconde condition paraît plus difficile à comprendre après quelques décennies de pédagogie non directive et de discours égalitaires en éducation. Cependant, l'inégalité dont il est question ici n'est pas une inégalité en dignité. Elle est plutôt et selon les termes mêmes de l'auteur, la reconnaissance d'une incontournable" asymétrie" dans la relation maître-élève. L'enseignant est à un autre niveau que l'élève par son rôle, son âge, sa compétence, son savoir et son expérience. Cette situation fonde et permet l'apprentissage, mais elle donne en même temps à l'enseignant un pouvoir qu'il peut utiliser à son profit ou dont il peut abuser. Cette dérive constitue un réel risque en éducation, d'autant plus dangereux quand il n'est pas vraiment reconnu (Desaulniers, 1997).
En dernier lieu, B. Suchodolski, marxiste et théoricien de la pédagogie socialiste, a rappelé aux éducateurs la nécessité d'un réel "optimisme pédagogique" sans lequel aucune entreprise éducative n'est viable, très proche quoique plus affectif, de l'éducabilité de P. Meirieu (Suchodolski, 1960). Ce qui est commun chez ces trois philosophes de l'éducation, c'est l'affirmation d'un humanisme pédagogique fondé sur la reconnaissance de la valeur et de la dignité des personnes. Durkheim affirme que "l'axiome Dans son dernier texte publié, sorte de testament philosophique et pédagogique, O. Reboul aborde la question des valeurs de l'éducation (Reboul, 1992). L'éducation y est considérée comme l'accès à une culture qui rend libre de penser par soi-même. Et le lien que cet auteur établit entre culture et culte n'est pas fortuit. Ce qui rend le mieux compte de la valeur de l'entreprise éducative, c'est le fait de la considérer comme une sorte de "culte de l'humanité" (Reboul, 1992, 57). À cet égard, Reboul se situe dans la lignée directe de la tradition positiviste française, celle qui fait de lui un héritier d'Alain, lui-même héritier de Durkheim et d'Auguste Comte. Son rationalisme est un humanisme lui interdisant d'adhérer à l'optique fonctionnelle en éducation, celle qui prépare exclusivement au métier exigé par les besoins de la société.  Quant à P. Meirieu, il précise dans un texte consacré au Choix d'éduquer (1991) que l'éducation suppose deux conditions fondamentales; l'éducabilité de l'élève et l'inégalité du maître et de l'élève. L'éducabilité ou la croyance dans ses possibilités de progrès et de développement de l'élève fonde l'acte éducatif; elle constitue aussi une reconnaissance de la dignité des apprenants. Les conventions et les lois sur les droits de l'enfant ne disent pas autre chose, même si elles le disent autrement. La seconde condition paraît plus difficile à comprendre après quelques décennies de pédagogie non directive et de discours égalitaires en éducation. Cependant, l'inégalité dont il est question ici n'est pas une inégalité en dignité. Elle est plutôt et selon les termes mêmes de l'auteur, la reconnaissance d'une incontournable "asymétrie" dans la relation maître-élève. L'enseignant est à un autre niveau que l'élève par son rôle, son âge, sa compétence, son savoir et son expérience. Cette situation fonde et permet l'apprentissage, mais elle donne en même temps à l'enseignant un pouvoir qu'il peut utiliser à son profit ou dont il peut abuser. Cette dérive constitue un réel risque en éducation, d'autant plus dangereux quand il n'est pas vraiment reconnu (Desaulniers, 1997).
