« POUR DJAMILA (BOUPACHA) », UN FILM DE CAROLINE HUPPERT SUR ARTE

17/09/2014 10:02
 
« POUR DJAMILA (BOUPACHA) »
Djamila Boupacha, née le 9 février 1938 à Bologhine (anc. Saint-Eugène)1, est une militante du Front de libération nationale algérien, dont les aveux - obtenus par le viol, et la torture pendant plus d'un mois - ont donné lieu à une affaire judiciaire et médiatique à l’initiative de Gisèle Halimi et de Simone de Beauvoir. Néanmoins condamnée à mort le 28 juin 1961, elle est amnistiée dans le cadre des accords d'Évian, et finalement libérée le 21 avril 1962 (ordonnance de non lieu le 7 mai 1962).
Comment en pleine guerre d’Algérie, la jeune avocate Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir ont transformé la condamnation d’une militante du FLN, Djamila Boupacha, en tribune pour l’indépendance. Un téléfilm historique émouvant de Caroline Huppert, avec Hafsia Herzi. C’est ce soir sur Arte à 21 heures en France et 20h en Algérie.

Biographie

Fille d'Abdelaziz Ben Mohamed et d'Amarouche Zoubida Bent Mohamed, cette jeune musulmane pieuse et fille de militant s'engage dans le FLN sous le nom de guerre de Khelida lors de la Guerre d'Algérie. En 1960, elle est accusée d'avoir déposé une bombe - désamorcée - à la Brasserie des Facultés en février 1959 à Alger2. Suivant Gisèle Halimi, « elle n'avait pas commis d'attentat mais était sur le point d'en commettre un »3. Elle est arrêtée le 10 février 1960 en compagnie de son père, de son frère, sa sœur Nafissa et de son beau-frère Abdellih Ahmed. Emprisonnée et torturée comme son père et son beau-frère, elle est violée au cours de sévices qui durent plus d'un mois, infligés par des membres de l'armée française.
Simone de Beauvoir rédige une tribune à son sujet dans les colonnes du journal Le Monde en date du 2 juin 19604 que le premier ministre Michel Debré fait saisir en Algérie2. Défendue par Gisèle Halimi, l'affaire Djamila Boupacha prend une ampleur médiatique et internationale importante lorsqu'un Comité pour Djamila Boupacha est créé, présidé par Simone de Beauvoir, et qui comprend parmi ses membres Jean-Paul Sartre, Louis Aragon, Elsa Triolet, Gabriel Marcel, Geneviève de Gaulle ou encore Germaine Tillion. À la suite des pressions du comité de soutien qui s'est constitué pour sa défense et par l'entremise de Simone Veil, alors magistrate, elle est transférée en France métropolitaine pour y être jugée, de crainte que l'on abatte Djamila Boupacha dans sa cellule afin qu'elle ne parle pas. Pour les faits de torture, Gisèle Halimi poursuit le ministre de la défense Pierre Mesmer ainsi que le général Charles Ailleret, qui commande alors l'armée française en Algérie, pour forfaiture.
Djamila Boupacha comparait à Caen fin juin 1961, dans un procès au cours duquel elle identifie ses tortionnaires mais au terme duquel elle est condamnée à mort, le 28 juin5. En 1962 elle est amnistiée en application des accords d'Évian mettant fin à la guerre d’Algérie et libérée le 21 avril 1962.
Elle est libérée le 7 mai 1962 par ordonnance de non-lieu, en application du décret d'amnistie du 22 mars. Réfugiée chez Gisèle Halimi, elle est séquestrée puis transférée à Alger par la Fédération de France du FLN, qui dénonce « l'opération publicitaire tentée à des fins personnelles » par l'avocate Gisèle Halimi .
Le peintre Pablo Picasso réalise le portrait de Djamila Boupacha7 qui illustre la couverture du livre que Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir publient avec d'autres en 1962 sur ce dossier et le musicien Luigi Nono rend hommage à la jeune femme en lui consacrant une pièce de ses Canti di Vita et D'amore.

Bibliographie

Ouvrages

Gisèle Halimi, Djamila Boupacha éd. Gallimard, 1962. En collaboration avec Simone de Beauvoir et des témoignages de Henri Alleg, Mme Maurice Audin, du général de Bollardière, de R. P. Chenu, du Dr Jean Dalsace, de J. Fonlupt-Esperaber, Françoise Mallet-Joris, Daniel Mayer, André Philip, J.‑F. Revel, Jules Roy, Françoise Sagan, un portrait original de Picasso et un hommage des peintres Lapoujade et Matta.
(en) Rita Maran, Torture, the role of ideology in the French-Algerian war, éd. Praeger, 1989

Articles

(en) Philip Agee, Torture as an Instrument of National Policy : France 1954—1962 in Social Justice, vol. 17, no 4 (42), hiver 1990, pp. 131-138, extrait en ligne
(en) Page Whaley Eager, From Freedom Fighters to Terrorists, éd. Ashgate, 2008,pp. 111-114, ouvrage en ligne

Filmographie

Pour Djamila, 2011 de Caroline Huppert, avec Marina Hands et Hafsia Herzi.

