Malika BARAKA, membre fondatrice du RPK: Quelques clarifications

26/03/2017 21:18

 

Malika BARAKA, membre fondatrice du RPK: Quelques clarifications

 

TAMURT : Malika Baraka, vous faites partie de la direction du RPK, une nouvelle organisation politique kabyle  dont la venue a fait l’effet d’un coup de tonnerre sur la scène politique kabyle. Beaucoup d’interrogations  se posent sur votre mouvement. Tout d’abord,  quels sont les fondateurs RPK ?

Malika BARAKA: Le RPK est le résultat de la rencontre de différents parcours, ceux qui ont contribué à l’émergence de la pensée autonomiste depuis les années 90 avec la création de cercle de réflexion dans la diaspora  (CERAK) et la production de documents (séminaire d’Ecancourt) et ceux qui en Kabylie étaient dans l’action politique sur le terrain en créant le MKL puis le MAK, quitté par la suite pour divergence de ligne. La jonction s’est concrétisée lors du Forum sur la Kabylie de Taqerboust en 2011 pour aboutir à la rédaction du Manifeste kabyle, texte fondateur du RPK (Rassemblement Pour la Kabylie).

Ce mouvement, « Agraw  Tmurt Iqbayliyen » est né au terme de la convention des autonomistes tenue le 24 février 2017 en Kabylie. Y ont contribué également des militants issus des  différents courants démocratiques, ceux du printemps berbère de 1980, du FFS, du RCD, du PAGS, de l’extrême gauche, et ceux du printemps noir de 2001. Une direction politique a été installée pour mener le mouvement jusqu’aux assises que nous espérons tenir l’été prochain. Cette direction a désigné un bureau  exécutif composé de représentants des militants des 6 régions de Kabylie : Tizi ouzou, Bgayet, Bouira, Sétif, Bordj, Boumerdes et de ceux de la diaspora. Hamou Boumedine a été élu à l’unanimité comme coordinateur du mouvement.  Je veux dire ici l’émotion ressentie lors de la proclamation du RPK, un moment rare de communion  entre militants de différentes sensibilités qui se sont  peut-être affrontés dans le passé et qui ont pris la responsabilité,  face à l’ethnocide programmé et en cours, de se  rassembler sur l’essentiel et notre bien commun, la Kabylie.

Qui est  Hamou Boumedine,  élu à l’unanimité, pour ceux qui ne le connaissent pas ?

Hamou Boumedine a été élu à l’unanimité  car il est un des piliers de la revendication autonomiste.  Il assurait déjà la coordination en faisant le lien entre les différents groupes  autonomistes. Venant du combat identitaire  et démocratique (RCD et MCB),  il est dans le courant autonomiste depuis les années 90  et son apport intellectuel  s’est traduit par des contributions et des conférences qu’il a inaugurées dès 1995 à l’université de Tizi-Ouzou. Il est membre fondateur  du MKL créé en plein répression sanglante d’avril 2001 puis par la suite du MAK qu’il a quitté pour divergence suite notamment à la création du GPK. Continuant à travailler à l’élaboration d’une pensée autonomiste, il est l’un des principaux rédacteurs du Manifeste Kabyle. C’est donc naturellement qu’il s’est retrouvé à assumer, par la confiance qu’on a placé en lui, la responsabilité qui est la sienne aujourd’hui dans le RPK.

Vous pouvez nous résumer  le projet du RPK ?

Il y a 3 fondements dans ce projet politique.

Le premier est notre affirmation identitaire en tant que peuple kabyle voulant faire valoir ses droits collectifs.

Le deuxième concerne la question nationale toujours non résolue et dont la solution est dans la reconnaissance de la réalité multiculturelle de la nation algérienne.

Le troisième est la nécessité de refonder l’Etat afin de sortir de l’Etat Nation jacobin  pour aller dans le sens d’un vrai partage du pouvoir entre l’Etat central et les régions historiques qui souhaitent faire prévaloir leurs spécificités. L’exercice de la démocratie sera de type consociative ou consensuelle, seule solution équitable dans les pays à composante plurielle.