En dernier lieu, B. Suchodolski, marxiste et théoricien de la pédagogie socialiste, a rappelé aux éducateurs la nécessité d'un réel "optimisme pédagogique" sans lequel aucune entreprise éducative n'est viable, très proche quoique plus affectif, de l'éducabilité de P. Meirieu (Suchodolski, 1960). Ce qui est commun chez ces trois philosophes de l'éducation, c'est l'affirmation d'un humanisme pédagogique fondé sur la reconnaissance de la valeur et de la dignité des personnes. Durkheim affirme que "l'axiome fondamental (de sa morale) c'est que la personne humaine est la chose sainte par excellence; c'est qu'elle a droit au respect que le croyant de toutes les religions réserve à son dieu" (Durkheim, 1936, 91). Cette reconnaissance fonde aussi l'éthique en tant que rceherche de sens dans l'harmonisation du rapport à autrui (Fortin, 1995). Il n'est pas étonnant dans la conjoncture actuelle de fin des idéologies, de vide axiologique, de recherche du sacré le plus souvent en dehors des religions établies, que le besoin de valeurs en éducation soit mis en relief. L'école comme institution est interpellée dans son rapport aux valeurs et dans son rapport aux autres instances morales; les religions, l'État, la famille. S'il est une question qui traverse actuellement les sociétés européennes et nord-américaines, c'est bien celle des valeurs à proposer dans les écoles d'un monde laïcisé, celle d'une éthique du vivre-ensemble à élaborer à partir de l'école (Desaulniers, 2000-a).

2. Les problèmes éthiques liés à la pratique éducative

Une autre façon d'analyser l'éthique en éducation est de partir des difficultés de nature éthique rencontrées dans la pratique pédagogique. Une expérience de formation en éthique et déontologie en Adaptation Scolaire (éducation spécialisée) a été réalisée à l'Université du Québec à Trois- Rivières en 1998 et 1999.  Elle a permis de prendre le pouls d'enseignants en formation initiale quant aux problèmes éthiques qu'ils entrevoyaient dans leur future profession.  En se fiant à leur perception de leur futur métier et en se centrant sur leurs propres expériences d'élèves puis d'étudiants, ils ont unanimement situé les difficultés éthiques au sein de la relation maître-élève. 

L'éthique dans la relation maître-élève

Si l'on considère la pédagogie sous le mode d'un triangle dont les trois sommets sont constitués du maître, de l'élève et du savoir, les étudiants ont massivement investi un seul des trois côtés de ce triangle pédagogique, celui de la relation maître-élève. Ils ont laissé de côté la relation élève-savoir et la relation maître-savoir (Houssaye, 1988). La réponse de ces étudiants a pu être influencée par le fait que leur tâche est essentiellement corrective, effectuée en petits groupes ou en relation individualisée de type tutorat. Les étudiants ont  collectivement relevé les manques suivants à l'éthique de la relation pédagogique; le favoritisme, l'injustice, la discrimination qu'elle soit sexuelle, raciale, sociale ou même esthétique, l'ignorance volontaire, le rejet, le mépris, l'humiliation, l'indiscrétion, la violence. Ils ont également été très sensibles au fait que la relation éducative est proche de la relation d'aide, comportant une grande proximité physique et psychologique avec les élèves avec un partage fréquent de confidences, voire de secrets. Les manques d'éthique qu'ils ont identifiés sont très comparables à ceux relevés dans d'autres professions sociales ou médico-sociales (ANCE, 1996). Bien qu'elles se situent à l'intérieur de la relation pédagogique, elles ont peu à voir avec l'enseignement ou l'apprentissage, mais beaucoup avec les relations de confiance qui caractérisent les relations professionnelles. Les étudiants ont mis en évidence une question vitale en éducation; celle de la bonne distance entre le maître et l'élève, tout en étant conscients que cette distance diffère considérablement entre l'enseignement régulier et l'enseignement spécialisé ou orthopédagogique et entre les différents degrés du système d'enseignement régulier. 
Ces réponses étudiantes illustrent diverses difficultés de la relation pédagogique qui sont autant de risques du métier qu'il est impossible d'assumer sans en avoir pris connaissance et y avoir réfléchi personnellement. Globalement, les étudiants ont classé ces divers manques à l'éthique sous les deux catégories de l'abus de pouvoir et de l'abus sexuel. L'abus de pouvoir peut prendre diverses formes allant de l'intrusion dans l'intimité des élèves à la violence verbale ou physique. À cet égard, il a fallu rappeler aux futurs enseignants que le contrôle de la relation pédagogique appartient à la personne en autorité et non à celle qui est en relation de dépendance, donc au maître et non à l'élève (Valiquette, 1997). Et cela en dépit du fait que certains élèves peuvent se montrer manipulateurs ou agressifs et en raison même de ce risque. L'abus sexuel est aussi une sorte d'abus de pouvoir comportant des bénéfices sexuels pour la personne qui abuse. La difficulté des étudiants à percevoir quelle pourrait être la bonne distance dans leurs futures relations pédagogiques est explicitement liée à lacrainte d'accusations injustifiées d'abus sexuels en cas de contact physique avec les élèves. Il faut savoir que la société québécoise a criminalisé l'abussexuel tout en ne donnant pas toujours assez d'information et de formation auxéducateurs pour qu'ils départagent avec certitude un geste pédagogique d'ungeste affectueux ou d'un geste érotique (Desaulniers, 1998). La question de la séduction est une véritable question éthique en éducation (Gauthier et Jeffrey,1999).
