Poésie Touareg, Hawad

02/03/2015 09:38
Poésie Touareg, Hawad
Ecrivain et peintre touareg, Hawad est né en 1950 dans l'Aïr, massif montagneux du Sahara central. Il rédige ses manuscrits dans sa langue qu’il transcrit en tifinagh, écriture touarègue. Seule une partie de son œuvre, où s'entrecroisent divers genres littéraires -poésie, geste épique, conte philosophique, théâtre - a été publiée sous la forme de traductions en français (réalisées par l'auteur et H. Claudot-Hawad), et en néerlandais, en arabe, en italien, en allemand et en espagnol d'après la version française. Hawad accompagne ses textes de calligraphies originales - créées à partir des signes tifinagh - qui progressivement se sont muées en graphismes abstraits, " furigraphie " prolongeant sa philosophie de l'espace et de "l'égarement".
Héritier d’une culture nomade, Hawad nous livre une expérience et une vision du monde bâties sur des notions qui traduisent toutes le mouvement, la mobilité, l’itinérance des choses et des êtres autour des points fixes que représentent, dans toutes leurs extensions métaphoriques, l’eau et l’abri.
Parmi les thèmes fondateurs, se retrouve celui de la “soif”, quête philosophique qui éperonne les voyageurs cosmiques (Caravane de la soif, 1985 ; Chants de la soif et de l’égarement, 1987, Edisud ; L’Anneau-Sentier, L’Aphélie, 1992). A la recherche de l'eau, l’assoiffé sort des chemins tracés, pénètre dans le désert, perd son orientation, s'égare, divague, pour être enfin prêt à inventer sa propre route.
A la racine de cette soif, dans l'univers de Hawad, des flammes brûlent, des braises se consument, attisées par la déchirure du monde nomade, par l'oppression de son souffle, par l'étouffement de ses rêves.
Les événements tragiques qui émaillent l'histoire touarègue contemporaine s'insinuent dans la fiction. Ainsi, Testament nomade (Amara, 1987) évoque l'expulsion brutale, hors des frontières de l'Algérie, des Touaregs recensés dans d'autres Etats.
Froisse vent (Blandin, 1991) est inspiré en 1984 par la débâcle des nomades cernés par la sécheresse, lorsque, entraînés dans l'exil du corps et de l'âme, ils tombèrent et s'empêtrèrent dans les filets de cet " ailleurs " qui partout imposait ses limites et sa raison. La danse funèbre du soleil (L’Aphélie, 1992) anticipe douloureusement les massacres de civils touaregs perpétrés depuis 1990 au Niger et au Mali et la naissance d'une rébellion armée. Yasida (Blandin, 1991) à son tour soulève le problème de la résistance que les minoritaires, les pauvres, les exclus du monde moderne, doivent mener contre l'anéantissement qui les guette.
A l'oppression répondent plusieurs attitudes exprimant des visions contrastées du monde qu'incarnent différents personnages.
Certains sont fidèles, comme les astres-poètes Kokayad et son partenaire antithétique Porteur-de-la-Nuit, ou encore le vieil aveugle Imollen, le forgeron Awjembak, la prêtresse Chaïma, qui hantent les différentes intrigues, qu'elles se déroulent dans le désert minéral ou dans celui des cités modernes.
Quel que soit le débat, la pluralité des choix se traduit en joutes animées où s'entrecroisent les vérités contradictoires des acteurs, en définitive arrasées par les balances du cosmos. La dérision des actions et des certitudes de l'homme, "petit grain dans les vagues de dune", transparaît toujours en filigrane dans cette oeuvre où seuls les aveugles et les marginaux apparaissent doués de clairvoyance, dépassant les antagonismes de ce bas-monde pour assumer le rôle de médiateurs entre les univers, comme l'illustre par exemple la figure androgyne d'Isralestine née de la danse fusionnelle entre Ouma Moussa la stérile et le vieux bédouin Abou Elqadous (Yasida, 1991).
Loin des dogmes et de l'ordre établi, le voyageur va trouver son chemin en "s'égarant". Ainsi, Tégézé, le héros de L'Anneau sentier, harcelé par la soif de comprendre, transgresse le sens immuable du flux nomade et tente d'en remonter le courant jusqu'à la source, pour finalement se heurter à "ce que son regard n'osait affronter".
Cette étape de vérité - qui oblige à une remise en cause des valeurs et des références servant de bouclier entre soi et le réel - est l'initiation cathartique que subit Froisse vent pour renaître de sa dépouille de chef fantoche ; ou encore Kokayad, rendu à sa vocation anarchiste par sa cousine Yasida, prostituée des bas-fonds de New York ; ou bien l'homme-cheval dans le Coude grinçant de l'anarchie ; ou la Voix-de-son-double et l'Echo-de-l'envers, deux faces du même personnage qui fusionnent dans Sahara. Visions atomiques pour détourner la douleur de la destruction de soi…
L'auteur prolonge cette démarche philosophique de "l'égarement" dans son écriture en la dégageant des contraintes prosodiques de la poésie touarègue, en s'éloignant des styles et des thèmes classiques, en refusant certaines métaphores qui se réfèrent au monde perdu.
Procédant de la même recherche, la "furigraphie" de Hawad crée des images au-delà du miroir tracé par les lettres, au-delà des messages traduits par le langage, conduisant à un état d'engouement minéral d'où la signification est exclue : "Tel une pierre jetée dans l'eau dont les ondes multiples révèlent le miroir d'un autre espace, le trait est une petite tache, une balise qui laisse soupçonner l'invisible" (Horizon van een Nomade, Nominoë, Rotterdam, 1993).