Nous militons pour la reconnaissance d’un statut de large autonomie territoriale pour la Kabylie et pour la reconnaissance d’une autonomie culturelle pour les communautés kabyles installés en Algérie en dehors du territoire kabyle.  En dehors des domaines régaliens relevant des prérogatives de l’Etat central auquel les Kabyles participeront au prorata de leur représentativité dans la population algérienne,  ce sont les institutions propres de la Kabylie, un parlement souverainement élu et un gouvernement qui  auront la compétence politique sur le territoire kabyle notamment  dans le domaine de l’éducation, notre priorité absolue. Notre ambition est dans un projet de société qui nous ressemble, résultant d’une harmonie à trouver entre les valeurs positives kabyles, marqueurs de notre identité et les exigences de la modernité.

Mais l’autonomie n’est-elle pas une option dépassée, une régression, l’expérience autonomiste s’étant soldée par un échec ?

 C’est ce qui revient dans l’argumentaire du discours indépendantiste pour expliquer l’abandon de l’option autonomiste.

Notre conviction pour l’autonomie étant solide et profonde, nous  avons été et demeurons autonomistes et nous pensons au contraire que la lutte pour l’autonomie  n’est absolument pas épuisée ni finie. Elle vient même tout juste de commencer. Que représentent quelques années dans ce genre de combat dans un temps historique politique ? Au contraire, nous considérons que ceux qui tiennent ce discours sont plutôt dans la fuite en avant.

Certes, il n’y pas d’autonomie politique encore mais il y a une évolution incontestable des mentalités au niveau de la prise de conscience avec l’émergence d’une conscience kabyle notamment dans la jeunesse. Le débat qui s’était éloigné s’est recentré sur la Kabylie. C’est remarquable quand on sait le temps de déconstruction mentale nécessaire pour sortir de l’aliénation jacobine française et de l’hégémonie arabo-musulmane.

L’autonomie est désormais dans le débat public et il y a un début d’aspiration réelle à ce statut dans la société kabyle profonde (je ne parle pas ici de la base militante qui s’est démultiplié grâce notamment au travail de courageux militants de terrain,  initié par Ahmed Ait Bachir et relayé par la suite par Bouaziz Ait Chebib).

Si j’entends l’argumentaire qu’on nous oppose, on nous dit que l’autonomie a été abandonnée parce que la présidence n’a pas répondu à une demande écrite d’autonomie (si l’autonomie s’obtenait ainsi, cela se saurait !). On nous dit que tous les peuples vivant dans des statuts d’autonomie sont dans une situation peu enviable et qu’ils aspirent tous à l’indépendance.  Beaucoup de peuples vivent tout à fait bien leur autonomie notamment dans les pays nordiques ou plus près de nous, la Sicile, la Sardaigne et d’autres dans le monde. Pour les exemples qu’on nous donne,  j’aimerai  bien  vivre  » l’enfer » d’un Catalan qui a ses propres institutions, qui vit dans sa propre culture ou  comme un Québécois ou un Écossais qui ont d’ailleurs, pour ces derniers  choisi librement par vote de rester dans l’autonomie car tel était leur intérêt (souvent de nature économique), choix qui peut évoluer dans le temps.

Vous savez, je crois qu’il faut sortir des postures et des détestations idéologiques pour penser de façon pragmatique à nos intérêts et nous avons la conviction au RPK, que l’intérêt de la Kabylie aujourd’hui est dans un statut d’autonomie pour la préservation de notre identité sans prendre de risque humain majeur. Il faut concevoir l’autonomie comme  un processus qui nous mènera là ou nos intérêts nous mèneront qui ne seront peut-être pas les mêmes dans 10 ans ou 50 ans.

Allez-vous continuer le travail  du MAK autonomiste initié en Kabylie ?