Quand les étudiants analysent les difficultés éthiques des enseignants en terme d'abus de pouvoir, ils sont conscients de disposer d'un certain pouvoir conféré par l'école et la société et d'avoir parfois tendance à garder ce pouvoir pour leur propre satisfaction narcissique plutôt que de l'utiliser pour aider leurs élèves à apprendre. Ils peuvent alors comprendre pourquoi certains enseignants s'abstiennent de tout contact et de toute proximité affective avec leurs élèves, par peur de mal gérer leur pouvoir professionnel et leur désir personnel.  Ils redonnent à la notion de pouvoir une place qui a toujours été centrale chez Platon, Aristote, Montaigne, Rousseau, Alain et Reboul qui se sont intéressés à la politique tout autant qu'à l'éducation. La façon dont est abordé le pouvoir en éducation se limite souvent aux questions de discipline ou selon la formulation actuelle, à la gestion de la classe: il s'agit de gérer les apprentissages en même temps que les comportements, de
limiter les comportements difficiles pour favoriser l'apprentissage. Considérer les questions de pouvoir comme des questions de pure discipline empêche de prendre conscience du véritable pouvoir éducatif, celui qui induit des changements chez les personnes. L'éducation est pourtant bel et bien une intervention délibérée en vue de changer autrui, avec sa participation et pour le mieux. Ne pas le reconnaître c'est risquer la manipulation qui est aussi un abus de pouvoir.

L'éthique dans la relation du maître au savoir

Alors que les futurs enseignants perçoivent avec acuité les manques à l'éthique dans la relation maître-élève, ils ignorent ceux qui pourraient advenir dans la relation maître-savoir. Pour peu qu'on les interroge, ils trouvent
facilement des souvenirs d'incompétence académique dans leur expérience personnelle; ignorance, acceptation de cours sans formation spécifique, cours non préparés, maîtrise moins que minimale de la langue écrite ou orale, absence de mise à jour des connaissances requises pour enseigner. Ce sont des manques à l'éthique qui touchent le savoir et le rôle de transmetteur de savoir qui est celui de l'enseignant, de plus en plus flagrants au fur et à mesure que le niveau des connaissances à transmettre augmente. Le plus dangereux
est peut-être, pour un enseignant, de ne plus être soi-même dans le désir d'apprendre, de ne plus se situer dans la relation au savoir. L'expression professeur-chercheur qui caractérise les enseignants universitaires québécois devrait relever du pléonasme. Dans une société où les connaissances se multiplient et se complexifient à grande allure, les enseignants sont vite confrontés aux limites de leur savoir académique. Ceux d'entre eux qui se hasardent à improviser devant les élèves pour pallier leur ignorance risquent de perdre toute crédibilité, donc toute capacité d'enseigner. Le rôle des enseignants n'est peut-être plus, comme autrefois, d'être les vecteurs directs de transmission du savoir, mais plutôt de permettre l'accès à celui-ci, d'apprendre à chercher, à trouver, à organiser le savoir disponible dans la société. L'enseignant qui accepte de continuer à apprendre pour ses élèves maintient vivante et significative sa relation au savoir. Celui qui fait sienne la formule de Claparède "Discat a puero magister" (le maître apprend à partir de l'élève) a trouvé la clef du dynamisme professoral et du bonheur d'enseigner. 