CLAUDOT HAWAD Hélène

Hélène Claudot-Hawad, anthropologue, spécialiste du monde touareg, est directrice de recherche au CNRS et anime une équipe de recherche dont les travaux sont centrés sur les vastes espaces nomades saharo-sahéliens. Membre jusqu’en 2011 de l’IREMAM (Institut de Recherches et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman), elle a rejoint aujourd’hui l’UMI ESS (Unité Mixte Internationale "Environnement, Santé, Société", Marseille /Dakar /Bamako /Ouagadougou).
Ses recherches portent notamment sur l'imaginaire et les soins du corps chez les Touaregs ; sur le genre dans les sociétés matricentrées ; sur les transformations de l’organisation sociopolitique et les reformulations identitaires dans une période troublée ; sur le nomadisme, la déterritorialisation et la mondialisation au Sahara ; sur la gestion des crises locales liées à l’exploitation minière (pétrole, gaz, uranium) par des sociétés multinationales ; sur les différentes formes d’adaptation et de résistance à la dépossession –politique, territoriale, culturelle, sociale– mises en œuvre par les Touaregs depuis la colonisation jusqu’à aujourd’hui.

> Voir sa page personnelle avec liste des publications (site de l'UMIESS

Christiane FIOUPOU

Christiane Fioupou est professeur au Département des Études du Monde Anglophone de l'Université de Toulouse II-Le Mirail. Elle a enseigné en Grande-Bretagne puis, pendant douze ans, au Département d'Anglais de l'Université de Ouagadougou, au Burkina Faso. Ses recherches portent sur les littératures d'Afrique de l'Ouest, principalement du Nigéria et du Ghana. Elle a publié, notamment, une monographie sur Wole Soyinka et un recueil de textes critiques, sous sa direction. Elle a co-traduit une pièce de Wole Soyinka, La route (Hatier, 1988) et sa traduction en édition bilingue du recueil Waiting Laughters / Rires en attente, du poète nigérian Niyi Osundare, a été publiée aux éditions Présence Africaine en 2003.
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1 * Voir l’ouvrage sur Hawad publié par l’Office du Livre en Poitou Charentes (Poitiers, 1992)
 

Poésie d’embuscade (extrait)
Traduit du touareg (tamajaght) par Hélène Claudot-Hawad
 
Les airs et les sables
s'enduisent d'huile de coco
gélatine graisse fondue
haut-le-cœur
pour amadouer
les rayons du soleil.
 