Au RPK, notre credo est que l’autonomie ne se revendique pas seulement, elle se construit. Tout en menant la lutte politique pour la reconnaissance d’un statut politique et en continuant la sensibilisation, il y a lieu d’amorcer dès maintenant une dynamique de construction d’une autonomie de fait  Notons à ce sujet que la société kabyle travaille déjà dans ce sens par la prise en charge des problèmes qui se posent à elle. Il s’agit d’accompagner cette dynamique sans l’instrumentaliser tout en lui donnant du sens politique. Tous les segments de la société doivent être impliqués pour que tous, nous puissions contribuer à construire ensemble la Kabylie que nous voulons.

Concrètement, comment allez-vous traduire cette idée d’autonomie de fait sur le terrain ?

Notre travail consistera à aider à renforcer les institutions kabyles encore existantes, augmenter les espaces d’autonomie qui existent dans les villages et  aider à les fédérer pour préparer une assise au futur parlement.

Le développement économique et social est la pierre angulaire de l’autonomie de fait.  Face  au régionalisme clientéliste et  éhonté du pouvoir, nous sommes en droit d’exiger l’inventaire de la répartition des investissements, la Kabylie étant  fortement sanctionnée par cette politique économique  non équitable.

Pour notre part, nous travaillerons à sensibiliser et à impliquer les acteurs économiques et sociaux ainsi que notre nombreuse élite qui est prête à apporter sa compétence pour des projets cohérents et pertinents. L’immigration peut être d’un apport considérable en termes de savoir-faire et de potentiel financier. Les expériences réussies d’assainissement de l’environnement  sont à partager et généraliser. Dans ce sens, l’ampleur du concours du village le plus  propre  montre l’adhésion de la population à ce qui peut apporter du  bienêtre.

L’école, sujet grave et urgent est notre souci fondamental car l’école algérienne actuelle nous détruit de l’intérieur. Si la solution définitive passe par la solution politique, il faudra trouver des méthodes parallèles, expérimentées ailleurs, de transmission de nos valeurs et de notre culture à la jeunesse. L’expérience faite d’une école pilote de village  » tamusni » est intéressante à ce titre.

La participation des femmes dans tous les domaines est à favoriser dans un esprit d’égalité, d’autant qu’elles apportent une vision plus aiguisée de la réalité et des solutions pragmatiques. Il reste tous les autres domaines qu’il est trop long d’énumérer ici et d’expliciter: medias, lutte contre la salafisme, sécurité, etc. Le chantier est immense, le chemin est long  mais l’essentiel est d’entamer une dynamique dans la bonne direction.

Ainsi, si les Kabyles choisissent cette voie d’émancipation, se construira progressivement une Kabylie solide, autonomisée, sûre de ses valeurs, capable de se prendre en charge. La Kabyle, organisée autour de ses institutions revivifiées, rassemblée autour de ses intérêts, aura alors l’aptitude pour les imposer politiquement.

L’autonomie, telle que vous la concevez, est- elle possible dans  une Algérie arabo-musulmane et que les indépendantistes qualifient de coloniale?

Cette vision, à mon sens, ne dit pas toute la complexité de la réalité kabyle. Pour nous, l’Algérie n’est pas un pays colonial, c’est le comportement du pouvoir qui est de nature coloniale en menant une politique ethnocidaire à notre endroit, d’où aujourd’hui notre combat. L’Algérie pour nous est une terre amazighe à laquelle est liée la terre kabyle et nous ne sommes pas prêts à la laisser définitivement à l’emprise arabo-musulmane.

L’Algérie réelle est multiculturelle, avec notamment une diversité de peuples amazighs  avec lesquels il faudra  construire un front pour la réappropriation de notre ‘identité première.  N’oublions pas aussi que des fortes communautés kabyles se sont installées dans différents endroits d’Algérie, notamment dans l’Algérois et en Oranie.

De plus, l’histoire récente montre qu’il n’y a pas d’impossibilité consubstantielle à la société algérienne de produire des formes d’organisation autres que celle imposée par le clan d’Oujda. Le combat algérien pour l’indépendance s’est organisé naturellement en régions dotées d’une gestion autonome, modèle fédéral que des personnalités politiques  l’ayant vécu ont continué à défendre. Je rappelle aussi  ce fait étonnant, le premier parti « fédéraliste » est oranais (El Fedjr dans les années 90).

