Les Juifs d'Algérie / 2000 ans d'existence ( 2 ) / Les juifs au Maghreb à travers l'histoire

17/08/2014 19:24

 

Aissa Chenouf

Les Juifs d'Algérie

A travers l'histoire

1 / Phéniciens et Hebreux

2 / La Kahena

3 / Stora, Seror Benaim

4 / Choc de culture

5 / Dhimma ou le contrat musulman

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Les colonies juives dans l'Afrique romaine 
( d'après les cahiers de Tunisie T.18. 1970 )
 
 

 Les juifs au Maghreb à travers l'histoire

 
La communauté juive d'Algérie, partie intégrante du judaïsme d'Afrique du Nord, s'est formée par l'accumulation de diverses immigration. Jusqu'à présent, par rapport aux autres communautés, elle a été peu étudiée. L'Algérie n'existe d'ailleurs, dans les frontières proches de l'actuelle République algérienne, que depuis l'établissement de la régence turque d'Alger, en 1516. Auparavant, ce pays, le Maghreb central, avait subi le même sort que les autres contrées maghrébines avec les occupations romaine, byzantine, arabe amenant des populations, des régimes, des religions différentes. Ce sont les français qui, à partir de 1831, emploient pour la première fois le mot même Algérie.
 
Pour certaines périodes de l'histoire des Juifs en Algérie, les sources d'informations font défaut; l'historien est obligé de s'ne tenir à des suppositions ou de raisonner par analogie avec ce qu'il connait des pays voisins. C'est le cas pour les origines.
 
I. ---  Phéniciens et Hébreux 
Au XIe  siècle avant J.C., les phéniciens et les hébreux constituent un même groupe; ils ont une langue et des pratiques religieuse communes. Les phéniciens détrônent les Crétois dans le commerce maritime en Méditérranée et participent avec les hébreux à la colonisation des pays d'outre-mer. Ces derniers seraient les fondateurs des comptoirs de Hippo Régius ( Annaba ), Igilgili ( Jijel ), Tipasa, Iol (Cherchel ), Icosium ( Alger ), Cunugu ( Gouraya )..., avant même que Carthage et cela ne renforce ses propres comptoirs.
 
Il est probable aussi que ces juifs arrivent en Afrique du Nord, par la route de l'Egypte, provenant d'une immigration palestinienne, conséquence de la conquête de la Terre sainte par les Egyptiens. Le roi d'Egypte Hedjehéperrê II Sétepenrê IX Sésac I ( - 950 à - 929 ), pille en 930 Jérusalem, et emmène des juifs captifs dans la vallée du Nil, d'où ils peuvent partir pour l'Afrique du Nord.
 
Selon Flavius Josèphe, lors de l'invasion de la Palestine par Ptolémée Ier Soter, cent mille juifs auraient été déportés en Egypte, d'ouù ils sraient passés en Cyréaique et dans les autres pays d'Afrique du Nord. Enfin, en 18, Chaphyra, veuve d'un fils du roi juif Hérode le Grand, se marie avec Juba II, roi de Mauritanie.
 
C'est en l'an 40 de nôtre ère que Rome annexe la Mauritanie et la partage en deux privinces dont l'une, la Césarienne, comprend le nord des départements d'Alger,d'Oran et le nord-ouest du département de Constantine. La renaissance du pays permet la croissance de la population sédentaire surtou lors de de l'immigration juive de masse, qui se produit dans la première moitié du IIè siècle avec les fugitifs de la répression qui frappe les Juifs de Cyrénaique et d'Egypte soulevées contre Rome. Datent de cette époque plusieurs inscriptions juives : à Cirta ( Constantine ) deux inscriptions funéraires latines, d'un Julius Animus Judeus et d'un Pompieus Rstitus Judeus; à Kalfoun ( près de Setif ), à Auzia (Aumale ); à Sérif existait une synagogue au IIIè sicèle comme en fait foi une inscription dédiée à Avila Aster Judea M. Avilus Januarius pater synagogue. Au IVè siècle, une synagogue fut construite à Tipasa. Selon saint Jérome ( 347 - 420 ), en son temps, il y avait une chaîne continue de colonies juives depuis la Mauritanie jusq'en Orient.
 
Les juifs pratiquent les mêmes professions que les berbères, les Puniques ou les Romains. Saint Augustin ( 354 - 430 ) les traite de paresseux parce qu'ils observent le shabbat. Les hommes travaillent aux champs; quant aux femmes, elles filent la laine et confectionnent des vêtements.
 