Ô monde,
jusqu'à combien de rives,
âmes et corps
sens-tu le pet global
du tourisme ?
 
Là-bas comme ici
je vois la veuve Temoust,
Temoust la Touarègue,
elle dont la crevasse des yeux
ou la rocaille des pieds nus
sont nourris
des griffes du sirocco
et des dards du soleil.
L'ocre mat de l'épiderme
de ses enfants l'a cuirassée
pour affronter les scies et les faux
de ses tortionnaires.
 
Griffes du sirocco,
brasiers du soleil
sur les dards du sable,
rabots de basalte,
gueule d'un canon
bouchant l'horizon
pour coaguler le rêve
comme un obus coincé
entre le diaphragme et la luette.
Tous les outils et toutes les semences
de cette vie de grossiers faux-semblants
ont taillé le visage de Temoust.
 
Et toi, tu veux encore rêver ?
 
Armés de scies électroniques
et de poignards laser,
ils sont revenus
dans le sillage de leurs crimes.
D'une seule voix,
ils ont hurlé :
- "A la racine de la luette,
il faut couper toutes les langues harpons,
de celle du poète à celle de la chèvre
et du gecko de leurs ravins.
 
Et au-dessus du col,
gecko, chèvre
et râle du choucas
perpétuent les résonances
des cordes vocales rompues.
Fouets de tornade,
les nerfs de la langue continuent
à percuter le silence.
L'écho aux accents de silex amorce
le borborygme des galets.
 
Ô terre complainte de barbare
à la langue tranchée.
Ô langue des salives de Satan,
mijotée dans la vapeur du palais
aux timbres de piment.
 
Au pays des cris de la pénombre,
pays du génie qui appelle à la montagne,
nous tous comme les rocailles de nos plateaux,
nous grommelons et griffonnons
à l'oreille de la pierre
un mélange de sons et de signes
fourchus et branchus
comme les griffes des vautours,
nos ancêtres
qui nous mangent la langue.
 
Et nous parlons
avec des langues remuantes
tels les sabots des chèvres de nos mères
que nous trayons dans les chambres d'échos
de nos bouches.
Nos bouches emplies de lames de verre
et de mots munitions
des révoltes à venir.
 
Et à minuit quand la lune
n'est plus penchée sur la margelle,
miroir ouverture d'un puits tari,
par nos moignons de langues
nous jappons,
fracas de poésie aiguisée
comme la crête du silex.
 
Lame de verre
et sa lime de mots
balles braquées
à bout portant sur les tempes,
2poésie silex crête affûtée
des voix se croisant et s'entrecroisant ,
et encore un nouveau heurt,
voix sourde de l'entre deux chocs
comme la météorite du cœur percutant
la pierre de la détermination.
 
Au pays des langues fendues,
pays à la parole
qui va droit
vers l'axe noir,
virage rapide
et soudain demi tour,
et la flèche revient
à l'arc de la langue.
Flèche et arc repartent
en un seul tir foudre
en quête d'un butoir,
cible niant
sa déflagration.
 
Soixante-dix ombres tombent
en vomissant leurs entrailles
et un homme court à leur secours
et mord sa langue,
renversé dans le tourbillon d'une rafale
et droit il se redresse,
les reins en fumée.
Il avale sa langue,
un caillot de sang
et d'un coup il part
vers le cap du non retour.
 
A l'autre bord du malheur,
sa femme rumine son placenta.
Son fils est fauché de son ventre
par le tonnerre de l'obus,
le ligotant au cordon ombilical
qui le relie jusqu'ici
aux entrailles de sa mère,
mère prise dans l'art révolte
de recycler la mort
en butin,
arme pillée à l'ennemi.
Ceci est la jolie face
du bas du pays
aux langues fourchues.
Quant à ses hauteurs,
c'est un autre cliché.
 
Horizon et ciel à l'infini
3de la teinture laide
de l'azur
et toujours le noir du choucas
et son double, la tâche grisâtre
du vautour
qui ponctue l'absolue stridence,
notre silence.
Tout un pays de paix
écologique et hygiénique
avec son paradis minéral,
n'est-ce pas touriste ?
 
