LE PREMIER HOMME : COMMENT VIVRE SANS DIEU ?

20/11/2014 16:37
Albert Camus
Roman
L'Etranger

Résumé

Meursault, le narrateur, employé de bureau algérois, apprend la mort de sa mère. Il prend l'autobus pour se rendre à l'asile où elle a fini ses jours et assiste avec indifférence à la veillée et à l'enterrement. Le lendemain, samedi, il rencontre Marie dans un établissement de bains, l'emmène au cinéma et passe la nuit avec elle. Le dimanche s'étire dans l'ennui et le désœuvrement. Meursault retrouve son bureau et ses voisins: Céleste le restaurateur, le vieux Salamano qui bat son chien, et Raymond Sintès, dont on dit dans le quartier qu'il «vit des femmes». Celui-ci demande à Meursault de rédiger une lettre destinée à une femme qui l'a trompé. Le samedi suivant, Meursault se rend à la plage avec Marie. Au retour, ils assistent à une scène violente au cours de laquelle Raymond frappe sa maîtresse. La police étant intervenue, Meursault accepte de témoigner en faveur de Raymond ... Meursault et Marie vont passer le dimanche à la plage, avec Raymond. Deux Arabes les ont suivis. L'un est le frère de la femme que Raymond a maltraitée. Une dispute éclate: Raymond est blessé d'un coup de couteau. Un peu plus tard, par une chaleur accablante, il revient provoquer son agresseur. Meursault, qui lui, a pris son revolver par précaution, se retrouve seul face à l'Arabe. Aveuglé par le soleil et l'éclat du couteau que celui-ci a sorti de sa poche, il tire sur lui...
Albert Camus s'explique dans une dernière interview, en janvier 1955: «J'ai résumé L'Étranger, il y a longtemps, par une phrase dont je reconnais qu'elle est très paradoxale: “Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort.” Je voulais dire seulement que le héros du livre est condamné parce qu'il ne joue pas le jeu. En ce sens, il est étranger à la société où il vit, où il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle. Et c'est pourquoi des lecteurs ont été tentés de le considérer comme une épave. On aura cependant une idée plus exacte du personnage, plus conforme en tout cas aux intentions de son auteur, si l'on se demande en quoi Meursault ne joue pas le jeu. La réponse est simple : il refuse de mentir.» (...) «Meursault, pour moi, n'est donc pas une épave, mais un homme pauvre et nu, amoureux du soleil qui ne laisse pas d'ombres. Loin qu'il soit privé de toute sensibilité, une passion profonde parce que tenace, l'anime : la passion de l'absolu et de la vérité. Il s'agit d'une vérité encore négative, la vérité d'être et de sentir, mais sans laquelle nulle conquête sur soi et sur le monde ne sera jamais possible.» (...) «On ne se tromperait donc pas beaucoup en lisant, dans L'Étranger, l'histoire d'un homme qui, sans aucune attitude héroïque, accepte de mourir pour la vérité. Il m'est arrivé de dire aussi, et toujours paradoxalement, que j'avais essayé de figurer, dans mon personnage, le seul Christ que nous méritions. On comprendra, après mes explications, que je l'aie dit sans aucune intention de blasphème et seulement avec l'affection un peu ironique qu'un artiste a le droit d'éprouver à l'égard des personnages de sa création.»
 

 
 

LE PREMIER HOMME : COMMENT VIVRE SANS DIEU ?

Dans Le Premier Homme, Camus annonçait l’ouverture d’un troisième volet de son œuvre : le cycle de l’amour, après ceux de l’absurde et de la révolte. Le Premier Homme se constitue ainsi comme une nouvelle Genèse. Jacques Cormery, nouvel Adam, a cette particularité de s’avancer dans un univers sans créateur. Si Camus se déclarait d’une incroyance « passionnée », on est frappé pourtant par la perpétuelle résurgence de la question de Dieu, grand absent-présent du Premier Homme. La structure du manuscrit inachevé conduit Jacques Cormery à accepter la dérobade et l’oubli de l’origine, avant un ressourcement dans l’évocation de l’enfance.
 