En 429, Les Vandales, qui ont embrassé l'hérésie arienne, envahissent le Maghreb : ils s'allient aux juifs qui bénéficient sous Genséric et ses succsseurs d'une liberté religieuse totale. Avec la reconquête par Byzance en 533, les juifs vont subir des lois restrictives. Dans la « nouvelle 146 », l'empereur Justinien 1er ( 482 - 565 ) restreint la juridiction des autorités religieuses juives, en exigeant que les juifs lisent les livres dans la langue du lieu, comprise de tous les assistants, et en défendant aux prédicateurs de donner aux textes lus au cours des offices une interprétation « s'éloignant de leur sens », c'est-à-dire de celui que veulent y trouver les Chrétiens. L'étude de la Mishnah est aussi interdite. Sur le plan économique, les juifs ne peuvent plus posséder d'esclaves. Des propriétaires fonciers sont ruinés et contraints ainsi à s'expatrier, peut-être dans le sud ou dans la partie occidentale de l'Algérie actuelle, régions échappant au contrôle des Byzantins. Des synagogues comme celle de Tipasa sont transformées en Eglises. Cependant, malgré ces restrictions, les juifs vivent mieux qu'en Espagne au VIIè siècle, puisque, à la suite des décrets anti juifs édictés par les Rois Wisigoths dans ce pays, des juifs vinrent s'établir en Afrique du Nord.
 
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II. ---  La Kahena
Les arabes entreprennent la conquête du Maghreb en 688, avec à leur tête Sidi Oqba, la première attaque en 665 ayant échoué. Ils battent finalement les Byzantins, alors que les berbères vont les tenirs en échec de 688 à 708, principalement dans les Aurès sous la conduite de d'une femme, la Kahena Pour les historiens arabes comme Al Bakri ( v. 1040 - v. 1094 ), Al Idrisi ( 1100 - 1166 ), Ibn Abi Zar ( 1ère moitié du XIVè siècle ) de nombreuses tribus Berbères pratiquaient le judaÏsme. Mais des contradictions existent dans leurs témoignages. Ainsi pour Al Idrisi, la tribu des Nefoussa était chrétienne, alors qu'Ibn Khaldoun la voit juive. Ibn Khaldoun écrit « Une partie des Berbères juifs professait le judaisme, religion qu'ils avaient reçue de leurs puissants voisins les israёlites de la Syrie. Parmi les Berbères juifs, on distinguait les Djeraoua, tribu qui habitait l'Aures et à laquelle appartenait la Kahena, femme qui fut tuée par les arabes à l'époque des premières invasion. Les autres tribus juives étaient les Nefoussa, Berbères de Ifriqia, les Fendelaoua, les Mediouna, les Behloula, les Ghiata et les Fazas, Berbères du Maghreb - El - Acsa ».
 
Ces récits sur les Judéo-Berbères contiennent toutefois un noyau historique, malgré l'absence de correspondance échangée à ce sujet entre l'Espagne, l'Afrique du Nord et les docteurs Babyloinens. Une influence juive s'est exercée sur les berbères et certaines tribus se sont judaïsées vers le début de l'ère chrétienne, lorsque les juifs étaient prosélytes. Selon une tradition, un groupe de sept rabbins seraient venus de Terre sainte à cette époque pour judaïser les populations berbères. Réciproquement, les Juifs se sont berbérisés en adoptant des coutumes berbères comme celles des grandes libations d'eau pendant la fête de Shavouot ( Pentecôte ). Des saints sont vénérés en commun par les Juifs et les Musulmans comme Moulay Inrid à Ain-Tamazer, Moulay Tamaran à Ait Bouzo, Moulay el Bit à Ait-Chouaib et rabbi Ihya el-Hlou à Ksar el Souk.
 
Une partie des berbères, judaïsés au début de l'ère chrétienne, se christianisent, puis s'islamisent à la suite de la défaite de la Kahena qui meurt au combat. Ses enfants se convertissent à l'Islam et, avec un corps de douze mille cavaliers, il poursuivent la conquête de l'Afrique du Nord en convertissant tous les habitants. Les autres Juifs berbères seraient allés s'établir au M'Zab, dans le sud de l'Afrique du Nord. Les mariages entre Judéo-Berbères et les Juifs expliqueraient les très physiques des berbères des régions septentrionales du Maroc et de l'Algérie forts différents de ceux des populations du sahara ou des autres groupements juifs.
 