Va-t-en rapace
Ici, rien à visiter ni à raconter
Tout est nettoyé,
ethniquement correct.
Ouste ! journaliste.
Tout est propre et technologique.
Les corps sont découpés et brûlés,
les cadavres sont en cendres,
avec la coopération des Nations unies.
Désert basalte
pierraille avalanche
lave de nos crânes
et rocaille
grincement des os
ricochant sur les balles.
 
Vers la décharge,
les camions ont tout pelleté,
même le vent,
et depuis avant-hier
des fumées âpres,
sueurs de l'homme,
dessinent sur le poitrail du firmament
d'énormes navires remplis de scories
au regard de pierre ponce,
traversés par le cuivre d'une roquette.
 
Navires de fumée
chargés du marc de l'alphabet,
nos ombres,
ombres présence de l'absence
de nos corps
face à la peste silence,
la gale complice
qui suce notre existence
jusqu'à la moelle.
Nous sommes les fourmis
ombres divagantes d'une gangrène
4qui se nourrit du vagabondage
de ses molaires.
 
Maintenant sur mon épaule
la nuit défèque le jour,
et je vais percer
les testicules enflés
du hibou blême,
l'hypocrisie.
Commentaires par l'auteur de "Poésie d’embuscade"
Traduit du touareg par Hélène Claudot-Hawad
- "Bon, le texte que je viens de lire s¹appelle "Poésie d¹embuscade ". Il ne faut pas l¹entendre comme une personne en embuscade ! C¹est la poésie ici qui tend un guêt apens à la métaphore pour la détourner et trafiquer les situations et les encerclements de l¹envahisseur et de l¹adversaire. Voilà !
C¹est tout un travail que j¹ai commencé depuis des années, un travail qui consiste à replacer la personne au centre de sa situation, au centre de son temps, pour qu¹elle soit non pas soumise à eux, mais pour que ceux-ci émanent d¹elle. Et en même temps, on capte tous les tirs adverses, on les recycle et on les renvoie à leur batterie d¹origine, et en toutes directions et tous temps. C¹est ceci la poésie d¹embuscade, pas à pas, coup par coup, mais jamais interrompue. "

S A H A R A , V i s i ons at om i que s , Chapitre 5 : Écho de l’envers

Traduit du touareg (tamajaght) par Hélène Claudot-Hawad

 

Allo allo

arghem alpha éba arghem éba.

Je vous annonce que les rayons X

viennent de dévoiler une amulette

nouée dans les plis

de la cervelle d’un homme,

homme du nom de X,

homme clandestin,

homme vagabondant dans sa cervelle,

homme errant dans toutes les zones de pénombre

de son propre moi.

Allo allo, est-ce que vous m’entendez ?

Ou bien n’ai-je plus d’ombre moi aussi

sur cette terre qui glisse et dérape avec nous ?

Oui ! béta alpha beta, vous m’entendez ?

Si oui, alors moi aussi

je ne suis plus moi,

moi qui suis au service de votre sécurité,

mais plutôt un autre, un moi à part,

un moi à l'envers...

 

Bon, je vais essayer de lire l’amulette

que les rayons X ont dévoilée

à l’agent Y de nos services

pour que toutes les nations du bien

puissent l'entendre,

je vais réciter, à haute voix,

l’amulette écrite à l’envers

l'amulette aux formules diaboliques

des sept vents du néant

qui disent :

 

– Au nom des sans ombres,

les sept vents sans ombres,

eux qui refusent toute autorité

et ne reconnaissent pas les ordres établis

en pyramide Etat poids carcan

miséricordieux sur leurs épaules.

Argham, ébjad, éhwaz, ékhtay

éklman esghaf éDad éqershat

étcha eZa édj éga,

a i o é et le a défunt.