L'éthique dans la relation à l'école
Les difficultés éthiques des enseignants ne se trouvent pas uniquement à l'intérieur du triangle pédagogique composé du maître, de l'élève et du savoir. Au-delà de la classe se trouve l'école et au-delà de l'école, s'étend la société. Il semble très difficile aux futurs enseignants de percevoir les problèmes éthiques relatifs à l'institution scolaire avant d'avoir effectué leur premier stage en milieu scolaire. Concentrés sur leurs élèves et sur leur
classe, ils sont peu enclins à considérer les collègues, le personnel de l'école ou les parents comme des partenaires éducatifs avec lesquels des conflits de nature éthique pourraient survenir. Les enseignants d'expérience, quant à eux, constatent la fréquence de conflits d'intérêts et de conflits de valeurs à l'école dont ils n'émergent qu'en négociant péniblement un accord entre leurs valeurs individuelles et celles du milieu scolaire (Jutras, 1997). L'institution scolaire est le lieu d'enjeux éthiques considérables.
Alors qu'en France on en appelle à une éthique de la collégialité, au Québec, c'est la notion de professionnalisme collectif (Bisaillon, 1993) qui est avancée pour inciter les enseignants à considérer leur travail en relation avec leurs partenaires éducatifs; elle concerne en premier lieu, les relations aux collègues. Le professionnalisme collectif pourrait rompre l'isolement des enseignants, favoriser la collaboration et le travail d'équipe, stimuler l'implication professionnelle (CSE, 1991). Il se présente aussi comme un rempart contre l'intolérance, la discrimination ou même la diffamation de la part de collègues dont sont parfois victimes les enseignants. Les relations aux parents peuvent, elles aussi, bénéficier de ce souci éthique dans le cadre de mécanismes de concertation les associant au maximum aux décisions éducatives. Les enseignants ont également à tenir compte des orientations éducatives de l'institution, à s'approprier l'éthos du milieu dans lequel et pour lequel ils travaillent. Ce qui est particulièrement vrai pour les écoles religieuses ou celles qui ont un projet éducatif particulier, par exemple les Écoles alternatives, les Écoles Waldorf ou les Écoles Brundland, l'est aussi pour tout établissement ayant à déterminer ses priorités et ses valeurs éducatives. Le respect des règlements scolaires n'est qu'une application limitée de cette obligation, qui peut devenir beaucoup plus formatrice quand ces règlements sont élaborés collectivement, discutés et appliqués avec les élèves et non pas seulement utilisés pour les contraindre et les pénaliser. C'est dans cette perspective de formation éthique collective que s'est effectué tout un travail sur les règlements intérieurs des lycées et collèges français (Filloux, 1997). La participation au projet éducatif de l'école et l'adhésion aux orientations éducatives nationales font partie intégrante de l'éthique enseignante (Gohier,1999). Non seulement favorisent-elles l'engagement institutionnel des enseignants, mais elles en font des acteurs éducatifs impliqués plutôt que des exécutants routiniers de décisions administratives. 
L'éthique dans la relation à la société  Si les futurs enseignants consultés semblent peu conscients des problèmes éthiques qu'ils pourraient rencontrer dans le milieu scolaire, ils se sont montrés encore moins concernés par la relation à la société. Ils considèrent le métier d'enseignant comme un travail individuel, dans le cadre limité d'une classe. Poser la question d'une éthique professorale liée à la fonction sociale de l'école les surprend. L'idée d'une mission sociale de l'école, à laquelle les enseignants sont appelés à collaborer fut déterminante dans l'histoire de l'éducation au Québec où l'école religieuse a permis la défense de la religion catholique avec celle de la langue et de la culture française. Or, l'idée d'une mission sociale de l'école et d'un rôle social des enseignants n'ont pas disparu avec la laïcisation des institutions scolaires.  