Du commencement du VIIIè siècle à la fin du XIVè siècle, le Maghreb central connaît une instabilité politique incessante du sahara à cause des différences sectes et des dynasties multiples.  
 
Du VIIIè au XIè siècle, la vie des communauté juives est assez obscure, nous savons seulement qu'après l'épisode de la Kahena, le pays ne semble pas posséder de communauté juives actives. On constate une immigration juive d'Irak et de Syrie qui accompagne le grand courant migratoire de l'époque des masses musulmanes d'Orient vers le Maghreb et l'Espagne, à cause de la désertification des régions dont elles sont originaires. Avec les Almohades, Berbères fondamentalistes, voulant islamiser tous les dhimmis ( gens du livre : Juifs et Chrétiens possédant un statut de protégé ), des communautés juives sont anéanties : en 1142, celles des agglomérations du Sud, en 1145, celle d'Oran, en 1146, celle de Tlemcen, qu'une élégie d'Abraham ibn Ezra relate, en montrant le terrible choix que doivent faire les juifs entre l'apostasie et la mort, et 1147, celle de Tlemcen. Parce que ce dernier ont violé les lois en vigueur.
 
Après ces persécutions, nous savons bien peu de choses sur la renaissance du judaïsme et sur la vie des communautés actives jusqu'à l'arrivée des juifs espagnols en 1391. Cependant, nous savons que des juifs vivent à Alger, Achir, Biskra, Bougie, Hammed, Honein, Kal'at, Majjama, M'Sila, Mostaganem, au M'Zab, à Oran, Ouargla, Tablat, Tiaret, Tlemcen, au Touat, où les maçons juifs sont réputés, à Touggourt, dans les montagnes au milieu des Berbères sur les plateaux et dans les oasis du désert où les juifs pratiquent l'agriculture et l'élevage. Les deux foyers rabbiniques importants sont Tiaret et Tlemcen. A Tiaret le plus grand savant est rabbi Juba ibn Koraich qui crée la linguistique comparative en l'appliquant à l'hébreux. A Tlemcen, on s'occupe plutôt de questions pratiques. Quant à la vie communautaire dans le Maghreb central, elle est soumise à l'influence des coures musulmanes.
 
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III. --- Stora, Seror Benhaim
Les communautés juives du Maghreb central connaissent une véritable mutation avec notamment, l'arrivée d'immigrants de la péninsule ibérique de 1391 à la suite des soulèvements meurtriers d'artisans, de paysans, de marins, de bourgeois et de chevaliers, du 6 juin au 13 août, en Castille et en Aragon, contre les quartiers juifs. Auparavant, en 1287, un groupe de juifs de Majorque avait émigré après la conquête de l'île par le Chrétien Jacque 1er d'Aragon. 
 
Selon Laugier de Tassy, il y a eu une immigration juive d'Italie en 1342, des Pays-Bas en 1350, de France en 1403, d'Angleterre en 1442, d'Espagne en 1462.
 
L'immigration espagnole s'est effectuée en fait de 1391 à 1492, date du décret d'expulsion, en transformant, au XVè siècle, le judaïsme d'Afrique du Nord. Ces juifs espagnols s'établissent principalement à Alger, Oran, Constantine, Mostaganem, Miliana, Bougie, Ténès et Tlemcen, « la perle du Maghreb », où une touchante légende évoque l'arrivée du rabbin Ephraïm Ankaoua.
 