Autre fait éclairant : le travail de la commission « Sbih » chargée par le gouvernement algérien en 2001 de faire des propositions pour une réforme de l’Etat. Le résultat, d’après ce qui en est ressorti dans la presse (rapport jamais publié et bien vite classé) est une régionalisation sur le modèle adopté pendant la guerre avec les régions historiques (Kabylie, Aurès, etc.) et à la tête des gouverneurs dont on ne sait s’ils sont désignés ou élus.  Il y a eu également cette fugace expérience du gouvernorat d’Alger avec une petite avancée sur la notion de territorialité mais l’absence d’une représentation souveraine.

Quels sont vos moyens de lutte pour concrétiser la reconnaissance d’un statut politique particulier ?

Ce sont tous les moyens de la lutte politique, la sensibilisation, un discours construit, les actions et mobilisations sur le terrain  pour imposer nos droits culturels et politiques. Il est vrai qu’au jour d’aujourd’hui, nous  n’attendons aucune évolution sur ces questions de la part  du pouvoir actuel  de plus en plus absolutiste, autiste et répressif qui ne cède qu’au rapport de force. Et pour demain, nous manquons de visibilité. Mais quel que soit le pouvoir que nous aurons en face,  notre conviction est que notre lutte aboutira, car nous n’avons pas d’autre choix que de réussir, notre existence même étant  en jeu. Par son poids historique et politique, l’importance de son  élite, sa possibilité de mobilier une population politisée, la Kabylie rassemblée, sûre de ses choix est potentiellement  puissante pour infléchir le cours de l’histoire. A ne pas négliger également la construction  de solidarités internes avec d’autres régions notamment amazighes vivant la même problématique.

Enfin, le changement des mentalités par la  sensibilisation des Algériens à ces questions aidera à créer un climat apaisé favorable au débat dans la société civile. A ce sujet  je note que des sociologues, des linguistes, des historiens algériens abordent  maintenant  les questions relatives à la Nation,  aux cultures, aux statuts des langues et la dernière conférence de Mohamed Harbi est édifiante à ce titre. Cet historien a reconnu que « le problème fondamental de l’Algérie est de refondre la Nation parce que la question de la Nation n’a pas été tranchée avant l’insurrection et qu’il faut déconstruire l’idéologie nationaliste  » et il ajoute que « les Algériens auront à élaborer un langage commun qui répond aux questions des ethnicités qui ne concernent pas seulement la Kabylie mais d’autres régions d’Algérie »

Le Manifeste avait amorcé le débat sur la Nation et l’Etat et sur la  nécessité de changer de paradigme politique pour la  construction d’un Etat  algérien moderne dont le premier jalon  serait un statut spécifique pour la Kabylie.  Ce débat  est à  mener également  au sein  de la classe  politique algérienne.  Ce d’autant que deux partis, le FFS et le RCD, bien qu’ils ne posent pas la question essentielle de la Nation ont pour l’un, initié ce débat (projet de plateforme de 1979) et pour le second, proposé la refondation en un Etat unitaire régionalisé.

Mais le monde arabo-musulman dont fait partie l’Algérie officielle est hermétique à tout changement !

Oui, vous avez raison. L’hégémonie arabo-musulmane ne peut pas tolérer l’existence d’une entité non arabe en son sein. Et ceux qui croient en finir présentement  avec le monde arabo-musulman et le salafisme en établissant des frontières, devraient se poser la question de la viabilité de la Kabylie au sein d’un tel environnement belliqueux.  Il y a une occultation du risque humain chez certains dont je ne sais que penser. Quant au salafisme, ce ne sont pas des frontières qui l’arrêteront, comme on le constate partout dans le monde, même si l’éducation et une politique conséquente peuvent en réduire l’influence.

La bonne nouvelle vient du futur car ce monde-là est en crise, les Etats Nations sont remis en question et les changements géopolitiques sont en marche.

Au Moyen-Orient, les Kurdes d’Irak ont imposé une autonomie territoriale dans le cadre un Etat fédéral suite à la chute du régime de Saddam Hussein.