Le monde est une pyramide

étagée en cinq blocs :

Premier bloc

où habitent le zéro et neuf lions,

Deuxième bloc

où demeurent douze combattant

Troisième bloc

abritant quatre vipères

Quatrième bloc

emmagasinant cinq détonateurs

et cinquième bloc

qui détient les cinq codes

des cinq extinctions de l'imaginaire :

a1, i2, o3, é4,

et je dessine au centre du carré

le a de l'absence

qui campe le 5.

En donnant de l'importance

seulement aux consonnes,

le cabalisme a négligé la force noire

des cinq baguettes en deçà du sens,

les voyelles

qui détournent le pouvoir

de toute autorité

Etat et pharaonnerie bétonnés.

Voici l'art de recycler

l'énergie des chutes et déchets

que la raison a exclues.

Vent rouge, vent jaune, vent roux,

vent noir, vent gris, vent rayé,

vent albinos,

les anges ont bien un sexe

et quatre vingt dix neuf pour cent

de belles femmes,

le prêtre reçoit la révélation de l'ange,

le scribe accueille la charge électrique du vautour,

les sept vents sont dans nos filets.

A présent, tressons les nerfs du cyclone .

 

J'ajoute la puissance du neuf

à la puissance du huit,

la puissance du huit à la puissance du sept,

la valeur du sept s'additionne à celle du six

la valeur du six à la puissance du cinq.

Et je plonge les cinq puissances

dans la puissance du quatre

et transfère la puissance du quatre

dans la puissance du trois.

Je baratte la puissance du trois

dans la puissance du deux

et les deux puissances dans le Un.

Alors je verse la puissance du un

dans l’impuissance

et je transvase l’impuissance

de trois éclairs atomiques

dans la planche de mon thorax,

et je crie la puissance du nombre renversé

glissant et fuyant toutes les pesanteurs

des valeurs du monde établi

et par le timbre sourd

du cinquième cri de combat,

hors des tripes de la terre,

j’arrache la destruction

des six derniers tonnerres atomiques

que le mont Ahaggar a noués

dans les boyaux de l’ombre

fantôme du Touareg,

ombre à quatre pattes

sous les ténèbres de son pays culbuté

qui lui aussi rampe

sur les vertèbres de son dos.

 

Impuissance des trois tonnerres

à laquelle se rajoutent les destructions

des six tonnerres qui ont semé

à coup de mépris

les neuf fardeaux atomiques

en direction de l’astre

à la puissance neuf

et neuf jusqu’à l’infini neuf,

neuf bras et branches de haine

puissance de neuf milliards

voyage de la lumière errante

pondant sans cesse neuf soleils,

qui chacun explose à tout instant

de neuf milliards de cosmos soleils

de nouveau épanchant leurs menstrues

jets d'arcs-en-ciel

des neuf voies lactées

qui crachent d’autres ouragans fous

d’étincelles...

 

Je dévie,

je dévie toutes les puissances des neuf chaos

et à hauteur des sept forces terrestres

rajoutées aux grimaces des sept fronts célestes,

je détourne,

je détourne tous les aimants

des voies et des autoroutes

de satellites voitures avions et trains

fibres et réseaux ferroviaires et électroniques

des terres, des airs, de l’imaginaire et des océans.

 

Ne craignez pas la métamorphose,

déjà nous sommes neuf milliards de fusées,

neuf milliards d’insectes

soleils en révolte

s’affranchissant des cervelles d'ordinateurs,

libérés de leurs lanceurs,

pour un élan de fronde tourbillonnant

danses révoltes marches rejoignant les vertiges

courses de météorites cabalistiques

du détournement des sens,

des ordres et des règles.

 

Geste du scribe

Ewa égale six,

alpha égale un,

eha égale cinq.

Ceci est la formule

de la bombe à retardement

de nos regards,

nos regards ponceurs de vos soleils.

Et déjà les fronts de vos satellites sont scalpés

et cent champignons du tartre de notre salive

continuent leur œuvre

dans la cervelle et les moelles nues

de vos espions et de vos ordinateurs...

Le vieux vautour,

gardien des campements abandonnés,

ne disait-il pas :

– Attachez la terre à la cheville du vent,

liez la terre par le fouet de vos langues,

liez le serpent terre,

et mettez l’unité du cinq

dans l’angle gauche du triangle

et le chiffre un dans l’angle droit.