 
 

LA FIGURE DE L'INNOCENT CHEZ CAMUS

L’étude de la question du terrorisme telle qu’elle est traitée dans Les Justes par un Camus lecteur de Dostoïevski est celle d’une oscillation permanente entre le thème de l’innocence pure et celui de l’innocence pervertie. Le propos s’élargit dans L’Etranger, où l’on trouve simultanément un ordre menacé par la dissidence de Meursault et l’expression d’une révolte contre la totalité des valeurs sociales.

 

 

ALBERT CAMUS : À L’ENDROIT LA LITTÉRATURE, LA PHILOSOPHIE À L’ENVERS

La déclaration faite un jour par Camus « Je ne suis pas un philosophe » manifeste un certain agacement devant les multiples tentatives pour le situer par rapport à cette discipline. Il s’agit d’étudier les raisons de cette interrogation récurrente sur le statut de son œuvre. A partir de l’avis superficiel selon lequel Camus serait un « mauvais philosophe », il faut considérer les véritables sources d’une œuvre dans laquelle le rocher de Sisyphe, représentation de l’immense détresse de l’homme absurde, constitue l’envers d’une œuvre littéraire où la figure romanesque de l’Etranger devient une incarnation de la Différence.
 

CHUTE LIBRE OU LE DÉCLIN DU JUGEMENT CHEZ ALBERT CAMUS

Dans son oeuvre, Camus, loin de défendre tel ou tel système de valeurs, utilise le matériau littéraire pour mettre ces différents systèmes en tension. La « question du juste » (savoir ce qui est juste) y joue un rôle capital. Cette préoccupation se retrouve dans L’Etranger, La Peste, Les Justes et Caligula, et tout particulièrement dans La Chute, où le problème du jugement est évoqué par le monologue du personnage unique.
 

CAMUS ET HEIDEGGER : LES NOCES AVEC LE MONDE

La condamnation par Sartre de « l’incompétence philosophique » de Camus manifeste son incompréhension d’une éthique où la générosité s’exprime au sens cartésien du terme, celui de l’estime de soi-même. Camus ne se comprend en effet que par ce fragile équilibre entre la vertu d’une volonté juste et le bonheur de l’estime de soi. Paradoxalement, on retrouve Camus lecteur de Hölderlin dans des œuvres philosophiques comme L’Envers et l’endroit, L’Homme révolté, Le Mythe de Sisyphe, tandis que des œuvres lyriques comme Noces à Tipasa sont influencées par sa lecture de Heidegger. Les deux approches fusionnent dans le sacré privé de joie de L’Eté.
 

 

DE L'ENVERS ET L'ENDROIT AU PREMIER HOMME

Il s’agit dans cette leçon d’étudier le lien entre L’Envers et l’Endroit et Le Premier Homme à la lumière des textes antérieurs qui s’y rattachent, ainsi qu’à celle de l’influence de Jean Grenier sur Camus. Le sentiment de sensibilité, déjà présent dans les Carnets, peut-il recevoir le nom d’amour dans ce roman symbolique de la condition humaine, qu’il est peut-être également pertinent de nommer « roman de la mère » ?

ALBERT CAMUS, MORALE ET LITTÉRATURE

Dans quelle mesure la morale que Camus a tenté de concevoir après Le Mythe de Sisyphe a-t-elle infléchi sa conception de littérature ? Dans quelle mesure cette conception a-t-elle pu se soumettre à une pensée morale ? Il faut partir de l’idée que Le Mythe de Sisyphe définit une morale personnelle, tandis que L’Homme révolté, dix ans plus tard, cherche à formuler une morale collective dont la clef de voûte est la notion de communauté. Il devient ensuite nécessaire de s’interroger sur la tâche assignée par Camus à la création littéraire, sur la nature de l’esprit de révolte, sur le double refus du réalisme comme des oeuvres dont la réalité est expulsée, et enfin d’étudier le rapport de Camus avec la poésie.

SARTRE À VENISE, UNE PALINODIE

L’attachement de Sartre à Venise est profond et durable, mais aussi mystérieux car tout chez Sartre paraît s’opposer à Venise. Sartre trouve à Venise la possibilité de changer radicalement de projet existentiel, d’être « un autre Sartre », d’écrire, à travers une utilisation fréquente de la métaphore, cette espèce de contre-Nausée qu’est La Reine Albemarle ou le dernier touriste, avant d’en sortir, et de revenir à son essai engagé sur Les communistes et la paix.