En Afrique du Nord, même si on ne se débarrasse pas de 15 siècles d’impérialisme culturel arabo musulman d’un coup de baguette magique, il n’en demeure pas moins que le mouvement de reconquête initié par la Kabylie, il y moins d’un siècle, est en train d’ébranler toute l’Afrique du nord. L’émergence des mouvements amazighes et la poussée des populations amazighes vont inéluctablement recomposer les Etats d’Afrique du Nord  et modifier les configurations internes des Etats. On le voit en Lybie, le Maroc et l’Algérie  sont contraints de commencer à modifier  leurs constitutions pour intégrer la dimension amazighe. Minimes au début, ces changements s’amplifieront irrémédiablement  jusqu’à refonder totalement ces Etats.

Dans la société algérienne où la crise du monde arabo musulman commence à créer des ruptures, on note un frémissement des mentalités dans la société et notamment au sein de l’élite. Boualem Sansal, Kamel  Daoud, pour les plus connus ont des positions claires à ce sujet

Quelle est la raison pour laquelle vous n’avez pas rejoint le mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie qui affirmait contenir l’option autonomiste ?

 Parce que l’autodétermination n’est pas un projet politique en soi. C’est un instrument juridique du droit international que les peuples peuvent  utiliser pour choisir leur destin et qui est généralement l’aboutissement d’un processus indépendantiste.

De ce fait, ce mouvement était condamné à rester seulement dans les grands principes. Le moyen ne pouvant pas précéder le politique, il est impossible de tenir sur le long terme sans projet clair ni stratégie bien définie. Il  me semble que la clarification politique était à ce niveau nécessaire.

De plus, ce mouvement est lié organiquement au GPK dont nous avions contesté la légitimité.

Quant à déplacer la lutte vers le terrain international, et  entendons nous,  je ne dénigre pas ici  la démarche politique si elle est légitimée,  il n’est pas sûr qu’elle sera plus efficiente et qu’elle aboutira plus vite que notre combat interne pour l’autonomie. Si être dans son bon droit pour un peuple suffisait à accéder à l’indépendance, on se demande pourquoi tant de peuples se battent durement depuis tant d’années comme les Kurdes, les Tibétains, les Touaregs de l’Azawad  et tant d’autres dans le monde.

Ceci dit, nous ne faisons pas exception dans l’histoire des luttes des peuples vivant  notre condition, lesquels ont souvent utilisé ces deux stratégies de lutte, autonomie et indépendance.  On a  même vu  récemment en Corse ces deux options se faire  la courte échelle pour prendre le pouvoir local .

Pour finir, nous respectons tous les engagements sincères pour la Kabylie utilisant la lutte politique. A chacun de se se faire sa propre conviction en toute connaissance de cause.

Beaucoup d’accusations ont été émises contre votre mouvement, comment l’avez-vous vécu?

En effet, une violente campagne de dénigrement a été initiée par certains  responsables politiques du MAK-ANAVAD  et reprise par leurs relais. C’est une manœuvre bien connue, avec ici un degré de violence jamais atteint,  contre des personnes ou un autre courant  politique en semant la suspicion en place et lieu d’arguments. Ces comportements ont fait tant de mal à la Kabylie  que la population vaccinée ne leur donne plus crédit et veut juger par elle-même.  Au nom de quoi l’aspiration à l’autonomie d’une partie de la société kabyle n’aurait pas le droit au respect et à l’expression politique?

Nous avons pris la responsabilité de ne pas répondre à ces accusations pour ne pas alimenter la spirale de la violence verbale qui est là pour empêcher le débat politique et au final faire le jeu du pouvoir. Nos parcours politiques sont connus pour la plupart et ont été de toutes les luttes marquantes de la Kabylie et nous dénions le droit à quiconque de juger de la valeur de notre Kabylie et de nous donner des leçons de patriotisme kabyle.  En revanche, je salue les femmes et les hommes politiques qui  sont dans un débat politique ouvert  à la confrontation d’idées et au respect de l’opinion d’autrui, comme le fait Yasmina Oubouzar qui vient de nous apporter la contradiction.

