Lois sur les semences en Afrique : Un tapis rouge pour les sociétés privées

04/07/2014 00:03

 

Lois sur les semences en Afrique : Un tapis rouge pour les sociétés privées
 
Grain
GRAIN est une petite organisation internationale qui soutient la lutte des paysans et des mouvements sociaux pour renforcer le contrôle des communautés sur des systèmes alimentaires fondés sur la biodiversité.
L’Afrique n’a pas raté la « Révolution verte », comme certains l’ont affirmé. Elle est arrivée sur le continent dans les années 60 et 70 avec les mêmes spécialistes en semences et agences étrangères qui en avaient établi les schémas directeurs pour l’Asie et l’Amérique latine. Comme ailleurs, leur objectif principal était de remplacer les variétés traditionnelles de ‘faible rendement’ par des variétés de ‘haut rendement’ développées par les centres internationaux de recherche agronomique et leurs partenaires. Avec un soutien solide de la part d’organisations comme la FAO et la Banque mondiale, des systèmes nationaux de semences furent établis dans de nombreux pays africains sur les fondations des organismes de recherche agricole de la période coloniale, pour sortir des semences ‘améliorées’ pour les agriculteurs, avec des programmes de sélection et de multiplication, des entreprises nationales de semences, des réglementations sur les semences, et, bien sûr, de généreux prêts et subventions.
C’était seulement la première partie du programme. Une fois que les agriculteurs auraient commencé à adopter les semences, créant un marché potentiel pour les semences, la prochaine étape devait être de démanteler les programmes publics et d’ouvrir la voie au secteur privé. Dans les années 80 et 90, les entreprises nationales de semences devaient être privatisées, les programmes publics de sélection de semences démantelés et de nouvelles lois et réglementations instaurées pour attirer les investissements privés. Concrètement, ces nouvelles lois devaient supprimer les entraves au commerce et, ce qui est plus important, encourager ou obliger les agriculteurs à acheter des semences certifiées chaque année [1].
Tout ne s’est pas déroulé comme prévu. Grâce aux financements, un certain nombre de pays africains ont mis en place les compétences techniques et les structures de réglementation pour des programmes officiels sur les semences, mais les semences produites par ces programmes ont été en grande partie rejetées par les agriculteurs car elles ne correspondent pas à leurs besoins. La FAO estime que la part du secteur officiel des semences, privé et public, ne se monte qu’à 5 à 10% des semences utilisées en Afrique sub-saharienne, et que la situation est similaire en Afrique du Nord [2]. Presque la totalité de l’alimentation produite pour la consommation intérieure en Afrique provient des variétés des agriculteurs et des semences conservées à la ferme. Il n’est pas nécessaire d’être un « spécialiste des semences » pour comprendre l’importance capitale des systèmes de semences produites par les agriculteurs pour l’Afrique et qu’il serait sage de mener des politiques intelligentes sur les semences qui soutiennent et renforcent de tels systèmes.
Il est donc très étonnant que les gouvernements africains fassent avancer rapidement le projet initial. La privatisation et les lois sur les semences favorisant l’industrie sont même paradoxalement acclamées comme les solutions aux premiers problèmes posés par le projet initial ! Bien que sur ce continent quelques personnes en soient conscientes, l’Afrique est en train d’être noyée sous une vague de nouvelles lois sur les semences. Et ces lois détruisent les systèmes de semences produites par les agriculteurs dont dépendent les populations d’Afrique.
 
voir aussi le document pdf ci-après :