Dans un contexte de laïcisation, l'école peut encore avoir une mission; celle de changer la société. Aussi bien l'école laïque française de la fin du XIXème siècle que celle de la Première République portuguaise se sont données comme mission de contrer l'ignorance populaire, d'unifier la société par une langue et une foi commune dans la nation et de passer de la ruralité à la modernité (Pedro, 1997). La notion de responsabilité collective, celle d'un corps professionnel engagé dans un changement social a déjà animé les sociétés occidentales, quand les projets sociétaux étaient clairs et affirmés. Il n'est guère étonnant dans l'état de désarroi éthique actuel que les futurs enseignants québécois peinent à concevoir une dimension sociale à leur profession. L'école n'est pas si étrangère au contexte dans lequel elle se situe que les futurs enseignants ne puissent constater les diverses formes de violence auxquelles elle est confrontée; violence contre l'école (vandalisme, vols), violence entre élèves (extorsion d'argent ou de biens, vols, harcèlement sexuel), violence envers les élèves (abus de pouvoir), envers les parents ou les enseignants (menaces, abus physiques). La prévention de la violence à l'école est un des thèmes les plus féconds de la recherche éducative actuelle au Québec. C'est aussi une façon privilégiée d'aborder les questions éthiques à l'école. En élargissant cette question à celle des droits et des responsabilités de chacun dans un état de droit, l'école ouvre la porte à une véritable éducation à la citoyenneté. Quand bien même les futurs enseignants voudraient l'ignorer, leur travail relève d'un service public, celui de l'enseignement. Leur statut social est celui de fonctionnaires, liés au ministère de l'Éducation qui définit les finalités, les orientations éducatives et les programmes d'enseignement qui leur sont autant d'obligations professionnelles. Au Québec, l'article 22 de la Loi de l'instruction publique énonce leurs droits et leurs responsabilités d'enseignants, des ententes locales entre syndicats d'enseignants et structures administratives précisent leurs rôles et leurs tâches. C'est dire queles enseignants ont à leur disposition des balises légales et des indicationspour situer leurs interventions dans une perspective de responsabilité sociale.Mais ces textes ne sont guère connus des enseignants; ils ne s'y réfèrent passpontanément pour guider leurs interventions quotidiennes même si cestextes peuvent être utilisés pour régler administrativement les problèmes lesplus graves (Jutras, 1997). À eux seuls, ils ne suffisent pas à développer unsentiment d'appartenance à une structure administrative soit-elle le ministèrede l'éducation, à s'impliquer dans un projet social. Une éthique du service public en éducation est encore à développer. Elle pourrait prendre pour les enseignants deux directions complémentaires; un engagement net en faveur de la réussite des élèves fondé sur les valeurs de l'éducation telles que présentées dans la première partie de ce texte et une habitude de l'intervention publique en éducation (Bisaillon, 1993). Autrement dit, un engagement des enseignants à l'interne et à l'externe favorisant leur responsabilisation, leur autonomie et leur reconnaissance sociale. 

3. L'éthique et la professionnalisation du métier d'enseignant

C'est à plusieurs titres que les enseignants sont confrontés à des questions éthiques; comme pédagogues dans leur relation aux élèves, comme intellectuels dans leur relation au savoir, comme fonctionnaires dans leur relation à la société.
Une des solutions proposées pour résoudre, entre autres, ces questions éthiques est le passage du métier actuel d'enseignant à une profession. Cette professionnalisation s'effectue au Québec en deux mouvements distincts; le premier étant plutôt une professionnalisation du métier d'enseigner ou professionnalisation de l'enseignement et le second le passage à un ordre professionnel des enseignants.
La professionnalisation de l'enseignement est issue de besoins ressentis depuis une décennie par les enseignants et par les autorités éducatives; ceux de développer les compétences des enseignants et de valoriser la fonction enseignante qui souffre d'un déficit d'image et d'un manque de reconnaissance sociale (CSE, 1991). La professionnalisation des enseignants ou le passage des enseignants au statut de professionnels
reconnus, est considérée comme un moyen de s'assurer de la qualité de l'éducation, de rehausser le niveau scientifique des enseignants en développant la recherche en éducation, de les associer aux décisions concernant l'exercice de leur métier, de développer le partenariat, de favoriser la formation continue (Gohier, 1999). Ce mouvement est engagé au Québec depuis plusieurs années sous l'impulsion du Conseil supérieur de l'éducation, des Départements des Sciences de l'éducation et des associations d'enseignants.  Il constitue une réponse à des attentes sociales élevées par rapport à l'école et aux enseignants.