Et sur la tête de votre triangle,

logez encore un cinq

et ensuite, renversez la pyramide des pharaons

sur le souple triangle, trépied nomade

et entourez le double triangle

par le nom des hommes de sept,

hommes de sept, piliers des ténèbres

et l'être humain jaillira des ténèbres,

Homme, porteur de l’univers.

Des ténèbres, surgira l’homme taureau,

taureau homme

qui n’a nul besoin

de la planche de l’espace

ni d’un faux ruban du temps,

l'homme taureau indomptable,

homme rebelle taureau,

Homme jailli du cosmos

homme fauve

se portant lui-même

et l'autre face du monde.

 

Renforcez l’homme rebelle

par le sexe de Satan,

et naîtra le démon de la passion

de vos insurrections.

Le six de la gauche

versé dans le un de la droite

égale sept.

Et sept fois le cinq de la tête du triangle

égale trente cinq.

Et trente cinq fois trois

égale cent cinq.

Alors, en soustrayant les deux zéro du cent,

vous trouverez le Un,

et un auquel s’ajoute cinq fait six.

Six axes et au centre dressez le un

de leur silhouette debout.

Un au centre de vos six pôles d'orientation

égale sept,

voilà le Sept, l’homme,

l'homme dressé,

l'homme formé de deux triangles,

l'un tête en bas rencontrant

l'autre, tête en haut.

Et maintenant soufflez sur le vent,

et tomberont dans le vent

les coques poids pyramides

de vos pharaons.

A présent le vent, la terre et le temps

sont entre vos mains.

Buvez le mirage et le soleil.

Qu’attend la révolution ?

Buvez la lie de vos nuits,

déjà vous êtes affranchis,

déjà vous marchez et êtes libérés,

vous marchez au-delà de l’état d’homme

vers la nature du vent.

Rouille du cinq

sur venin du sept

égale douze.

Trente jours frissonnant sous la fureur

de quatre triangles, sceau carré

socle de l’alchimie des mirages,

urine de soleil noir,

encre sperme de scorpion en rut,

redressez-vous,

nous avons métamorphosé la fortune

des nouveaux Crésus et des tyrans

en tornades de sauterelles dévastatrices

fondant sur le lard des coffres-forts.

Charançons,

pâturez dans les casques et les blockhaus,

mangez-les,

la conscience de leur diadème d’argent s’effiloche,

leur monde est devenu un vieux mouton

traînant le postérieur

vers le sillage de vos rêves.

Détournez leur vent sans atermoiement,

égarez-les sur votre terre.

Les lichens déjà rongent

le phallus de leur haine

sous vos sabots.

Emoussez leurs cils,

il ne reste plus sous leurs paupières

la moindre étincelle

hormis les cendres de leurs rêves.

 

C o mm e n tai r e s par l ' auteur de " S A H A R A , Visions atomiques "

Traduit du touareg par Hélène Claudot-Hawad"Le 2e poème qu¹on a entendu vient d¹un travail à part tiré d¹un livre qui s¹intitule : "Sahara. Visions atomiques ". Le texte de cet ouvrage expose la magie moderne d¹une guérilla de détournement des chiffres, des situations et des encerclements, afin de construire et de redresser et de démonter l¹homme, l¹homme ennemi. Et le reconstruire pour qu¹il devienne un proche.

Tout ceci est un clin d'oeil pour chercher un côté où il pourrait y avoir une issue, soit en dessous, soit au dessus, soit au détour de ce qui étouffe, bref il y a toujours une issue ! "

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Documents à consulter :

Biographie d'Hawad

Biographie d'Hélène Claudot-Hawad

Ecriture tifinagh consonantique et tifinagh vocalisés et cursifs de Hawad

Interview de Hawad publiée dans Buveurs de Braises, MEET, St Nazaire, 1995

Traduction de "Poésie d'embuscade" de Hawad

Traduction de "Visions atomiques"

Transcription de "Poésie d'embuscade"

Transcription de "Visions atomiques"