Les juifs espagnols constituent, à leur arrivée, des groupements à part. A Alger, les juifs indigènes étaient appelés les « porteurs du turban », les judéo-espagnols,  les « porteurs de capuche ou du béret ». Selon une tradition locale, six familles auraient une origine espagnole : les Stora, issue d'une fille de rabbin Isaac Bar Checheth, dit Barfat, plus connu sous l'abréviation de Ribach, les Durans, les Séror et les  Benhaïm qui descendraient, en ligne droite ou collatérale, du grand rabbin Simon ben Simah Duran, les Oualid et les Ayache. L'élite des rabbins espagnols a imposé son autorité et ses réformes aux communautés existantes. A Alger, c'est le cas de Ribach ( 1329 - 1408 ) et de Simon Ben Simah Duran ( 1361 - 1442 ) Rashbach, à Oran, d'Amran Ben Merouas Epharati, à Constantine, de Joseph Ben Menir ( Hasid ) et de Maimun Ben Saadia Najar, à Tlemcen d'Abraham ben Hakim et d'Ephraïm Ankaoua. Parmi ces rabbins Ribach et Ben Simah Duran sont les artisans d'une véritable renaissance du judaïsme d'Algérie. L'énergique opposition de Duran à Ribach, nommé grand rabbin d'Alger par le sultan de Tlemcen, eut pour résultat d'interdire  « au pouvoir extérieur » de nommer les rabbin. L'autorité au sein de la communauté n'appartient plus à un seul d'anciens. A la suite de la demande de différentes communautés de réviser les lois du mariage et de successions et d'unifier les usages en pratique dans l'Afrique du Nord, Simon ben Simah Duran rédige des ordonnances : les Taqqanotes d'Alger. Ce texte établit désormais une législation matrimoniale, appliquée encore de nos jours par la plupart des communautés juives. Ils confirment l'autorité de la chose votée et  « proclamée en la synagogue le jour de la shabbat, avant la sortie de Sépher Torah ». Grâce au Responsa de Simon Ben Simah Duran, on connaît la situation politique et sociale des juifs au début du XVè siècle. On peut la qualifier de  « convenable ». La majorité des juifs s'adonne au commerce, à la revente et au colportage des mêmes produits. Ce qu'ils continueront plus tard sous les turcs.
 
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IV. --- Choc de culture
A l'époque turque, il est de tradition d'insister sur le rôle important des juifs « Livournais ». Il y aurait lieu, bien sûr, de s'interroger sur la qualité de livournais. On est livournais par naissance ou encore par l'agrégation à la communauté de Livourne. Mais cette définition n'est pas suffisante. Etre livournais, c'est avoir un comportement qui se veut résolument différent de celui des juifs indigènes, fondé sur la qualité de « juifs francs » et qui est destiné à préserver sa dignité ( ce qui se traduit sur le plan vestimentaire par un habit à l'européenne ). En un mot, ce qui distingue un livournais d'un indigène, c'est moins l'origine géographique ( puisque des livournais de fraîche date retourne dans leurs pays d'origine ) que le fait de se réclamer de deux cultures différentes : la culture hébraïque et la culture européenne. Prestige et privilèges des livournais proviennent pour une bonne part de l'attrait qu'a exercé la ville de Livourne sur le juif du monde méditerranéen et notamment sur ceux d'Afrique du Nord. Cet attrait est dû, pour une large part, à la situation exceptionnellement favorable des juifs dans cette ville toscane grâce à l'édit promulgué, le 10 juin 1953, La Livournia, par Ferdinand 1er de Médicis, grand duc de Toscane ( 1587 - 1607 ) qui engageait les étrangers et plus particulièrement les juifs à venir s'établir dans les ports francs de Pise et Livourne.
 
Les juifs d'Alger à l'époque turque organisent des caravanes qui transportent à Constantine, et dans toute l'étendue des territoires dépendant du dey, des soies, des toiles, et de la quincaillerie d'Europe. Selon Pierre Dan, les Juifs, au XVIIè siècle, voyagent avec des marchandises, qu'ils transportent à Tunis, Djerba, Tripoli, Bône, Constantine, Oran, Tlemcen, Fès, Tétouan, et ils vont même jusqu'à Constantinople. Au XVIIIè  ce sont toujours les juifs, qui, selon les écrivains chrétiens, achètent les prises de pirates barbaresques et les font passer à Gênes et à Livourne. Pour se garantir de la haine dont ils sont l'objet de la part des chrétiens, les juifs ont su intéresser à leurs opérations commerciales des personnages importants comme le dey lui-même. Le rachat des esclaves constitue le second trafic auquel donne naissance la course. Les juifs Livournais ont le monopole de l'exportation de certains produit ( le blé, la cire, les cuirs, les plumes d'autruche... ). Quant aux importations ( mousselines des indes, sucre, café ...), elles proviennent principalement de Livourne.
 