La création d'un ordre professionnel des enseignants est considéré par certains comme l'aboutissement logique du processus de professionnalisation de l'enseignement (Tardif et Gauthier, 1999). Cet ordre professionnel des enseignants dont la demande de reconnaissance a été déposée à l'Office des professions du Québec en 1998 par le Conseil Pédagogique Interdisciplinaire du Québec regroupant les associations d'enseignants se substituerait dans l'avenir aux associations ou corporations professionnelles actuelles. L'impact de la reconnaissance d'un ordre professionnel des enseignants Parallèlement au rôle des syndicats qui est de défendre et de protéger leurs membres, le rôle principal des ordres professionnels est de protéger le public. On peut comprendre que certains choisissent la voie de la création d'un ordre professionnel pour protéger les élèves ou même les collègues contre de possibles manques d'éthique de la part des enseignants. Parmi les diverses fonctions d'un ordre professionnel des enseignants, celle du contrôle par les pairs a retenu particulièrement l'attention des futurs enseignants; ils comptent sur ce contrôle pour améliorer l'éthique professionnelle des enseignants (Desaulniers, 2000-b). Il est compréhensible que les associations de parents soient également en faveur d'un ordre professionnel des enseignants, pour protéger leurs enfants contre des abus de pouvoir ou de l'incompétence de la part des enseignants.  Cependant, la protection des préjudices possibles n'est qu'un des éléments permettant à l'Office des professions de reconnaître une profession. Les autres éléments de l'article 25 du Code des professions du Québec relatifs à la reconnaissance d'un ordre professionnel sont les suivants: la présence de connaissances spécialisées (qui différencient une technique ou un métier d'une profession), l'autonomie dans l'exercice des fonctions (qui différencie un technicien ou un exécutant d'un professionnel), la relation de confiance avec le client (qui nécessite le secret professionnel), la précision des actes professionnels (qui permet la coexistence de plusieurs professions et métiers dans un même champ d'intervention). Il est aisé de voir que dans cette liste, ce sont la relation de confiance et la gravité des préjudices qui sont le plus étroitement en relation avec l'éthique enseignante. C'est un même type déraisonnement qui a prévalu quand des codes et des comités d'éthique ont été imposés par une loi du ministère de la Santé et des Services Sociaux du Québec à tous les établissements de santé comme les hôpitaux, les centres de services en déficience intellectuelle ou les centres d'accueil pour personnes âgées (Legault, 1997). La raison invoquée fut la nécessité de protéger les clients, des personnes vulnérables et dépendantes. Ces caractéristiques de vulnérabilité et de dépendance peuvent s'appliquer aussi aux élèves vis-à-vis desquels les enseignants exercent divers pouvoir; celui de parler, celui d'évaluer des compétences, celui de contrôler les comportements, d'induire des attitudes, de promouvoir des valeurs. L'existence d'un ordre professionnel semble à certains un rempart assez efficace contre le mauvais usage ou l'abus de pouvoir en enseignement.

L'éthique et la déontologie de l'enseignement

Une des conséquences de l'appartenance à un ordre professionnel est l'obligation légale de se doter d'un code de déontologie et d'un comité de discipline contrôlant l'application de ce code. La déontologie étant l'application de l'éthique à une profession ou à une activité sociale, le code de déontologie vient préciser les conditions de cette application et servir de référence en cas de plainte d'un client. La structure des codes de déontologie québécois est constante; chaque code comprend successivement les devoirs et obligations envers le public, envers le client et envers la profession. En tant qu'instrument de régulation des conduites professionnelles, le code de déontologie fonctionne sur le modèle légal et fonctionne selon des procédures d'ordre juridique; dépôt de plaintes, examen de leur recevabilité, comparution, évaluation, accusation et le cas échéant, pénalisation. Ce qui fait la spécificité du code de déontologie, c'est qu'il est rédigé et utilisé par les membres d'un ordre professionnel, sa fonction de régulation interne étant à la fois dissuasive et répressive. Bien que cet outil ait montré son efficacité dans les cas les plus lourds d'incompétence ou de manque à l'éthique professionnelle, il s'avère peu efficace pour inspirer les actions quotidiennes des professionnels et résoudre les dilemmes éthiques qu'ils rencontrent. S'il est utilisé seulement  après-coup, pour évaluer une plainte et ce de façon purement légale sans s'appuyer sur des valeurs communes et partagées, il n'a guère de fonction éthique. Un code de déontologie qui est mal connu, peu diffusé parmi ses utilisateurs et au sujet duquel les professionnels n'ont eu que de l'information, sans véritable formation éthique n'est guère plus significatif. Il ne s'appuie pas sur un éthos collectif fort et ne contribue pas non plus au développement de celui-ci. Autrement dit, l'appartenance à un ordre professionnel et l'utilisation d'un code de déontologie ne sont pas automatiquement garants d'une éthique professionnelle collective.