Vidéographie

Ce soir (ou jamais !), France 3, 20/03/2012, avec Gisèle Halimi, Marina Hands, Hafsia Herzi et Sylvie Thenault, émission en ligne

Musique

En 1962, le compositeur italien Luigi Nono (1924-1990) compose les Canti di Vita et D'amore, parmi lesquelles une pièce vocale d'environ dix minutes pour soprano solo intitulée Djamila Boupacha.

Luigi Nono (1924-1990)

Djamila Boupacha (1962)

pour soprano solo

 

Informations générales

●   Date de composition : 1962

●   Durée : 10 minutes

●   Éditeur : Ricordi

●   Cycle : Canti di Vita e d'Amore

●   Commande: Festival d’Édimbourg

Livret (détail, auteur) :

Jesús López Pacheco, Esta Noche

Genre

●  Musique vocale a cappella [Soprano]

Effectif détaillé

soprano solo

Information sur la création

22 août 1962, Royaume-Uni, Édimbourg, par Dorothy Dorow.

Note de programme

Luigi Nono est un compositeur engagé, à la fois musicalement et politiquement. Djamila Boupacha pour soprano seule fait partie de ses œuvres manifestes. Elle en est même emblématique : Djamila Boupacha — dont Picasso a également fait un portrait au fusain — était une combattante algérienne, torturée par des paras français pendant la guerre.
Cette saisissante monodie, véritable cri déchirant pour soprano solo, est le deuxième volet d’un triptyque pour voix et orchestre, Canti di vita e d'amore. Les deux autres volets traitent également d’événements cruciaux du vingtième siècle : Hiroshima pour le premier (pour lequel Nono s’inspire librement de Être ou ne pas être — Journal d’Hiroshima et Nagasaki de Günther Anders, philosophe allemand et premier mari de Hannah Arendt) et l’oppression franquiste pour le troisième (occasion pour le compositeur demettre en musique Tu, da Passerò per Piazza di Spagna de Cesare Pavese). C’est aussi d’un poète anti franquiste qu’il s’empare pour Djamila Boupacha : Jesús López Pacheco a dédié son poème Esta Noche à la jeune femme qui, libérée en mai 1962 suite aux accords d’Évian, refusera ensuite de cautionner le régime sorti vainqueur de la guerre d’indépendance.
Comme le titre du triptyque l’indique, Djamila Boupacha est un chant d’amour et de vie. Nono compose une ligne aussi sobre que fulgurante, qui, dans le contexte de l’œuvre dans son intégralité, émerge lentement de l’orchestre qui se tait, pour y disparaître ensuite, après un passage dans le suraigu où l’intensité expressive est tendue à l’extrême. « Un pur chant d’espoir », dira le compositeur, qui conclut sur une affirmation de liberté.
 
Quitad me de los ojos
esta niebla de siglos.
Quiero mirar la cosas
como un niño.
 
Es triste amanecer
y ver todo la mismo.
Esta noche de sangre,
este fango infinito.
 
Ha de venir un dia,
distinto.
Ha de venir la luz,
creed me lo que os digo.
 
Jesús López Pacheco.
Éditions Rapporti Europei, Rome.
 
*          *          *
Cette nuit
Dissipez cette brume
devant mes yeux.
Je veux voir les choses
comme un enfant.
 
Qu’il est triste qu’à l’aube
rien n’ait changé.
Cette nuit de sang,
cette boue infinie
 
Un jour viendra,
différent.
La lumière viendra,
croyez ce que je vous dis.
 
(traduction de Jérémie Szpirglas)
 
*   *   *

Janet Pape, soprano

Concert du Spectrum XXI 18 novembre 2008 Salon D'or de l'Hotel de Behague, Paris VII

Djamila Boupacha, jeune algérienne membre du FLN, fut arrêtée, mise au secret, et torturée par l'armée française . Un comité de défense fut fondé et Pablo Picasso dessina ce portait pour le livre de Simone de Beauvoir et de Gisèle Halimi sur la jeune algérienne avec des témoignages d'intellectuels. Gisèle Halimi qui fut son avocate raconte : « Bien que ne layant que préfacé, elle (Simone de Beauvoir) signa comme co-auteure avec moi Djamila Boupacha, pour assumer, elle aussi, les poursuites qui sont venues. Cette longue bataille ne prit fin quen 1962, avec les accords dÉvian qui virent enfin la libération de Djamila Boupacha, aussitôt emmenée en Algérie dailleurs, par le FLN. » Daté en bas: "le 8.12.61"(Collection particulière).

 
Luigi Nano " Canti Di  Vita e d'Amor
 
 
 
En 2000, Francesca Solleville interprète Djamila composée par Bernard Joyet sur le disque Grand frère petit frère. En 2012, Bernard Joyet reprend la chanson dans son disque Autodidacte.