René Vautier, le «cinéaste fellouze», est décédé

04/01/2015 21:29

Réalisateur du film sur la guerre d’Algérie «Avoir 20 ans dans les Aurès», il avait 86 ans.

René Vautier, c’est l’homme à qui l’on doit la fin officielle de la censure politique au cinéma en France. Grâce à 33 jours de grève de la faim, en 1973. Il ne subira plus le harcèlement d’Etat (confiscation de bobines et prison pour Afrique 50, poursuite pour atteinte à la sûreté nationale avec Une nation l’Algérie en 1954, etc.), mais on continuera à taire son œuvre. Une seule fois, son film le plus connu, Avoir vingt ans dans les Aurès, prix de la critique internationale à Cannes en 1972, passa à la télé, mais « par erreur », remarquait-il avec humour.
Né à Camaret-sur-Mer (Finistère) le 15 janvier 1928, Vautier est l’auteur d’un œuvre essentiellement anticolonialiste, qui se focalise sur la guerre d’Algérie, dénonçant en particulier la torture. Mais son tempérament engagé le pousse à filmer aussi contre le capitalisme (Quand tu disais Valéry, en 1976), contre l’apartheid (Frontline, 1976, qui n’obtient pas le visa de diffusion en France) ou le FN (A propos de l’autre détail, 1984-1988) voire à propos de la pollution (Hirochirac, 1995).
En 1944, à 18 ans, il est chargé de la propagande au sein du groupe de Résistance EDF de Quimper. A peine sorti de l’Idhec, il tourne la Grande lutte des mineurs (sur les grèves de novembre 1947) et surtout Afrique 50, documentaire sur les émeutes anticoloniales en Côte-d’Ivoire et sur leur répression sanglante par l’armée française  : «René Vautier, écrit le critique Georges Sadoul en 1951, tranche par son allure et ses convictions, il pense visiblement que lorsqu’un mur se dresse sur la route de ce qu’il veut montrer, la seule solution consiste à foncer dans le mur, caméra au poing et tête en avant. Les murs n’ont qu’à bien se tenir.»
Afrique 50 (René Vautier, 1949)
Afrique 50 est le premier film anticolonialiste français. À l'origine, il s'agit d'une commande de la Ligue française de l'enseignement destinée à montrer aux élèves la mission éducative menée dans les colonies françaises d'Afrique de l'Ouest. Mais, sur place, le réalisateur, âgé de 21 ans seulement, décide de témoigner de la réalité : le manque de professeurs et de médecins, les crimes commis par l'armée française au nom du peuple français, l'instrumentalisation des populations colonisées... Le film fut interdit pendant plus de 40 ans et valut à René Vautier plusieurs mois d'emprisonnement.
Sur Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Afrique_50
Sur le site de la Cinemateque francaise "Acquisition de copies neuves d'Afrique 50 de René Vautier" (avec un entretien avec Msr. Vautier) https://www.cinematheque.fr/fr/musee-c...
Note de Isabelle Le Gonidec sur RFI "«Afrique 50»: René Vautier, le «petit Breton à la caméra rouge» " https://www.rfi.fr/afrique/20130919-af...
 
En 1955, c’est Une nation, l’Algérie, histoire de la colonisation. En 1957 et 1958, Algérie en flammes, filmé dans les maquis des Aurès-Nementchas et le long de la ligne Morice, réseau de barbelés électrifiés qui séparait l’Algérie de la Tunisie. Ce qui n’empêche pas Vautier de passer vingt-cinq mois dans une prison clandestine du gouvernement provisoire algérien, à Denden à l’ouest de Tunis, suspecté d’être un agent de Moscou.
Après l’indépendance de l’Algérie, Vautier devient directeur du centre audiovisuel d’Alger et secrétaire général des cinémas populaires (cinés-pops), organisme de cinéma ambulant dont les débats post-projections enflamment le bled. En 1972, Vautier signe Avoir 20 ans dans les Aurès, fiction tournée en Tunisie (avec Alexandre Arcady et Philippe Léotard) et fondée sur des heures d’entretiens au magnétophone avec des anciens appelés du contingent. Un film qui, aux dires du réalisateur, voulait apaiser sinon domestiquer une question obsédante : « Comment peut-on mettre des jeunes en situation de se conduire en criminels de guerre ? » René Vautier est mort dimanche matin, dans sa Bretagne natale.
Avoir 20 ans dans les Aurès, 1972
Avoir vingt ans dans les Aurès est un film français réalisé par René Vautier et sorti en 1972. Le film ressort en version numérique restaurée le 3 octobre 2012.
Le film a été considéré comme une vision « incorrecte » de la guerre d'Algérie, avec une apologie de la désertion, et a fait l'objet de polémique encore 25 ans après sa sortie, dans le cadre d'un festival à Tourcoing en novembre 1997.
En avril 1961, dans le massif des Aurès, un commando, formé d'appelés bretons, affronte un groupe de l'Armée de libération nationale : il fait un prisonnier algérien. Le soldat français blessé au cours de l'accrochage, instituteur dans le civil, se rappelle les événements qu'il a vécus avec ses camarades au cours des derniers mois : leur opposition à la guerre en Algérie les a conduits dans un camp réservé aux insoumis ; Il se remémore la façon dont leur chef a su les transformer, de jeunes Bretons antimilitaristes qu'ils étaient, en redoutables chasseurs de fellaghas, prêts à tuer et y prenant goût, tous sauf lui, cèdent progressivement à l'escalade de la violence.
Titre : Avoir vingt ans dans les Aurès
Réalisation, scénario: René Vautier
Photographie : Pierre Clément et Daniel Turban
Son : Antoine Bonfanti
Musique : Yves Branellec et Pierre Tisserand (chanson du générique)
Montage : Nedjma Scialom
Production : U.P.C.B. - Unité de Production Cinématographique de Bretagne
Film en couleurs
Distribution : coopérative DHR (https://cooperativedhr.fr/)
Durée : 97 minutes
Date de sortie : France : 12 mai 1972
 
Philippe Léotard : Le lieutenant Perrin
Alexandre Arcady : Noël
Hamid Djellouli : Youssef
Jacques Canselier : Coco
Jean-Michel Ribes : Le curé
Alain Scoff : Le soldat Lomic
Jean-Jacques Moreau : Jacques
Michel Elias : Robert L'instituteur
Yves Branellec : Youenn
Philippe Brizard : La Marie
Charles Trétout : Charles
Pierre Vautier : Pierrick
Alain Vautier : Lanick
Bernard Ramel : Nanard
Prix de la critique internationale au Festival de Cannes 1972.
 
1972 , René Vautier à propos de son film « Avoir 20 ans dans les Aurès ».
 

L'Algérie en flammes (1958)

"En 1956, le réalisateur anticolonialiste René Vautier entre en contact avec des membres de l'Armée de Libération Nationale Algérienne ; il souhaite tourner dans les Aurès-Nementchas, des images sur la réalité de la lutte du peuple algérien. Les Algériens donnent leur accord. Résultat pour le metteur en scène : trois blessures, deux ans de prison dont dix-neuf mois dans une cellule de condamné à mort et ce film"