À l'opposé des codes de déontologie, les codes d'éthique ont une fonction d'éducation et de soutien, proposant des valeurs et des principes pour orienter les interventions. Ils sont utilisés préventivement et gérés par des comités d'éthique dont le rôle est d'éclairer la prise de décision. Sans que l'on puisse préjuger de l'utilisation que font les professionnels des instruments mis à leur disposition, il semble que les codes et les comités d'éthique favorisent plutôt la délibération éthique alors que les codes de déontologie favorisent davantage l'obéissance à des règles (Patenaude et Legault, 1996). Jusqu'à présent, les enseignants québécois ne disposent ni de codes d'éthique liés au milieu scolaire, ni de codes de déontologie liés à une profession.  Pour agir, ils ne peuvent se référer qu'à leurs valeurs personnelles et aux usages de leur milieu de travail implicites ou codifiés dans des règlements internes, ce qui leur paraît parfois insuffisant. Ils ne peuvent prendre appui sur une conscience collective propre à leur fonction d'enseignant, sur une éthique professionnelle explicite et partagée. Il existe pourtant un besoin d'analyse des pratiques enseignantes au point de vue éthique (Longhi, 1998) qui s'est manifesté souvent dans le débat sur la professionnalisation de l'enseignement. Ce besoin peut prendre la forme d'une demande de contrôle des pratiques enseignantes et d'un autocontrôle dans le cas d'un ordre professionnel. Si les enseignants ne deviennent pas membres d'un ordre professionnel, ils n'en continueront pas moins d'être confrontés aux exigences éthiques de leur fonction et devront les assumer par d'autres moyens que la référence à un code de déontologie. Que les enseignants se dotent d'un ordre professionnel ou non, la société leur demande de rendre compte de leur action; ils sont imputables et responsables de leurs actes professionnels et ne peuvent éviter le recours à une certaine éthique professionnelle (Gohier, 1999).

L'éthique professionnelle et le professionnalisme

L'éthique professionnelle des enseignants est une illustration de ce que pourrait être une application de l'éthique dans le champ de l'éducation; elle aide ceux-ci à prendre des décisions et à assumer leur pouvoir de façon éthique. C'est une nécessité compte tenu du pouvoir qui est accordé aux professionnels, en vertu de leurs compétences. Il est logique que les enseignants s'interrogent sur l'éthique de leur métier au moment où ils précisent et développent leurs compétences et leur identité professionnelle.