Croyez-moi, nous sommes tout à fait conscients que le pouvoir va essayer de manipuler les uns contre les autres mais ce n’est pas cela qui va nous empêcher d’exister. Il faut rester vigilants et ne pas tomber dans leur jeu en enclenchant un nouveau conflit fratricide. Par ailleurs, je rappellerais à ceux qui ont l’oubli facile que les seuls acteurs à avoir soutenu le MAK dans les moments difficiles,  contre les accusations gravissimes de Louisa Hanoune , lors de la répression du dernier congrès et  des différentes arrestations, sont ceux qu’on accuse  aujourd’hui , sans aucun état d’âme, de relais du pouvoir, traîtres, etc.

Une dernière question, Hacene Hireche représentait- il le RPK lors de sa dernière prestation sur la chaîne « el Maghribia » 

Non. Hacene Hireche a été clair le dessus, il est un sympathisant. Un représentant du RPK, Maître Sofiane Ikken était là. Hacene Hireche est signataire du Manifeste mais il veut garder une parole libre. Je voudrais ajouter  qu’on peut comprendre que les propos, dont il est responsable,  puissent offusquer, mais  qu’on lui réponde sur le fond ou la forme et non procéder à un véritable lynchage de sa personne. Il m’arrive de ne pas être d’accord avec Hacène mais je reconnais en lui un militant infatigable qui s’est engagé dans toutes les luttes kabyles: FFS, avril 80, RCD, combat amazigh et maintenant l’autonomie. Il n’a jamais déserté le terrain contrairement à d’autres de sa génération. Dans tous les coups durs qu’on a traversé, il a toujours été présent et d’un apport précieux et beaucoup de ceux qui l’accusent aujourd’hui le savent. Alors qu’on lui apporte la contradiction si on est en désaccord avec ses opinions, déclarations ou initiatives, mais qu’on respecte l’homme, sa famille et son parcours.

A ce propos, je constate avec tristesse que la régression culturelle, politique et éducationnelle gagne du terrain et mine le débat public. Quand arriverons-nous à critiquer un propos, un geste d’une personnalité publique sans tomber dans l’opprobre, les excès en tout genre et l’assassinat médiatique. Quand donc aura-t-on le sens de la mesure ?  Quel exemple donnons-nous à une jeunesse déjà malmenée par une école algérienne intolérante et obscurantiste ? Ceci a été particulièrement grave à l’égard de nos artistes, car ce sont eux qui produisent encore de la culture, celle qui nous permet de rester vivants. Tous ceux que les détruisent nous détruisent avec eux. Takfarinas, pour un propos dont il n’a pas mesuré les enjeux, est condamné dans sa vie d’artiste, lui qui a donné à la jeunesse kabyle de quoi résister à la déferlante du rai, des monuments comme Ait Menguelet et Idir sont calomniés pour une poignée de main, sans respect pour leur immense travail. Les artistes sont sommés de prendre une position politique. L’art est libre et laissons nos artistes et notre culture libres !

Il est du devoir de tous d’assainir ce climat. Sinon, ce terrorisme de l’insulte, cette instauration de la culture de la « fetwa » et du « takfirisme » à la kabyle nous détruira de l’intérieur plus surement que tous nos ennemis réunis.

Une conclusion?

La naissance du RPK  a eu deux conséquences positives, celle de remettre en place le jeu démocratique kabyle menacé de façon itérative, la seconde est d’amorcer un débat kabylo-kabyle et peut être kabylo-algérien bloqué depuis le mouvement national. Tous ceux qui se sentent concernés par ces questions sont les bienvenus et toutes les contributions peuvent venir enrichir ce débat qui reste ouvert.

Pour finir, je veux m’adresser à la  jeunesse pour leur dire que la grandeur et l’honneur de la Kabylie a été et est toujours de porter les luttes pour les idées de liberté et de démocratie. Le pluralisme politique et la légitimité par la souveraineté du peuple sont des valeurs cardinales. Des générations de militants se sont sacrifiées pour cela.  Soyez dignes de cet héritage en vous élevant à la hauteur qu’exige le combat pour la Kabylie aujourd’hui.

Tamurt