Poème : Messaouda

11/07/2014 04:36

 

Extrait du livre de Abderrahmane Chergou " Demain reste toujours à faire "

Messaouda : Fille adoptive de salem. Lorsque les djounoud étaient à la maison, Messaouda sortait sa maigre vache et faisait semblant de la garder, tout en surveillant les mouvements des unités de l'armée française. Un jour d'août, alors que Amine était chez Cheikh Salem, il surprit un échange entre lui et Messaouda. Cet échange lui inspira un poème ( ce nom est peut-être prétentieux qui fut reproduit après l'indépendance par l'hébdomadaire de l'époque " Jeunesse , dans son édition du mardi 28 juillet 1964 ( p.10 ). Voici ce poème :

 
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MESSAOUDA
 
Le soleil de Bouskène
Déchire l'atmosphère
Et accable de sa puissance
Lesgourbis de la mechta.
 
 
Le gourbi est humble,
Une vache y est attachée,
Maigre comme son maître,
Tristecomme la petite Dalila
Qui se tord de douleur
Et attend la mort
Sur le giron maternel.
 
 
pourtant dans le gourbi,
A la croisée des chemins
Qui mènent où l'on veut,
Il y avait fête,
Une fête sans joie,
Et même avec peur,
Peur d'explosion
Peur de mort,
Peur de ruines,
Peur de désolation,
Peur du rire cynique
Des " civilisateurs ".
 
Messaouda avait dix ans,
Elle allait nu-pieds,
N'était ni coquette,
Ni comme les fiellettes,
N'avait pas de poupée.
 
Messaouda était brune,
Et dix ans de misère
Et d'espérances vaines,
Firent d'elle une fillette
Qui ne craint plus rien.
 
Le malheur ?
Elle y est depuis sa naissance.
Le bonheur ?
Elle essaie de l'avoir, 
En bravant un monstre
Qui aurait fait mourir de peur
La fille aux cheveux lisses.
 
De l'officier de S.A.S.
Messaouda était vigilante,
Elle gardait sa maigre vache,
Mais dans son petit coeur,
Un orgueil sans fin,
Une fierté qui n'avait d'égale
Que l'allure rigide
De ballaâg'ig.
 
Soussa robe crasseuse,
Et ses cheveux épais,
Messaouda était responsable
De la vie de ses frères.
 
Elle aimait tant rire
Avec les Djounoud
De la Liberté.
Et vivre un instant avec eux,
Elle avait rêvé
Au meilleur du groupe
D'aller vers l'interdit,
Vers l'inconnu, le lointain,
La gloire.
 
Mais, Messaouda connaissait son devoir, 
Car à Bouskène,
Il n' y a pas d'âge,
Et pas de champs pour la rêverie.
 
Il faut surveiller chaque sentier
D'où pourrait venir la mort,
A l'heure où le soleil
Etait plus accablant que jamais, 
Elle entra boire une goutte d'eau,
 
Et son père lui dit :
 
" Soit vigilante, ma fille,
« Et ne sois pas distraite,
Tes frères te feront un cadeau » ".
Alors comme l'nefant grec,
Comme l'enfant aux yeux bleus,
Elle répondait calmement : 
 
" Père, de cadeau, j'en ai que faire
Je ne fais que mon devoir ".
Et elle rejoint son poste.