A part quelques familles qui ont acquis de la fortune par leur activité commerciale, la grande masse des juifs croupit dans une misère noire et s'adonne à tous les métiers possibles. D'après le témoignage de P. Dan qui séjourne à Alger entre 1634 - 1635 : « il en est qui vendent les objets par les rues portant aux bras des corbeilles ou des boites criant » : « qui veut acheter ? », d'autres sont ailleurs bijoutiers au corail ou épiciers ». Rehbender au XIIIè siècle remarque que « dans une rue sale près du palais du Dey il y a des deux côtés des boutiques où des juifs uniquement travaillent l'or et l'argent; la plupart travaille pour la monnaie d'ici, leur travail est artistique et joliment orné. »
 
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V. --- Dhimma ou le Contrat Musulman
Les Juifs d'Algérie comme dans tous les pays islamisés, sont soumis à l'époque turque à une sorte de contrat dit dhimma, qui est indéfiniment reconduit et par lequel la communauté musulmane accorde hospitalité et protection aux membres des autres religions révélées ( Ahl al-Kittab ), aux « gens du livre », sous la condition que ces derniers respectent la domination de l'Islam ). Ces lois, édictées par le pouvoir musulman dépendent cependant en grande partie, pour leur application, de l'autorité locale.
 
Afin que les juifs soient reconnaissables, on leur impose un costume. Il leur est interdit de porter des vêtements de couleur verte ( réservée aux descendants du Prohète ) ou rouge ( couleur de l'étendard turc ). De même, la chéchia, le turban blanc et le burnous blanc leurs sont défendus. On ne leur laisse que l'usage de vêtements sombres aux manches démesurées. Au dessus de leur chemise, les hommes ont une large culotte bouffante; leurs burnous est souvent bleu, le Rabbin Abraham Cahen écrit qu'à Alger il était bleu foncé, alors que dans la province du Titteri, il était gris foncé, dans la province de Constantine on leur permet, pendant un certain temps, de porter des burnous, une sorte de turban, et des chaussures semblables à celles des arabes. Autorisation précaire qui leur est retirée car en fait, tout dépend des caprices du bey. Les juifs ne peuvent être chaussés que de savates : elles doivent être plus courtes que le pied, afin que les talons puisse frotter continuellement le pavé. Ainsi, le 13 Décembre 1788, on arrête à Alger tous les juifs qui ont enfreint cet interdit et on leur donne 300 coups de bâton sur la plante des pieds.
 
A Alger, dans la rue, ils ne peuvent pas porter d'armes ni sortir la nuit avec un falot allumé. Le seul luminaire toléré est une bougie allumée tenue à la main, que le vent éteint souvent. Après six heures du soir, ils n'ont le droit de circuler que s'ils possèdent une autorisation émanant de l'autorité supérieure.
 
De façon générale, ils ont le droit d'avoir comme montures des ânes ou des mulets, mais dépouvus de selle. Le cheval leur est interdit puisque c'est un animal noble. Lorsqu'ils rencontrent un musulman, ils doivent lui céder la droite et aller à gauche, en signe de respect. Devant une mosquée ou une école religieuse, ils ont l'obligation de se déchausser; si la porte est ouverte, ils doivent détourner la tête afin de se ne pas regarder les fidèles en prières sous peine d'être rossés; parfois ils sont même la risée de la population. Ils sont exclus de tous les lieux publics fréquentés par les musulmans à l'exception des bazars. Aux fontaines, ils sont obligés de laisser passer le musulman, sauf si celui-ci arrive après eux.
 
Les contestations entre juifs et musulmans sont du ressort du cadi dont ils doivent baiser la main. La parole des juifs n'est plus considérée comme nulle, lorsqu'un musulman nie sa véracité. Pour les litiges entre juifs relatifs aux mariages, aux divorces ou aux héritages, la justice est rendue par les rabbins qui siègent publiquement sur le parvis de la synagogue. Les pouvoir du tribunal rabbinique pour les juifs sont les mêmes que ceux du cadi pour les musulmans. Ils jugent aussi bien « au criminel qu'au civil » et ces décisions sont sans appel. Il a à sa disposition une force spéciale de police qui lui permet de faire exécuter ses entences : amendes, coups de fouet, emprisonnement ainsi que la mise au banc de la société. A la tête de la magistrature, se trouve dans chaque ville un chef de la nation juive désigné par le Dey et dénommé mokkadem ( ou moqqadem : le préposé ). Son rôle est d'administrer la minorité juive au nom du Dey. Il perçoit les taxes, les impôts selon la richesse de chacun et les offre avec « humiliation ». Au moment de la remise du tribut, « le mokkadem reçoit un soufflé ou un coup de poing sur le crâne par esprit d'obéissance aux prescriptions du Coran ».
 
Fin