La profession médicale étant le modèle auquel toutes les autres professions se réfèrent, on peut constater que le serment d'Hippocrate illustre encore assez justement ce qu'implique un engagement publique à respecter une éthique professionnelle que l'on qualifierait aujourd'hui d'éthique du service (Lessard, 1999). Le nouveau médecin s'engage à n'utiliser son pouvoir ni pour tuer, ni pour s'enrichir, à respecter son maître et même à subvenir aux besoins de celui-ci, si nécessaire, et cela en prenant les Dieux à témoin. C'est par cet engagement solennel qu'il entre dans le groupe social des médecins et qu'il en assume les devoirs, les pouvoirs et les responsabilités. Pour accomplir son rôle de médecin, il ne se fie pas exclusivement à sa conscience personnelle mais se réfère à un idéal professionnel explicite, collectivement partagé et reconnu. Alors que le terme de conscience professionnelle est un dérivé de la conscience personnelle, celui de professionnalisme utilisé actuellement en sociologie des professions concerne l'idéal professionnel d'un groupe social. Le professionnalisme "réfère aux personnes ou groupes qui, tout en se spécialisant dans le but d'acquérir des connaissances théoriques et pratiques nécessaires pour œuvrer dans un domaine spécifique de la division sociale et technique du travail, intériorisent progressivement les valeurs privilégiées par la collectivité occupationnelle à laquelle ils appartiennent et adoptent les attitudes ainsi que les comportements qu'ils devront privilégier dans l'exercice de leurs fonctions professionnelles" (Larouche, 1987, 37).Cette définition amène à s'interroger sur les valeurs collectives des enseignants, celles qu'ils devraient acquérir au cours de leur formation et maintenir au cours de leur carrière. Voilà une nouvelle façon de poser la question des valeurs en éducation, passant de la question de la formation morale, le "Peut-on enseigner la vertu?" de Platon, par celle de l'identification et des modes d'enseignement des valeurs à l'école (Pedro, 1997), jusqu'aux valeurs des enseignants. Oserons-nous aller jusqu'à nous demander quelles vertus il faudrait pour enseigner tout en sachant que le risque de politisation inhérent à cette question a fortement contribué à sa mise à l'écart? Mise à part la reconnaissance de la valeur de l'éducation et des finalités éducatives, il semble difficile de définir le "cadre éthique" dans lequel travaillent les enseignants (Gaudreau, 1999, 148). La profession enseignante est perçue parles futurs enseignants, rappelons-le, comme individuelle, pour ne pas dire personnelle. Le corps enseignant de dispose pas d'une véritable vie associative, en dehors des syndicats, qui pourrait socialiser ses membres et développer des valeurs et croyances communes. Le rôle social des enseignants est difficile à cerner dans une époque de constante remise en question du système scolaire; leur fonction symbolique est peu claire, y compris pour eux-mêmes. Certains codes de déontologie intègrent des valeurs comme fondements des réglementations qu'ils contiennent, ce qui constitue une première étape d'identification de valeurs professionnelles et une incitation à les respecter. Mais pour que des valeurs professionnelles soient vraiment intériorisées, il faut beaucoup plus qu'un texte officiel, que ce soit un code de déontologie ou une loi.  Un travail de réflexion personnelle sur les valeurs professionnelles et un apprentissage de la délibération éthique sont nécessaires en formation initiale, pour les futurs enseignants et un accompagnement continu en cours de carrière pour les enseignants en exercice. Peut-on s'étonner qu'il faille envisager un véritable travail sur soi et une véritable formation éthique pour les enseignants, une éducation et non pas simplement des mécanismes de régulation interne et de répression? Ces éléments constituent des exigences de professionnalisme à la hauteur des attentes sociales vis-à-vis des enseignants. Elles sont à élaborer non pas seulement pour protéger l'image publique des enseignants, mais pour retrouver le sens de l'enseignement et surtout celui de l'éducation.
Les préoccupations éthiques sont nombreuses dans le domaine de l'enseignement, qu'elles concernent les fondements de l'éducation, son sens, sa finalité ou les diverses relations que les enseignants entretiennent avec les élèves, le savoir ou l'institution scolaire et à travers elle, toute la société. Les futurs enseignants québécois en Adaptation Scolaire se montrent sensibles aux problèmes éthiques liés à la relation pédagogique alors que les enseignants en exercice sont confrontés à des conflits de valeurs au sein de leurs établissements. Les uns comme les autres ont à gérer un pouvoir dont ils peuvent abuser de différentes façons, à concilier leurs valeurs personnelles à l'éthos de leur milieu de travail. L'idée que l'enseignement nécessite une éthique de service public est en développement ainsi que la réflexion sur les valeurs des enseignants. alors que le mouvement de professionnalisation de l'enseignement met l'accent sur les compétences des enseignants, sur leur autonomie professionnelle, leur responsabilité et leur imputabilité. Ce mouvement s'est accompagné au Québec d'une demande, par certains, de création d'un ordre professionnel des enseignants qui devra se doter d'un code de déontologie dont la fonction de contrôle est essentielle. Cependant, les codes de déontologie se sont jusqu'à présent révélés généralement insuffisants pour développer un sentiment d'appartenance et des valeurs professionnelles communes. Pour rendre explicite et vivant un professionnalisme enseignant, un travail de réflexion personnelle et une formation en éthique professionnelle seront indispensables en formation initiale et en formation continue.